Anne Soupa, théologienne: « Si l’Eglise ne s’ouvre pas aux femmes, elle disparaîtra! »
Face à l’ampleur des abus sexuels dans l’Eglise, la théologienne Anne Soupa appelle à une réorganisation de l’institution.
Exclure la moitié de l’humanité est non seulement contraire au message de Jésus-Christ, mais cela porte tort à l’Eglise, ainsi maintenue dans un entre-soi propice aux abus », estime Anne Soupa. L’an dernier, pour questionner la place des femmes dans la gouvernance de l’Eglise catholique, la théologienne a présenté sa candidature au poste d’archevêque de Lyon. « Aucune femme ne dirige un diocèse, aucune femme n’est prêtre, n’est diacre, ne vote les décisions des synodes », réplique-t-elle à ceux qui ont considéré sa candidature comme une provocation. La semaine dernière, au lendemain de la publication du « rapport Sauvé » sur la pédocriminalité dans l’Eglise de France, Anne Soupa a lancé un appel à ouvrir une « convention des baptisés et baptisées ». Objectif: imaginer une nouvelle organisation de l’Eglise.
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Pensez-vous que l’Eglise puisse se réformer?
Ce sera difficile, mais il y a urgence. Elle a atteint le fond de l’abîme. Il faut changer les règles d’exercice de l’autorité et des responsabilités qui ont permis ce désastre des abus sexuels. La confiance dans le prêtre est perdue. Elle ne reviendra pas sans réformes. Sinon, le ministère ordonné disparaîtra et entraînera dans sa chute l’institution. Comment continuer à donner du crédit à l’article 1008 du code de droit canonique, qui veut que le ministère ordonné soit « d’inspiration divine »? Est-ce à dire qu’un enfant abusé par un prêtre l’est par la volonté de Dieu?
Concrètement, que faire?
La domination masculine dans l’Eglise doit cesser. Plus elle est forte, plus il y a des abus sexuels et autres dérives d’emprise liées au pouvoir. Si l’Eglise ne s’ouvre pas aux femmes, elle disparaîtra! Il n’est pas nécessaire qu’elles passent par la case « prêtre », puisque le job est en crise profonde. Le pape François a nommé récemment deux femmes à de hautes fonctions au titre de leur statut de baptisées. C’est la bonne voie à emprunter. Mais à ce rythme, sachant qu’il y a environ cinq mille évêques, il faudra attendre 2 500 ans pour atteindre la parité! Féminiser l’Eglise ne peut rester une décision cosmétique. Il faut réformer le code de droit canonique pour ouvrir aux femmes l’essentiel des charges, pour pouvoir nommer des évêques laïcs, hommes et femmes.
Que faut-il attendre du « synode sur la synodalité », lancé ce 17 octobre dans tous les diocèses du monde?
Si ce synode ne prend pas en compte la question du vote des laïcs, il n’aura aucune crédibilité. Le synode sur la famille, en 2015, avait soulevé d’immenses espoirs. Il n’en a résulté qu’une petite note selon laquelle, dans certains cas, les divorcés remariés peuvent être réintégrés dans l’Eglise. En 2019, le synode sur l’ Amazonie n’a pas ouvert le diaconat aux femmes. Encore un rendez-vous manqué. Les vents contraires donnent à penser que les lignes ne bougeront pas avec les initiatives de Rome, mais grâce à la mobilisation des communautés.
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