Jesus Escudero, une des membres de "La meute". © Belga

Espagne : 15 ans de prison ferme pour les violeurs de « La meute »

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

C’était bien un  » viol en réunion  » et non pas une  » simple  » agression sexuelle : en Espagne, après une première condamnation jugée laxiste, la Cour suprême a condamné, ce vendredi,  » La Manada  » ( » La meute  » ) à 15 ans de prison ferme, pour la tournante que ce groupe de cinq hommes a infligée à une jeune fille de 18 ans, pendant les fêtes de la San Fermin, en 2016.

C’est un jugement important qui fera obligatoirement jurisprudence. Retour sur les faits : en plein mouvement #MeToo, en avril 2018, cinq hommes ( qui avaient fait – violemment – subir une tournante, avec multiples pénétrations simultanées) à une jeune fille, seule, égarée et ivre, de 18 ans, la laissant presque nue dans une cage d’escalier, en état de choc absolu et humiliée par la prise de sept vidéos du viol, toutes partagées, avec vantardise et moquerie, sur la messagerie Whatssap, n’avaient écopé que d’une condamnation de neuf ans, « pour abus sexuels » et « abus de faiblesse », alors que le parquet réclamait, lui, 22 ans de réclusion criminelle à leur encontre. En juin 2018, la justice espagnole annonçait déjà la libération des cinq condamnés, sous contrôle judiciaire, moyennant une caution de 6000 euros, chacun.

« Moi, je te crois ! »

De fait : sursaut populaire ou non, la condamnation de « La Manada », avait été confirmée en décembre 2018, devant le Tribunal supérieur de justice de Navarre, déclenchant l’indignation ahurie d’une partie importante de la population espagnole, féministe ou non, qui, depuis, n’a eu de cesse de réclamer une modification profonde de la loi, manifestations et pétitions à l’appui (avec – sur les réseaux sociaux- le hashtag #YoTeCreo (« moi, je te crois ») : en effet, le code pénal espagnol ne prend pas en considération la notion de « consentement », en matière de viol, contrairement au droit belge.

Se défendre, quitte à être tuée ?

En Espagne, (comme en France, d’ailleurs ; voir, à ce propos « L’Entretien » avec Me Steyer : « Comme le meurtre, le viol est un crime » ), les magistrats se positionnent en prenant compte du « degré de résistance » que la victime oppose à ses agresseurs. Et l’avocate de la jeune femme, Isabel Rodriguez, de souligner : « On ne peut pas demander à une victime d’adopter une attitude héroïque qui mettrait sa vie en péril !« 

Traitements humiliants et dégradants

Le 21 juin 2019, la Haute Cour a établi qu’il ne s’agissait donc nullement d’une « agression sexuelle », mais bien d’un crime de viol en réunion, avec aggravation et traitements humiliants et dégradants en bande. « A aucun moment, elle (la victime) n’a consenti à ces actes sexuels  » a souligné le juge, en ajoutant que la jeune fille, seule, face à cinq hommes dans la force de l’âge, avait « vécu une angoisse et une contrainte fortes « .

Les violeurs auraient dû écoper de 75 ans de prison

Le jugement, rendu vendredi 21 juin 2019, aurait pu être bien plus lourd encore, a souligné la Cour suprême : 75 ans, au lieu de 15, avec une peine de sûreté de 20 ans. Mais, suite à un vice de procédure (Le Tribunal supérieur de justice de Navarre avait mal qualifié les faits), la peine de 75 ans n’a pas pu être ordonnée. Quatre des cinq violeurs écopent donc de 15 ans de prison ferme, avec interdiction absolue de quitter le pénitencier de Séville, pendant la période de la condamnation. En outre leur sont imposés l’interdiction de s’approcher de la victime pendant 20 ans, ainsi que de son domicile, de son lieu de travail ou de tout autre lieu qu’elle fréquente à moins de 500 km. La peine est également assortie d’une interdiction, pour les condamnés, de communiquer avec l’extérieur, par tout moyen (moyens informatiques ou téléphoniques, contact écrit, verbal ou visuel). Le 5e violeur condamné, Antonio Manuel Guerrero, a, lui, écopé d’une peine de 2 ans d’emprisonnement supplémentaire ; soit un total de 17 ans fermes, pour « vol à main armée » du smartphone de la victime.

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