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Immobilier, épargne, inflation… Voici comment utiliser son argent au mieux en 2024 (analyse)

La prochaine année devrait être «mitigée» sur le plan économique. Avec quelles conséquences pour l’épargne, les taux, l’inflation, l’immobilier ou encore les finances publiques? Surtout, dans quels produits faudra-t-il, ou non, placer son bas de laine?

De bons augures, mais des bases encore bien fragiles. Dans leurs prévisions pour l’année à venir, les économistes n’anticipent qu’un léger contraste avec les conditions de 2023. Ils parlent d’une année «mitigée», soulignant que la conjoncture actuelle mondiale est relativement compliquée. «Beaucoup d’éléments s’entrechoquent: l’évolution naturelle de l’économie, le vieillissement de la population, la crise climatique, le déficit public…», avance Philippe Ledent, senior economist chez ING et chargé de cours à l’UCLouvain.

En cette fin d’année, le durcissement des conditions de crédit en zone euro, la croissance atone et les tensions géopolitiques au Moyen-Orient pèsent aussi sur les perspectives de stabilité financière, ce qui influencera le début de 2024. «La zone euro a perdu des couleurs. Nous ne nous attendons ni à un quatrième trimestre 2023 bien meilleur, ni à de grands changements en 2024», ajoute Philippe Ledent.

Votre argent en 2024 : un coup de frein au premier semestre

Les institutions vont également dans ce sens. Le 15 novembre, la Commission européenne a revu ses prévisions de croissance à 0,6% en 2023 (- 0,2 point) et 1,2% en 2024 (- 0,1 point) dans la zone euro. Mais le scénario de la BCE est plus pessimiste. Selon l’institution, l’économie de la zone euro devrait croître de 0,7% en 2023, 1% en 2024 et 1,5% en 2025. Un scénario également privilégié par Bertrand Candelon, économiste et professeur à l’UCLouvain: «Si la zone euro observe une croissance de 1%, ce sera déjà beaucoup.»

Philippe Ledent, lui, préfère parler d’une année en demi-teinte, avec un bilan atone au premier semestre uniquement: «Le secteur industriel a quelques difficultés pour le moment, les taux d’intérêt ont beaucoup grimpé, cela influence l’économie. La première partie de l’année 2024 sera relativement difficile. Pour être clair, on ne parle pas de lourde récession, ni de grave crise économique, plutôt d’une activité mitigée et donc d’une croissance économique pas loin de zéro: un trimestre où le chiffre est négatif, un trimestre où le chiffre est légèrement positif, ce qui signifie pas de croissance économique voire même, éventuellement, une petite contraction.»

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Une relance modérée au second semestre

Une relance est néanmoins attendue au second semestre. «Pour l’instant, la demande est faible dans le secteur de l’industrie. Les consommateurs privilégient les services, consomment moins de biens. Les stocks des entreprises sont au plus haut. Nous pensons que d’ici à juin 2024, la demande consommera ces stocks. L’industrie devra alors se remettre à produire», poursuit Philippe Ledent.

En parallèle, les économistes estiment que les banques centrales ont terminé leur cycle de hausse de taux d’intérêt. Par conséquent, au second semestre 2024, une légère diminution des taux à court terme est attendue (0,8% à partir du mois de juin et 0,5% sur l’ensemble de 2024). Si cette dernière reste faible, il s’agira néanmoins d’un signal positif. «Lorsque les taux baissent, les marchés financiers se portent mieux, un sentiment meilleur se crée dans les entreprises, ce qui contribue à une relance de l’économie, même minime», précise Philippe Ledent.

Ce scénario ne tient évidemment pas compte des éventuelles fluctuations des prix de l’énergie, l’inconnue du prix du pétrole persistant malgré les efforts de certains pays de l’Opep. «C’est une des énigmes de 2024, concède l’économiste. Une stagnation des prix améliorera la situation. A contrario, si le prix du pétrole dépasse à nouveau les cent dollars le baril, la reprise en 2024 tardera.»

Votre argent en 2024 : pas de retombée de l’inflation à 2%

Selon les projections macroéconomiques de la Banque centrale européenne (BCE), l’inflation en zone euro devrait ralentir en 2024: 3,2% contre 5,8% en 2023. Ces projections rejoignent celle de Bertrand Candelon: «L’inflation diminue mais je ne pense pas qu’elle atteindra l’objectif initial de 2% en 2024. Un choc d’inflation ne disparaît pas du jour au lendemain. On observe toujours une forme de persistance, et cela met du temps à disparaître.»

Que faire de votre argent en 2024 ? © Illustration réalisée par une intelligence artificielle (Midjourney ®) – crédit: Roularta Media Group

Pour l’instant, la Belgique tire son épingle du jeu, venant d’une inflation de 10,2% en 2022. Selon Statbel, en novembre, celle-ci est passée de 0,36% à 0,76%. En octobre, elle avait d’ailleurs atteint son niveau le plus bas depuis janvier 2021 (0,26%). Mais Philippe Ledent tient à nuancer ces chiffres. Selon lui, deux effets s’opposent. D’un côté, les prix de l’énergie, actuellement en très forte diminution (en novembre, – 42,1% pour l’électricité et – 71,2% pour le gaz naturel, selon Statbel). De l’autre, les autres composants, notamment l’inflation alimentaire, qui frôle les 8,5% (8,22% en novembre). «Si nous retirons cette composante énergie, l’inflation se rapproche des 6%. Or, dans les prochains mois, celle-ci se réduira. Pourquoi? Parce que l’inflation étudie l’évolution des prix sur un an. Or, il y a un an, les prix du gaz et de l’électricité ont fortement baissé. Pour peu qu’aujourd’hui les prix du gaz et de l’électricité restent stables, le différentiel sur un an sera de moins en moins négatif», détaille Philippe Ledent.

En d’autres termes, selon l’économiste, il faut s’attendre à ce que l’inflation remonte dans les prochains mois (à 3,5%, voire 4%), mais l’inflation «hors énergie» diminuera également. «L’inflation du “supermarché” ralentira. Aujourd’hui, en l’espace d’un an, mon ticket de caisse a augmenté de 6% à 7%. En 2024, il n’augmentera que de 3% à 3,5% sur la même période, prévoit-il. Malgré tout, l’inflation diminuera légèrement, avec un retour à la normale, aux alentours de 2%, en 2025.»

6 à 7%

C’est l’augmentation, en l’espace d’un an, du ticket de caisse au supermarché. En 2024, il ne devrait croître que de 3% à 3,5%.

Néanmoins, des risques demeurent. Une «transition énergétique désordonnée» et l’émergence d’un nouvel ordre mondial pourraient de nouveau pousser les prix à la hausse. «N’oublions pas que nous parlons du futur, et que le futur est toujours incertain», rappelle Philippe Ledent.

Marché immobilier et marché de l’emploi

Même constat pour l’investissement immobilier résidentiel, qui devrait poursuivre son repli en 2024 avant de retrouver progressivement une dynamique de croissance légèrement positive en 2025. En cause, la faiblesse persistante de la capacité d’achat, liée à la hausse des taux hypothécaires, et la rentabilité de l’immobilier résidentiel, dans un contexte de baisse des prix des logements et de coûts de construction élevés. Associés au resserrement des conditions du crédit, ces facteurs pèseront lourdement sur l’investissement immobilier résidentiel.

Le marché de l’emploi doit également s’attendre à un ralentissement cet hiver. La hausse du taux de chômage visible au troisième trimestre de 2023 devrait se poursuivre. Sur une base annuelle, la croissance de l’emploi serait de 1,2% en 2023 et de seulement 0,2% en 2024 et 2025 en Europe. «Le nombre de demandeurs d’emploi augmente, le travail dans l’intérim diminue, ces deux indicateurs prouvent que le marché du travail commence à souffrir de la situation», commente Philippe Ledent. Mais l’expert reste confiant: «La population conservera son pouvoir d’achat et encore un peu d’épargne. La consommation ne s’effondrera pas. Si l’on compare les cycles précédents, le marché du travail se porte beaucoup mieux. Les “dégâts” seront plus limités, notamment en raison du nombre de personnes qui partent à la retraite. On ne s’attend donc pas à une violente remontée du taux de chômage», rassure-t-il.

Les finances publiques, l’inconnue

Mais le mystère plane encore sur les finances publiques belges. Pour rappel, les règles budgétaires européennes visaient à maintenir le déficit public des Etats membres sous les 3% du PIB. Cette norme avait toutefois été suspendue depuis la crise du Covid-19 et la crise de l’énergie, mais la Commission compte la réactiver dès 2024.

Or, la Commission avait recommandé cet été à la Belgique de limiter la croissance de ses dépenses primaires nettes en 2024 à un maximum de 2%. Mais alors que les Etats membres devaient rendre leur projet de plan budgétaire pour la mi-octobre, il ressort du plan de la Belgique un déficit prévu en 2024 à 27,5 milliards d’euros, soit 4,6% du produit intérieur brut (PIB). L’exécutif européen, quant à lui, avançait un chiffre de 4,9%.

27,5 milliards

Tel est le déficit de la Belgique prévu en 2024, soit 4,6% du PIB.

Selon les projections actuelles, la Belgique risque de rentrer en procédure pour déficit excessif, tout comme huit autres pays de la zone euro. «A ce jour, on ignore encore si la Belgique fera l’objet d’une surveillance stricte par la Commission européenne et, dans l’affirmative, sous quelles modalités cela se fera. Reste à voir comment le pays y réagira, d’autant plus que la priorité sera probablement mise sur les élections de juin 2024», commente Philippe Ledent.

Bertrand Candelon, lui, tire la sonnette d’alarme. De fait, les choix de restrictions budgétaires se combineront aux effets de la politique monétaire, déjà restrictive. «Ce déficit public est particulièrement préoccupant. Si certains pays respectent ces 3% et que d’autres ne le font pas, nous aurons des différences de taux qui influenceront les prises de risque des marchés. Cette hétérogénéité pourrait s’accentuer en cas de choc. Cela pourrait entraîner, comme ce fut le cas entre 2010 et 2012, une crise de la dette. Il faut donc être très prudent», conclut-il.

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