D’un côté, quatre nanas explosives (Désobéir). De l’autre, huit mecs interrogatifs et fiers de l’autre (La Tendresse). © National

Julie Bérès, le théâtre qui dégenre

Le Théâtre de Namur accueille Désobéir et La Tendresse, diptyque de Julie Berès sur le courage d’être soi, de s’affranchir des codes de genre, de classe, d’origine, de dire non, «oui mais» ou «pourquoi?» à une norme et aux traditions.

Rendez-vous téléphonique. La ligne est mauvaise, le propos, clair. Celui d’une artiste attentive. D’une féministe à la modération revendicatrice. Et au théâtre du sensible, pluriel. «Politique mais pas revendicatif, il a de l’humour.» Un théâtre de corps, qui porte des voix. Son diptyque présenté à Namur «n’en était pas un, au début».

Il y a d’abord eu Désobéir, quatre femmes sur scène, issues des deuxième et troisième générations de l’immigration. Qui ont osé dire non. A la tyrannie de la tradition et des normes. Sur scène, elles explosent. «Je pars de problématiques sociales. A la création, on était en post-Bataclan, les médias parlaient de radicalisation, fruit unique de garçons de 15-25 ans, banlieusards, précarisés, immigrés. Or, beaucoup de jeunes femmes voulaient partir en Syrie, dégoûtées par le consumérisme, avides de pureté, repêchées par des gars du djihad.» Mais le sujet était lourd pour le projet de théâtre didactique pour les jeunes d’Aubervilliers. Alors elle rencontre des femmes qui ont osé dire non d’une autre façon, pour les mettre sur scène. Non à la tradition comme justification d’éducation genrée. «J’ai voulu valoriser la désobéissance dans un pays (NDLR: la France) où la résistance n’existe plus, où le racisme est omniprésent. On a travaillé sur la construction du féminin dans ce pays-là.» Désobéir est né, coécrit avec Alice Zeniter.

Je suis féministe et un certain féminisme me dérange. Celui qui oppose, stigmatise, sans se remettre en question.

Après quatre ans de tournée, Julie Berès interrogera, avec La Tendresse, le masculin, ses diktats. «Je suis féministe et un certain féminisme me dérange. Celui qui oppose, stigmatise, sans se remettre en question. J’avais envie d’interroger l’ambivalence qu’il y a à se construire. “On ne naît pas femme, on le devient”, disait Beauvoir. Pareil pour l’homme. Pour devenir le mec qu’il voudrait être, il doit démonter celui qu’on lui a montré. Les hommes ne veulent pas être comme leur père, sans savoir qui ils veulent devenir. Avec une certaine naïveté, ignorant les privilèges innés que représente le fait d’être un homme.» Cette Tendresse débute par un manifeste copié de l’ouverture du King Kong théorie de Virginie Despentes, soulignant qu’il faudrait être super-papa mais avoir un superboulot, avoir envie de faire l’amour sans imposer son désir, aimer autant Bergman que la dernière comédie sentimentale. Une ambivalence présente dans le rapport à la violence de ces hommes jeunes, issus de la diversité, présents sur scène. Ils la rejettent tout en l’admirant. «Les femmes mentent à l’extérieur, les hommes à l’intérieur. Quand une femme, pour exister, fait le mur, ou du karaté en cachette, elle ment pour exister. L’homme dit qu’il n’en peut plus d’être obligé d’être viril, fort. Obligé de mentir à l’intérieur.» Ambivalence et lutte pour l’identité, au cœur du diptyque de Julie Berès, avec quatre nanas explosives d’un côté, huit mecs interrogatifs et fiers de l’autre. A rencontrer pour mieux penser nos intimes diversités.

Désobéir, du 8 au 10 mars, et La Tendresse, du 15 au 17 mars, au Théâtre de Namur.

D’un côté, quatre nanas explosives (Désobéir). De l’autre, huit mecs interrogatifs et fiers de l’autre (La Tendresse).
D’un côté, quatre nanas explosives (Désobéir). De l’autre, huit mecs interrogatifs et fiers de l’autre (La Tendresse). © Axelle de Russé
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