Les enseignes jouent la carte de solidarité, via diverses actions, permettant des dons plus petits et faciles à certaines associations. © BELGA

Donner les points de sa carte de fidélité à une œuvre caritative: ce que ça leur rapporte vraiment

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Faire un don à une œuvre caritative passe parfois par des moyens détournés, comme le don de ses points de fidélité dans un supermarché ou l’arrondi en caisse. Des petits montants qui, accumulés, finissent par former des sommes importantes, tout en offrant une autre forme de visibilité à certaines organisations.

Qui aurait cru que ce paquet de mozzarella râpé pouvait avoir de l’importance pour une association caritative? C’est pourtant ce que permet le programme de fidélité de Delhaize. Dans les magasins de l’enseigne au lion, les produits permettant d’épargner de manière indirecte se dénichent à chaque rayon, en offrant des points de fidélité. Ceux-ci, d’abord présentés comme une manière de faire des économies en les convertissant en bons d’achat dans son supermarché, peuvent aussi être offerts à des œuvres caritatives.

De quelques cents à cinq euros, les points convertis s’envolent ainsi en direction de Think Pink, la Croix-Rouge ou KickCancer, par exemple. Et deviennent autant d’euros bien réels pour soutenir ces associations. «Cela représente une rentrée financière importante pour nous, tout en ayant finalement peu d’impact pour le portefeuille du client du supermarché. Il perd virtuellement un bon de cinq euros, mais réalise une action de pure générosité en échange. Et il faut rappeler qu’en matière de don, il n’y a pas de petites actions, elles sont toutes importantes», explique Tiffany Bulteau, porte-parole de Think Pink.

L’an dernier, l’organisation nationale belge de lutte contre le cancer du sein a pu bénéficier de 170.000 euros de dons via différentes actions de Delhaize. La majorité de cette somme provenait des dons de points et de la vente de ruban rose, lors du mois de sensibilisation au cancer du sein, en octobre. Une somme importante, bien plus difficile à atteindre via des récoltes de dons classiques, qui demandent des moyens et du temps.

D’autres opérations

Pour l’enseigne de supermarché, les partenariats ne s’arrêtent pas aux dons via le programme de fidélité. «Les banques alimentaires ont également reçu l’équivalent de 70.000 repas en 2024, via les invendus et stocks de nos centres de distribution. Toujours pour la même cause, nos clients ont également fait don de plus de 436.000 euros via l’achat de bons pour offrir des repas», détaille Karima Ghozzi, porte-parole de Delhaize.

D’autres enseignes proposent également des actions caritatives, parfois par d’autres moyens. Carrefour relance régulièrement l’opération «arrondi solidaire»: les clients sont invités à arrondir le montant de leurs achats à l’euro supérieur, pour donner la différence à une bonne cause. Un geste sans obligation, qui a l’avantage d’être rapide et facile au moment de passer en caisse. La dernière action du genre a permis de récolter plus de 100.000 euros en faveur de Child Focus, juste avant l’été.

Des partenariats cruciaux

Pour les associations, qui se démènent pour récolter des fonds, ces partenariats représentent un véritable enjeu stratégique. «Il y a l’aspect financier évidemment, mais en termes de visibilité cela ouvre également d’autres horizons et nous permet d’avoir d’autres points de contact avec le public, confirme Fadoua Amrani, coordinatrice récolte de fonds pour Child Focus. Ces partenariats sont donc extrêmement importants, surtout pour des associations comme nous, non subventionnées. C’est un win-win, aussi: Carrefour montre qu’il soutient une bonne cause, et de notre côté cela nous permet de maintenir nos services, par exemple la ligne téléphonique d’urgence 116 000.»

«Nos partenaires nous choisissent aussi pour avoir un impact positif et montrer leur responsabilité sociétale, abonde Tiffany Bulteau. Ces opérations s’accompagnent aussi de sensibilisation et portent nos messages plus largement, auprès des collaborateurs et du grand public.»

Pour KickCancer, qui collecte des fonds pour la recherche et sensibilise aux cancers pédiatriques, les meilleurs partenariats sont ceux qui peuvent s’effectuer sur la durée. «Une entreprise qui donne une fois puis ne revient plus, c’est bénéfique sur le court terme, mais ça ne permet pas de voir l’avenir, explique Delphine Heenen, fondatrice. Nous sommes totalement dans la recherche de durabilité, de long terme. C’est ce qu’on a trouvé avec Delhaize notamment. Cela permet aussi de placer le nom de KickCancer devant leurs clients, en leur permettant de choisir de donner, sans pression et sans jugement. Ce genre de projet de micro-don permet de diversifier nos sources de revenus. Plus on en a, plus on est robuste, plus on peut poursuivre nos missions.»

Au-delà du secteur de la distribution

Les supermarchés ne sont pas les seuls à jouer la carte de la solidarité. Les magasins Action mettent en avant leur collaboration avec SOS Villages d’Enfants et la Johan Cruyff Foundation, le ruban de Pink Ribbon est disponible dans les Medi-Market, même les boutiques en ligne de Bol.com, Hema, Ikea, Coolblue et des centaines d’autres proposent de reverser une commission sur leurs ventes, pour les achats passant par la plateforme Trooper.

Via ce site, une commission est reversée aux associations qui s’y sont inscrites, sans impacter le prix final pour le client, puisque déduite de la facture finale. Trooper promet ainsi de reverser 75% des commissions perçues à l’association sélectionnée par le client avant son achat, le quart restant servant à financer ses propres frais. Plus de 10.000 associations et œuvres caritatives utiliseraient Trooper, selon la plateforme.

En France, les chèques-repas émis par certaines sociétés sont également acceptés comme moyens de paiement pour faire un don à certaines œuvres. La page web des Restos du Cœur affiche le logo des tickets repas de Pluxee à côté des plus classiques cartes bancaires et virements. Une possibilité qui n’a pas encore son équivalent en Belgique.

Pas de déduction fiscale

Ces dons via des canaux détournés, pour des petits montants, représentent des petits ruisseaux qui viennent alimenter les rivières parfois asséchées de certaines associations. Surtout pour celles dépendantes des seuls dons des particuliers pour survivre et maintenir leurs services. Seul désavantage de ces solutions face au don direct, elles ne donnent pas droit à la déduction fiscale prévue en Belgique. Pour bénéficier de l’attestation fiscale accordant cette réduction via sa fiche d’impôt, le don doit en effet atteindre 40 euros minimum. Le don direct à une œuvre caritative garde donc toute son importance.

«Si le public veut nous soutenir de manière durable, effectivement, le don d’un montant plus important reste utile, reconnaît Fadoua Amrani. Mais ce n’est pas toujours possible pour tous les publics. Le micro-don, de quelques centimes via l’arrondi solidaire, garde donc une vraie utilité et reste plus facile, moins intimidant, peut-être. Les deux formes peuvent cohabiter et restent des canaux qui comptent, chacun à leur manière, sans s’exclure. Il ne faut pas oublier aussi les plus petites actions locales, avec des partenaires qui n’ont pas forcément la notoriété de grandes enseignes, mais qui offrent un soutien tout aussi vital pour Child Focus.»

«Obtenir les mêmes sommes uniquement via des dons uniques, donnant droit à une attestation fiscale, serait beaucoup plus complexe, ajoute Tiffany Bulteau. C’est également plus difficile pour les familles actuellement. Sortir une plus petite somme ou offrir des points est donc parfois plus réaliste.»

Pour les associations et œuvres caritatives, tous les partenariats permettent d’obtenir une nouvelle visibilité et d’autres canaux de rentrées financières. Un appel d’air bienvenu. Car si le Belge reste généreux, le gouvernement avait jeté un froid sur le secteur caritatif, prévoyant une diminution de réduction d’impôts pour les dons, de 45% à 30%. Une mesure qui pourrait valoir dès l’année prochaine.

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