Le client paiera-t-il la note réclamée aux banques? © dpa/picture alliance via Getty Images

150 millions d’efforts supplémentaires réclamés au secteur bancaire: le client sera-t-il impacté? «Oui et cela risque de s’intensifier»

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Plusieurs tarifs évolueront au sein des banques belges dans quelques semaines, alourdissant la facture annuelle pour certains clients. Alors que le gouvernement De Wever annonce demander un effort à 150 millions d’euros par an au secteur, celui-ci touchera-t-il encore à ses tarifs en réaction? Eléments de réponse.

Belfius augmentera certains tarifs, et en baissera d’autres, le 1er février 2026. Une annonce qui intervient quelques jours seulement après celle du budget du gouvernement De Wever, qui réclame un nouvel effort au secteur bancaire belge. Celui-ci prendra la forme d’une majoration de la taxe bancaire qui doit ramener annuellement 150 millions d’euros dans les caisses de l’Etat, dès 2026. «Hasard total du calendrier», martèle la banque détenue par l’Etat belge, qui assure qu’il n’y a aucun lien entre les deux communications.

L’établissement bancaire affirme en outre que l’ensemble des modifications produira dans leur globalité un différentiel en faveur du client, vu la diminution prévue pour son pack Beats Star (de 7,5 euros/mois actuellement à 5,9 euros/mois).

L’effort demandé par le gouvernement fera, lui, bel et bien peser un différentiel négatif sur le résultat des banques, ajoutant une charge sur les différents acteurs. Dans un communiqué, Febelfin, la fédération du secteur bancaire, reconnaissait l’importance pour chacun de participer à l’effort budgétaire, mais déplorait que les banques soient à nouveau mises à contribution aussi fortement.

«Cette taxe supplémentaire confirme malheureusement un fait connu depuis longtemps: le gouvernement se tourne un peu trop facilement vers le secteur bancaire en cas de problème budgétaire. Nous n’avons pas encore de détails précis sur la répartition de cette charge entre les différents acteurs. Y aura-t-il des conséquences sur les prix réclamés aux clients? Cela reste à la discrétion de chaque banque, selon sa politique commerciale», ajoute Charline Gorez, porte-parole de Febelfin.

Qui paiera la note finale?

Contactées, plusieurs banques ne souhaitent pas commenter directement l’augmentation de charge décidée par le gouvernement et s’en tiennent à la communication de la coupole Febelfin. Elles balayent en revanche l’idée que cette nouvelle taxe se répercuterait automatiquement sur les clients, tout en regrettant la charge qui pèse sur les établissements bancaires.

Certaines enseignes confirment également que les décisions de modifications tarifaires à destination des clients particuliers ou professionnels se prennent davantage en anticipation, après analyse, vu l’augmentation de divers coûts enregistrées ces dernières années. «Ces révisions sont nécessaires pour continuer à investir dans des services bancaires sûrs et tournés vers l’avenir, tout en se conformant à une réglementation de plus en plus complexe», pointe notamment Gwendoline Hendrick pour CBC.

Faut-il craindre malgré tout que l’effort financier demandé aux banques soit à charge des clients? «C’est déjà le cas et cela risque de s’intensifier, constate Mikael Petitjean, professeur de finances à l’UCLouvain. Bien que les gouvernements affirment souvent que ces taxes visent les « marges » des banques, la réalité économique montre un transfert de coût vers le client final via deux mécanismes principaux. Premièrement en augmentant les tarifs des services, dont les frais de tenue de compte (pack, etc.). En 2024, la plupart des grandes banques belges (BNP, Belfius, KBC, ING) ont d’ailleurs augmenté leurs tarifs de 5 à 10%. Ensuite, par la compression des taux d’intérêt sur l’épargne, qui est un mécanisme plus insidieux. Le client paie donc, soit visiblement, soit invisiblement.»

Quelles modifications de tarifs annoncées?

Si Belfius modifiera certains tarifs en février prochain, ING fera de même dès janvier 2026, a déjà annoncé l’établissement il y a plusieurs semaines. Les augmentations prévues dans l’enseigne au lion ne concernent pas les packs de compte bancaire pour les clients particuliers, mais bien certaines opérations ou services plus spécifiques, ainsi que certaines modalités du côté des clients professionnels.

CBC a également annoncé des augmentations il y a plusieurs semaines, touchant notamment la cotisation mensuelle de certains comptes, tout en maintenant la gratuité pour ses comptes online (CBC Pure Online et CBC Business Pure Online), précise l’enseigne.

De son côté, BNP Paribas Fortis affirme qu’il n’y aura pas d’augmentation touchant les comptes à vue en 2026. Et la banque de profiter de la communication du gouvernement pour rappeler que le secteur paie déjà largement sa part. «En 2024, le secteur bancaire a supporté une charge fiscale considérable, avec un paiement d’impôts représentant 80% de celui des autres entreprises non financières et deux fois plus que les banques néerlandaises. Il faut noter que si une entreprise similaire dans un autre secteur avait généré un même niveau d’activité, elle n’aurait payé que 394 millions d’euros d’impôts, soit moins de la moitié du montant payé par BNP Paribas Fortis, qui s’élève à 744 millions d’euros», détaille Valéry Halloy, porte-parole.

Mikael Petitjean confirme: «Les banques belges sont davantage taxées via des prélèvements spécifiques, et, pour les contributions de garantie des dépôts, la Belgique se situe au-dessus de ses voisins. La charge fiscale spécifique (hors ISOC) des banques belges se situe dans la partie haute de la distribution européenne, souvent au-dessus de celle des banques françaises ou allemandes, en proportion de leur bilan.»

La banque belge, pas toujours si chère

Ces éléments font craindre un prix élevé pour les services bancaires en Belgique, mais le client reste mieux loti qu’ailleurs malgré tout. Tout dépend en réalité des services demandés. «Pour les services de paiement de base, la Belgique ne figure pas parmi les pays les plus chers d’Europe. Pour un client essentiellement digital, une étude de 2023 concluait que la Belgique est le deuxième pays le moins cher d’Europe, derrière l’Espagne, pour un package standard (compte, carte, ordres permanents, domiciliations). La fourchette annuelle va de zéro à 22,8 euros, là où les pays voisins montent facilement au-delà de 100 euros. Pour un client non digital, la Belgique est, avec l’Allemagne, l’un des rares pays à offrir un véritable « pack analogique » (service bancaire universel). La fourchette annuelle belge s’étend ici de 39 à 60 euros, ce qui reste inférieure à des équivalents en France, en Italie ou en Espagne», signale Mikael Petitjean.

Les banques belges appliquent une politique de découragement tarifaire agressive sur les opérations non digitales.

Ce qui coûte cher en Belgique en revanche concerne le service manuel et les opérations «analogiques». «Les banques belges appliquent une politique de découragement tarifaire agressive sur les opérations non digitales, comme les virements papier, les retraits au guichet, les ordres permanents au comptoir, etc. Souvent plus qu’ailleurs. S’y ajoute un autre élément, moins visible mais au moins aussi important pour le portefeuille des ménages: la faible rémunération de l’épargne sur une masse de dépôts très importante. En pratique, on ne paie pas forcément trop cher son compte à vue, mais on laisse beaucoup de rendement sur la table côté épargne», poursuit le professeur.

L’effet (discret) des challengers

Fait notable en Belgique, les challengers, représentés par les néobanques souvent 100% en ligne, ne semblent pas avoir eu d’impact véritable sur les prix, mais bien sur la digitalisation du secteur. BNP Paribas Fortis a par exemple lancé Hello Bank, marque totalement en ligne à très faible coût, pour diversifier son offre et contrer les néobanques, sans cannibaliser ses revenus sur les clients classiques. Des clients souvent «coincés» au sein d’une grande banque historique par un prêt hypothécaire par exemple.

«La plupart des clients conservent en effet leur compte principal dans une banque historique pour trois raisons: la confiance (sécurité perçue, proximité d’une enseigne connue), l’épargne (comptes réglementés) et surtout le crédit hypothécaire. Celui-ci joue ici le rôle de produit « cadenas ». Vu cet état de fait, les banques historiques partent du principe que les clients restés en agence sont plus captifs ou moins sensibles aux prix. Elles n’hésitent donc plus à augmenter régulièrement les tarifs de ce segment pour compenser les coûts du réseau physique et la pression concurrentielle sur les offres digitales», complète Mikael Petitjean.

Les enquêtes disponibles en Belgique et dans les pays voisins suggèrent que, pour l’instant, les néobanques sont majoritairement utilisées comme comptes secondaires. Elles servent surtout pour les paiements en ligne, les voyages et les dépenses en devises, grâce à leurs frais de change réduits, plutôt que comme banque principale. Le secteur se concentre donc encore majoritairement au sein des quatre grandes enseignes (Belfius, BNP Paribas Fortis, ING, KBC/CBC), qui continuent de dicter ainsi certains prix pour une grande partie des clients.

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