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« Trouver le juste équilibre sera compliqué »: pourquoi l’Horeca s’attend à une année difficile

Pour le soir de la nouvelle année 2023, les établissements horeca ont pu profiter pleinement d’une fête sans aucune limitation. Mais après la fin de la crise sanitaire, une nouvelle crise fait rage dans le secteur. A l’image du bilan du soir de la Saint-Sylvestre, l’incertitude plane toujours dans les têtes des gérants. Analyse avec Luc Marchal, président de la Fédération Horeca Wallonie, et Ludivine de Magnanville, son homologue bruxelloise.

Après trois années sous le signe des restrictions sanitaires, les restaurants et cafés ont enfin pu faire leur grand retour pour la nouvelle année. Pas de masque, pas d’obligation de rester assis pour les clients et surtout, pas de fermeture obligatoire à 23 heures (comme c’était le cas pour le réveillon de l’année passée NDLR.). Le succès était d’ailleurs au rendez-vous pour les établissements horeca wallons et bruxellois ouverts pour l’occasion, qui affichaient complet plusieurs semaines avant la grande date.

Si les restaurants ont pu retrouver leur salle comble pour la Saint-Sylvestre, nombreux étaient aux abonnés absents pour l’occasion. Une situation inédite selon Luc Marchal, président de la Fédération Horeca Wallonie. « Il y en a beaucoup qui ont ouvert et qui ont très bien fonctionné, mais il y en a pas mal qui ont fermé, parce que cela leur a permis de mettre leur personnel en congé. Il y a cinq ans, rares étaient les restaurants qui fermaient leur porte un soir de réveillon. » Il souligne malgré tout que bon nombre de restaurants ont plutôt opté pour l’option traiteur, par choix ou par nécessité.

Même constat en région bruxelloise. Certains restaurants étaient au rendez-vous, d’autres non. Mais selon Ludivine de Magnanville, présidente de la Fédération Horeca Bruxelles, la question d’une ouverture ou non de l’établissement était avant tout une question humaine. « Je lirais plus ce phénomène du côté bien-être personnel de l’entrepreneur qu’une idée de conjoncture en tant que telle. »

Du grand succès à la fermeture le 31 décembre, la crise énergétique était malgré tout dans les têtes des restaurateurs pour faire leur choix. Après la crise sanitaire, une nouvelle crise menace le secteur depuis quelques mois, et les présidents des deux fédérations dressent déjà un certain bilan pour cette nouvelle année.

Changer le modèle de fonctionnement de l’Horeca en Wallonie

Si de nombreux restaurants étaient aux abonnés absents le jour de la Saint-Sylvestre, ce phénomène pourrait s’expliquer d’après Luc Marchal. En effet, afin de pouvoir résister à l’augmentation des prix de l’énergie, les gérants ont repensé leur modèle économique. « Beaucoup de restaurants fonctionnaient encore avec onze services par semaine, ce qui veut dire 5 jours et demi de travail. Maintenant, on constate que beaucoup d’entreprises ont décidé de faire baisser la pression sur leurs épaules en ouvrant jusqu’à maximum sept services par semaine pour concentrer la charge de travail. »

En cause, la crise énergétique bien sûr, mais aussi toutes ses conséquences sur le prix, notamment au niveau des produits alimentaires. Une situation que les gérants d’établissements horeca tentent tant bien que mal de gérer, même si une inquiétude plane dans le secteur pour cette nouvelle année. « Le tout, c’est que les collègues soient conscients que la situation n’est pas drôle. Un restaurateur, puisqu’il travaille à flux tendu, ne sait pas ce qu’il va gagner avant la fin de la journée. L’horeca fonctionne au jour le jour, mais les factures seront toujours là. Trouver le juste équilibre sera compliqué », affirme Luc Marchal.

Pour le président de la Fédération Horeca Wallonie, un grand changement de mentalité va devoir s’opérer si la situation énergétique perdure. « En 2023, début de l’année, énormément de personnes vont repenser leur modèle économique. Il va falloir habituer la clientèle à venir à des heures plus raisonnables, à ne pas s’éterniser à table pour garder une certaine rentabilité. Parce qu’on ne pourra pas adapter les prix à l’égal en pourcentage des augmentations diverses. »

Plus de nuances à Bruxelles

Une certaine vague de pessimisme plane donc sur la Wallonie. A Bruxelles, la tendance est plutôt à la nuance. Ludivine de Magnanville préfère parler d’incertitude pour cette année 2023. « Les chefs d’entreprises sont dans une incertitude réelle par rapport à ce qu’il va se passer. L’année dernière était axée sur le fait de sortir absolument du Covid tandis qu’ici on est plutôt sur un sentiment de « qu’est-ce qu’il va nous arriver et comment cela va se passer ? » »

Si le constat est relativement similaire, la présidente de la Fédération Horeca Bruxelles préfère voir le verre à moitié plein, affirmant que les clients comprennent que la situation est inédite. « Le consommateur se rend bien compte que son panier moyen augmente quand il va faire ses courses. Les restaurateurs ont exactement la même problématique avec aussi les prix de l’énergie, l’indexation des salaires, etc. » Elle reprend d’ailleurs volontiers la phrase du Premier ministre Alexander De Croo : « Les Belges forment un peuple résilient. »

Son optimisme à l’égard de cette nouvelle année vient d’ailleurs des mesures prises par la Région bruxelloise, notamment dans la limitation d’indexation des loyers au niveau commercial et avec la prime énergétique sur les factures.

L’objectif de cette année pour la Fédération sera donc d’aller plus loin pour aider le secteur, en collaborant à l’échelle fédérale. Seulement, si le gouvernement est à relativement à l’écoute, le reste ne suit pas toujours. « En tant que fédération, on toque à la porte du fédéral avec des propositions intéressantes qui soulignent le fait que nous sommes des gros acteurs économiques et sociaux. Pour le moment, on n’est pas encore tout à fait entendus », souligne Ludivine de Magnanville.

Comme première mesure, la Fédération Horeca Bruxelles espère notamment une baisse de charges liée à la « black box », cette caisse enregistreuse disposée dans tous les établissements Horeca depuis 2016, spécialement conçue pour lutter contre la fraude à la TVA. « Ce serait l’occasion de soutenir les bons élèves. Augmenter le plafond pour encourager la déclaration. On rentrerait dans une économie vertueuse et saine, sans nous accuser pour autant de fraudeurs. »

Les Fédérations Horeca, mais aussi des différents gouvernements, auront donc beaucoup de pain sur la planche pour cette nouvelle année. Luc Marchal et Ludivine de Magnanville crient d’une même voix : il faut absolument aider ce secteur qui est essentiel pour l’économie belge et le marché de l’emploi.

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