Crise politique France Rassemblement national
Le Rassemblement national de Jordan Bardella et de Marine Le Pen, grand vainqueur annoncé en cas d’élections anticipées. © GETTY

Crise politique en France: «Le Rassemblement national est la seule force unie»

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Face à la dispersion des forces de gauche et aux divisions au sein du parti Les Républicains, l’extrême droite apparaît comme un pôle de stabilité. Et, de plus en plus, un recours.

Le renoncement du Parti socialiste à une motion de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu n’écarte pas, à terme, les menaces contre la viabilité de l’exécutif dépourvu de majorité absolue. Le spectre de la dissolution plane toujours sur la scène politique française. Tous les partis ne semblent pas pareillement armés face à cette éventualité. Analyse du paysage politique de l’Hexagone avec Marc Lazar, historien et sociologue, professeur émérite à Sciences Po.

Face aux divisions de la droite et de la gauche, la Rassemblement national et son allié, l’Union des droites pour la République d’Eric Ciotti, sont-ils le seul pôle de stabilité du paysage politique français?

Aujourd’hui, le Rassemblement national est porté par une très forte dynamique politique. Les cotes de popularité de Marine Le Pen et de Jordan Bardella sont très hautes. Cela vaut pour toutes les personnalités de droite extrême ou radicale. De surcroît, effectivement, le Rassemblement national est uni. Il y a peu de divergences en son sein, et peu de sensibilités différentes parmi ses membres. Il est uni à la différence des Républicains et des socialistes qui sont divisés, mais aussi à la différence des macronistes qui divergent de plus en plus entre eux. Donc, oui, le RN apparaît comme la seule force unie et portée par une dynamique politique qui, en cas de dissolution, pourrait l’amener à faire encore un meilleur score qu’en 2024.

«Il y a de plus en plus de porosité entre le Rassemblement national et les Républicains.»

Si le scénario d’une nouvelle censure du Premier ministre et d’une dissolution de l’Assemblée nationale prenait corps, passerait-t-on d’une crise politique à une crise de régime?

Si c’est ce scénario qui prévalait, plusieurs suites seraient possibles. Premier cas de figure: les élections débouchent sur une assemblée à peu près équivalente à celle actuellement élue avec une diminution manifeste du nombre de députés macronistes, une très forte augmentation du nombre de députés Rassemblement national et une petite progression de la gauche, et donc, aucune majorité. La pression pour une démission d’Emmanuel Macron du RN, de La France insoumise, et désormais, de plus en plus d’autres personnalités, serait terrible. Je ne sais pas comment il pourrait y résister. Alors oui, on serait dans une crise de régime. Deuxième cas de figure: le Rassemblement national a la majorité absolue. Ce n’est pas à exclure. Dans cette hypothèse, il y aura une situation de cohabitation entre le président Emmanuel Macron et Jordan Bardella. Enfin, troisième cas possible: le Rassemblement national progresse beaucoup, dispose, avec l’Union des droites pour la République, d’une majorité relative, et il ne lui manque qu’une vingtaine ou une trentaine de députés pour atteindre la majorité absolue. Dans ce scénario, plusieurs députés des Républicains se rallieront au RN, et on pourrait avoir une autre situation de cohabitation.

La probabilité d’une union des droites est-elle de plus en plus grande?

Il y a de plus en plus de porosité. Cette union des droites ne se fera cependant pas avant les élections. On n’assistera pas en France à la reproduction du modèle italien où la droite dure de Giorgia Meloni, l’extrême droite de la Ligue, et la droite modérée de Forza Italia se sont alliées autour d’un programme commun avant les élections. Cela se passerait après les élections sous la forme d’un accord de gouvernement et le ralliement d’un certain nombre de députés des Républicains alors qu’une autre partie y résisterait. Dans ce cas, le parti Les Républicains exploserait.

Comment expliquer que l’hypothèse d’un gouvernement technique comme il a pu en exister en Italie n’a pas été explorée en France?

Cela aurait pu se faire. Mais il y a deux obstacles. Le premier, c’est Emmanuel Macron. Il ne veut pas en entendre parler. La deuxième raison est que les politiques français, regardant les expériences italiennes des gouvernements de Mario Monti et de Mario Draghi, ont pu constater qu’après elles, les élections qui ont suivi ont profité à des partis populistes ou antisystème. En 2013, le Mouvement 5 Etoiles est devenu le premier parti politique italien. En 2022, Giorgia Meloni est passée de 4%, le score électoral de son parti en 2018, à 26%. Prévaut donc l’idée qu’il vaut mieux éviter la constitution d’un gouvernement technique parce que cela renforcerait encore plus et le Rassemblement national et La France insoumise…

Entretien: G.P.

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