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Le Belge vit comme s’il y avait 5 planètes Terre: l’énième avertissement du jour de dépassement (infographies)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Le 2 août 2023 est le jour de dépassement de la Terre. A partir de ce jour, la population mondiale a consommé toutes les ressources naturelles que notre planète peut produire en un an. Cela signifie que nous consommons à crédit, en piochant dans des réserves qui sont limitées. Explications avec Koen Stuyck, spécialiste climat chez WWF Belgique.

C’est un anniversaire dont notre planète se serait bien passé. Ce 2 août 2023, nous avons consommé toutes les ressources naturelles que la Terre pouvait produire en 1 an. Le jour de dépassement a été atteint un jour plus tard que l’an dernier, où nous avions consommé la totalité des ressources naturelles de la planète à la date du 1er août 2022.

Si le jour de dépassement de l’année passée était initialement le 28 juillet, les données sont actualisées par rapport au jour de dépassement de l’année suivante. Inutile donc de se dire que tout va bien, nous avons 4 jours supplémentaires de ressources à notre disposition. « En réalité, il n’y a qu’un jour de différence, confirme Koen Stuyck, spécialiste de l’empreinte écologique chez WWF Belgique. C’est un avertissement. La planète a de la fièvre, mais nous continuons à couper les forêts et à consommer les ressources naturelles ».

Le jour de dépassement n’a fait que reculer depuis 1971, à quelques exceptions près. Une, à vrai dire : en 2020, lorsque l’activité sur Terre a ralenti avec la pandémie de covid. Pour le reste, les chiffres autour du jour de dépassement sont édifiants. Du 25 décembre en 1971, il recule au 17 septembre en 2000 (-3 mois), avant de passer au 2 août en 2023 (quasi -4 mois).

« Au lieu de se stabiliser, le jour de dépassement devrait reculer« 

Koen Stuyck, expert climat WWF Belgique

Si le graphique donne l’impression d’une stabilisation récente, Koen Stuyck est loin de s’en réjouir. « Notre empreinte écologique continue à augmenter. Au lieu de se stabiliser, le jour de dépassement devrait reculer ». L’expert de l’ONG environnementaliste rappelle que si tous les pays consommaient comme la Belgique, ce jour fatidique serait atteint le 26 mars. « C’est quand même 4 mois plus tôt ».

Qu’est-ce que le jour de dépassement ?

Le jour de dépassement est calculé en comparant la consommation annuelle en ressources écologiques (empreinte écologique) à la capacité de régénération de ces ressources naturelles (biocapacité), comme l’indique Global Footprint Network. « Combinés, les deux paramètres donnent la capacité de notre planète à produire des biens sur un an », explique Koen Stuyck. Cela se mesure en hectare global (hag).

Ainsi, en 2019, le Belge avait une empreinte écologique de 7,22 hag (voir graphique ci-dessous). Ce qui place la Belgique à la 22e place du classement, sur 200 pays. Pour préserver notre planète, il faudrait que l’empreinte écologique de chaque personne soit égale à la biocapacité disponible, c’est-à-dire 1,6 hag. Autrement dit, le Belge vit comme s’il y avait 4,5 (7,22/1,6) planètes Terre.

En Belgique, nous vivons ‘à crédit écologique’. Cela signifie que notre empreinte écologique dépasse la biocapacité disponible sur la surface du pays. Le surplus que nous consommons est visible sur le graphique ci-dessus: il s’agit de l’espace rouge clair, qui est notre déficit écologique (l’empreinte écologique, courbe rouge foncé, de laquelle on soustrait la biocapacité, courbe vert foncé).

Nous n’avons pas assez de ressources naturelles intérieures par rapport à ce que nous consommons. Pour compenser, la Belgique importe donc de la biocapacité de l’étranger. L’Afrique, notamment, est un pourvoyeur important de matières premières. « Le problème est que le continent africain est frappé de plein fouet par la déforestation, continue Koen Stuyck. Les sols utilisés pour l’agriculture sont épuisés et asséchés par le réchauffement climatique. Quand il ne sera plus possible de se fournir là-bas, on ira autre part. Mais ce n’est pas une solution : les ressources de la Terre sont limitées ».

Le GIEC (groupe d’experts internationaux du climat) préconise de réduire de 43% les émissions de gaz à effet de serre mondiales d’ici 2030, pour ne pas dépasser un réchauffement de la planète de 1,5°. « Pour y arriver, il faudrait reculer le jour de dépassement de 19 jours chaque année, avertit l’expert de WWF. Pour l’Union européenne l’effort est encore plus conséquent, vu qu’elle souhaite baisser ses émissions de 55% d’ici 2030. Il ne reste que 7 ans pour y arriver ». L’objectif est d’atteindre le jour de dépassement vers le 21 août… Cela s’est produit la dernière fois en 2009.

« Il est grand temps d’établir une stratégie complète de réduction des émissions »

Koen Stuyck, expert climat WWF Belgique

Comment réduire son empreinte écologique ?

Y arriver ne sera pas une mince affaire. Vous l’aurez compris, il s’agit de réduire notre empreinte écologique. Selon le spécialiste, 60% de celle-ci se compose des émissions de gaz à effet de serre produites par un pays. Il faut donc s’attaquer en priorité – rien d’étonnant – à la réduction de nos émissions de Co2.

Les premiers efforts doivent venir du gouvernement, estime Koen Stuyck. « Il est grand temps d’établir une stratégie complète de réduction des émissions. Il faut aussi investir dans la restauration de la nature. À terme, cela permettra d’augmenter notre biocapacité ». Koen Stuyck pointe un autre problème. « La classe politique dit que la population ne se sent pas concernée par la cause climatique. En même temps si les informations du gouvernement ne sont pas à la hauteur du défi… ».

En attendant les efforts des premiers cités, la population peut déjà agir, à son échelle. Le spécialiste de l’empreinte écologique chez WWF Belgique donne 3 conseils. « Un : chacun peut adapter sa mobilité pour moins polluer. Mais cela ne se fera pas sans investissement supplémentaire de la part de l’Etat. Deux : l’isolement des maisons, ainsi que l’utilisation d’énergie renouvelable pour les chauffer. Trois : manger moins de viande ». Selon Koen Stuyck, adopter un régime avec moins de viande et de produits ultra-transformés permet de baisser son empreinte carbone de 50%.

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