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Attentats de Paris: la traque continue, le point sur l’enquête

La traque d’un suspect-clé se poursuit mercredi, cinq jours après les attentats de Paris qui ont fait 129 morts, alors que la France tente de bâtir une coalition avec les Etats-Unis et la Russie pour « détruire » le groupe Etat islamique (EI).

Le gouvernement français présente mercredi ses premières mesures d’exception, décidées après ce carnage sans précédent revendiqué par l’EI. Le Conseil des ministres examinera le projet de loi sur la prolongation de l’état d’urgence pour trois mois, qui doit être voté jeudi par l’Assemblée nationale et vendredi par le Sénat. Mais le travail des enquêteurs n’en est qu’à ses débuts.

Salah Abdeslam, 26 ans, soupçonné d’avoir été mitraillé vendredi soir les terrasses de cafés et restaurants parisiens avec son frère Brahim Abdeslam, qui s’est fait exploser, est toujours en fuite et activement recherché, notamment en Belgique où les attaques ont été organisées, selon les autorités. Un mandat d’arrêt international à son encontre a été émis dès dimanche par la Belgique.

Les enquêteurs disposent d’une vidéo enregistrée par une caméra de surveillance accréditant l’existence d’un troisième assaillant dans leur commando, qui circulait à bord d’une Seat noire. Il pourrait être lui aussi en fuite, à moins qu’il s’agisse d’un des deux complices présumés arrêtés samedi dans le quartier de Molenbeek à Bruxelles, plaque tournante du djihadisme, et inculpés par la justice belge pour « attentat terroriste ». Les deux hommes, Mohammed Amri, 27 ans, et Hamza Attou, 20 ans, sont soupçonnés d’avoir exfiltré Salah Abdeslam en Belgique après les tueries.

Salah Abdeslam s’est rendu en Allemagne et en Autriche il y a environ deux mois, a indiqué mardi le ministère autrichien de l’Intérieur.

Les trois équipes coordonnées de djihadistes, qui ont fait 129 morts (dont 117 ont été identifiés) et 352 blessés (221 encore hospitalisés, dont 57 en réanimation), auraient ainsi été composé de neuf hommes et non de huit, comme on le croyait jusqu’à présent: trois kamikazes aux abords du Stade de France, trois autres dans la salle de spectacles du Bataclan et trois assaillants pour les terrasses de bars et restaurants.

Plusieurs kamikazes ont déjà été identifiés, tous français: Samy Amimour (28 ans), Omar Ismaïl Mostefaï (29 ans), Bilal Hadfi (20 ans) et Brahim Abdeslam (31 ans).

Mostefaï, Amimour et Hadfi se sont rendus en Syrie. C’est probablement le cas aussi des deux frères Abdeslam.

Les policiers recherchent toujours des informations sur un des kamikazes du Stade de France, dont ils ont diffusé mardi soir la photographie. L’homme est passé par la Grèce cet automne et on a retrouvé près de son cadavre un passeport syrien à l’authenticité douteuse (l’identité correspond à un soldat de Bachar al-Assad tué il y a plusieurs mois).

En Belgique, où le niveau d’alerte a été relevé, un autre frère Abdeslam, Mohamed, a conseillé à Salah « de se rendre ».

Le fuyard a côtoyé un djihadiste belge qui vivrait en Syrie, Abdelhamid Abaaoud, possible commanditaire du carnage. Ce membre de l’EI, 28 ans, est recherché depuis janvier, soupçonné d’avoir également projeté des attentats en Belgique.

Le contexte syrien des attaques est de plus en plus évident, la voix d’un jihadiste français Fabien Clain, 35 ans, actuellement en Syrie, ayant été reconnue sur une revendication audio de l’Etat islamique (EI).

Clain avait été condamné en 2009 à cinq ans de prison pour avoir été l’un des organisateurs d’une filière d’envoi de combattants islamistes en Irak.

Mostefaï, Amimour et Hadfi sont allés en Syrie. C’est très probablement le cas des deux frères Abdelslam, et de l’homme au passeport syrien.

Un nom apparaît dans l’enquête, celui d’Abdelhamid Abaaoud, 28 ans, une tête d’affiche parmi les jihadistes belges. Il a été un complice de délinquance de Salah Abdeslam à Bruxelles en 2010 et 2011, notamment lors de braquages. Aucun élément matériel ne démontre la thèse d’un acte commandité ou d’un ordre formel. Mais une coïncidence est troublante: arrêté le 11 août après un bref séjour en Syrie, un Français de 30 ans avait raconté en garde à vue avoir reçu comme consigne de commettre un attentat, « dans l’idéal » lors d’un concert. Il désignait Abaaoud comme son donneur d’ordre.

Les enquêteurs tentent toujours de retracer l’emploi du temps des auteurs des attentats, de comprendre par où ils sont passés, quel a été leur mode opératoire. Des perquisitions ont été notamment menées en banlieue parisienne, dans un appartement de Bobigny loué par Brahim Abdeslam et dans deux chambres d’un hôtel d’Alfortville, payées grâce à la carte bancaire de son frère Salah. A Bobigny, les enquêteurs ont trouvé des morceaux de tissu qui pourraient laisser penser que des gilets d’explosifs y ont été confectionnés.

Outre la Polo du Bataclan et la Seat de l’équipe des terrasses, une Clio louée par Salah Abdeslam a été retrouvée dans le nord de Paris. A-t-elle pu servir à convoyer les kamikazes au Stade de France? Auquel cas, qui conduisait?

Enfin quelle coordination? Certains éléments peuvent laisser penser à des échanges téléphoniques le soir des attaques, selon une source proche de l’enquête.

Des questions se posent sur d’éventuelles défaillances de la coopération européenne. Comment et par où Amimour, visé par un mandat d’arrêt, a-t-il pu revenir de Syrie dans l’espace Schengen sans être repéré? Pourquoi les autorités belges n’ont-elles pas transmis aux Français leurs renseignements sur les Abdeslam, repérés comme islamistes radicaux?

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