Bill Clinton et Boris Eltsine en 1995. © REUTERS

« Droit comme un I »: quand Eltsine décrivait Poutine à Bill Clinton

Le Vif

« Il est droit comme un I ». Au crépuscule de sa présidence, Boris Eltsine décrivait en termes élogieux Vladimir Poutine, qu’il avait choisi pour lui succéder, selon des documents publiés récemment par la bibliothèque présidentielle de Bill Clinton.

C’est en septembre 1999 que le premier président russe, dont la santé a déjà beaucoup décliné, parle pour la première fois de M. Poutine au président américain, avec qui il a développé une relation amicale, selon les compte-rendus de leurs entretiens jusqu’ici classés top-secrets. Les 700 pages de documents, publiés en bloc, regroupent toutes les transcriptions déclassifiées des appels téléphoniques et des rencontres bilatérales de MM. Clinton et Eltsine du 23 janvier 1993 jusqu’à la démission abrupte du président russe le 31 décembre 1999. Les documents montrent que les deux hommes parviennent à rester cordiaux, même quand ils ne sont pas d’accord sur des sujets aussi sensibles que les projets d’expansion de l’Otan ou l’intervention de l’Alliance atlantique au Kosovo en 1998.

Puis le 8 septembre 1999, au cours d’un entretien téléphonique, Boris Eltsine prévient Bill Clinton que c’est son Premier ministre Vladimir Poutine qui lui succèdera. « Il m’a fallu longtemps pour trouver qui pourrait être le prochain président russe en 2000 », dit-il. « Et puis je l’ai croisé – Poutine, je veux dire – j’ai examiné sa biographie, ses centres d’intérêt, ses connaissances, etc. J’en ai conclu que c’était un homme solide, très bien informé des sujets dont il est chargé ». « En même temps, il est rigoureux, fort et très sociable », poursuit Eltsine. « Je suis sûr que tu verras en lui un partenaire très qualifié ». Le président russe se dit « tout à fait convaincu » que la candidature de M. Poutine recevra du soutien.

Prudence américaine

Deux mois plus tard, les deux hommes se retrouvent en marge d’un sommet de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Istanbul. En public, les deux hommes se sont affrontés sur la question de l’intervention militaire russe en Tchétchénie, que Washington réprouve, mais en privé, ils retrouvent leur complicité.

« Bill, tu t’es fait mal à la jambe? », demande Boris.

« Oui mais ça va », répond le président américain, avant de demander qui va gagner l’élection présidentielle russe en mars 2000.

« Poutine, bien sûr », lui répond le président russe. « Il sera le successeur de Boris Eltsine. C’est un démocrate et il connaît l’Occident ».

« Il est très intelligent », note prudemment Bill Clinton qui a déjà eu plusieurs entretiens avec M. Poutine, architecte de l’offensive militaire en Tchétchénie.

« C’est un dur. Il est droit comme un I », répond Eltsine. « Je ferai tout mon possible pour qu’il gagne – légalement bien sûr. Et il gagnera. (…) Il a l’énergie et l’intellect pour réussir ».

Le 31 décembre, Boris Eltsine annonce sa démission. Bill Clinton l’appelle aussitôt et le félicite pour cette transition pacifique du pouvoir. « Boris, je pense que les historiens diront de toi que tu as été le père de la démocratie russe », dit-il, avant d’assurer que les Etats-Unis vont continuer à coopérer avec la Russie de M. Poutine. Pourtant, Washington se méfie déjà du président russe. Vladimir Poutine est « un homme dur (…), très déterminé, tourné vers l’action », déclare la chef de la diplomatie américaine Madeleine Albright le 2 janvier. « Je pense que nous allons devoir surveiller ses actes avec beaucoup d’attention », ajoute-t-elle au cours d’un entretien sur la chaîne NBC.

La publication de ces compte-rendus rédigés par les responsables de la Maison Blanche présents dans le Bureau ovale lors des entretiens téléphoniques ou dans la pièce lors des réunions bilatérales, tranche avec le secret qui entoure encore les deux heures de discussions en tête-à-tête de M. Poutine avec Donald Trump en juillet à Helsinki. Aucun membre de la délégation américaine n’avait été admis dans la pièce.

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