Leena Gade, ingénieur Audi, a reçu le trophée des 24 Heures du Mans 2011 des mains de Marcel Fässler, André Lotterer, Benoît Tréluyer et Ralf Jüttner, team-manager. © https://www.lemans.org/fr/news

Destins de femmes : Leena Gade, première ingénieure de course vainqueur des 24 Heures du Mans

Le Vif

Première femme ingénieure de course à avoir remporté les mythiques 24 Heures du Mans en 2011, 2012 et 2014, Leena Gade n’a « pas l’impression d’avoir accompli quelque chose de phénoménal » mais comprend que son exemple soit « important ».

La Britannique, qui aura 44 ans le 10 mars, est née au Royaume-Uni de parents d’origine indienne. Enfant, ses deux soeurs et elle s’occupaient à réparer leurs jouets cassés, puis de petits appareils électroniques, raconte Gade.

Après un séjour de trois ans à Mumbai, Leena et sa soeur cadette Teena découvrent la Formule 1 à la fin des années 1980. « Cela a éveillé notre intérêt et nous nous sommes dit que nous pourrions être ingénieures dans le sport automobile. Depuis, c’est tout ce que nous avons voulu faire », se souvient-elle.

Leena Gade travaille aujourd’hui pour Multimatic, une entreprise canadienne impliquée dans l’industrie et le sport automobiles. Elle est également membre de la commission Femmes dans le sport automobile de la Fédération internationale de l’automobile (FIA).

Que représente pour vous être la première femme ingénieure de course à avoir remporté les 24 Heures du Mans?

« C’est drôle parce que ma première année au Mans comme ingénieure de course avec Audi, en 2011, j’ai remarqué que je recevais plus de demandes d’interviews que les autres, avec toujours la même question: est-il difficile d’être une femme dans un milieu masculin ? A tel point que j’en ai eu marre et demandé à écrire des réponses que l’on distribuerait automatiquement ! Aujourd’hui encore, je n’ai pas l’impression d’avoir accompli quelque chose de phénoménal qui a fait évoluer les mentalités. Mais je réalise que pour beaucoup de gens, surtout des jeunes femmes et des enfants, entendre parler de quelqu’un qui a fait quelque chose qui diffère un peu de la norme, c’est important. Cela va faire dix ans et aucune femme n’a gagné de course majeure avec une équipe de premier plan depuis. Cela montre qu’il y a encore des choses à faire, pas en termes d’inégalité mais pour faire venir plus de femmes dans cette industrie. Il devrait en y avoir plus à ce niveau. »

Pourquoi avoir choisi de faire carrière dans ce milieu quasi-exclusivement masculin ?

« Le changement ne doit pas seulement venir de la personne qui s’engage dans cette voie. Ca commence bien plus tôt, avec vos professeurs, vos amis, votre famille. Il faut que ceux qui vous soutiennent vous disent que votre choix est normal et le disent aux autres. On retient les gens qui font des choses considérées comme extraordinaires, mais ce qui les porte jusque-là est la structure qui les entoure. Si mes parents ne nous avaient pas présentées, ma soeur et moi, à un ingénieur et si celui-ci ne nous avait pas expliqué son travail, serions-nous devenues ingénieures ? Peut-être. Dans les sports mécaniques ? Je ne suis pas sûre… »

Pendant votre carrière, avez-vous subi ou constaté des discriminations ?

« Cela fera quatorze ans cette année que je suis dans le sport automobile et je n’ai jamais été victime de discrimination. Etre une femme peut même être la petite différence qui fait qu’on se souvient de vous. (…) Je me suis plutôt sentie encouragée par la plupart des hommes avec qui j’ai travaillé, car si je ne faisais pas bien mon job, eux non plus, et l’équipe ne pouvait pas réussir. Il est probablement plus compliqué pour les femmes pilotes de changer à la fois les esprits, les comportements et la perception qu’on se fait d’elles. Est-il plus difficile pour elles de trouver les budgets pour financer leurs carrières ? Je ne sais pas… Mais je pense qu’il leur faut prouver encore plus que les hommes qu’elles peuvent rouler aussi vite qu’un autre quand elles ont le soutien et l’équipement pour cela. J’ai aussi entendu des histoires de femmes pilotes qui avaient l’impression de ne pas recevoir le même soutien que les hommes, notamment car leurs équipes n’adaptaient pas l’ergonomie de la voiture à leur morphologie. Ca me surprend parce qu’on le fait pour les hommes. Je ne dis pas que c’est récurrent, mais c’est arrivé. »

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