Marie-Henriette, la reine délaissée
Qui était Marie-Henriette, épouse de Léopold II et deuxième reine des Belges?
La femme du chancelier autrichien Metternich n’a ni sa langue en poche ni le langage diplomatique de son habile mari. Parlant du mariage de Marie-Henriette avec le duc de Brabant, premier fils de Léopold Ier, roi des Belges, elle se lâche : » Une religieuse va épouser un palefrenier, mais sachez que la religieuse, c’est Léopold. » Le ton est donné à propos de cette union arrangée de toutes pièces, en dehors des élans du coeur.
En ce printemps 1853, comme à chaque renouveau de cette nature longuement endormie sous les bourrasques glaciales du long hiver continental, Vienne recommence à virevolter au son des valses qui enchantent les nombreux kiosques de la ville impériale. L’Empire austro-hongrois vit ses plus belles heures à l’apogée d’une puissance jamais égalée. On y parle tellement de langues que le latin est devenu la langue administrative comme au beau temps de Rome, qui s’étendait alors de l’Asie Mineure à l’Angleterre. Septante-cinq ans plus tard, la défaite d’une guerre aura raison de ce géant aux pieds d’argile.
JEUNESSE AU GRAND AIR
Marie-Henriette est la fille de l’archiduc Joseph, palatin de Hongrie, et de Dorothée de Wurtemberg, sa troisième femme. Elle naît le 20 août 1836. Son père s’est facilement adapté au style de vie de ses administrés hongrois, au point de revêtir leurs habits traditionnels et de maîtriser parfaitement leur langue pourtant bien compliquée. Tout comme son père, Marie-Henriette aime parcourir la campagne.
Elle est plutôt jolie, même si elle ne peut dissimuler certaines rondeurs. Elle passe sa jeunesse à galoper dans la plaine de Hongrie à la mode magyare, dédaignant la position amazone qui sied aux filles de son rang, choquant ainsi une bonne partie de la cour. Elle n’en a cure. Son éducation est loin d’être parfaite, mais elle est polyglotte et grande admiratrice des airs tziganes dont elle apprécie la nostalgie qui s’en dégage. Un peu garçon manqué dans ses gestes parfois brusques, son rire rauque fait songer quelque peu à la mue de la voix de l’adolescent. Cette vie au grand air s’achève un beau jour, quand elle rencontre celui qu’on lui a choisi en dehors de tout élan du coeur.
SACRIFIÉE
En effet, pour l’anniversaire de ses 18 ans, le futur roi Léopold II est amené par son père dans une tournée des cours européennes qui s’arrête notamment à Vienne. C’est là que naît le dessein de ce mariage qui s’avèrera le plus sinistre de l’histoire de notre royauté.
Un rayon de soleil éclaire le bureau du comte O’Sullivan de Grass, notre ambassadeur dans la capitale autrichienne. D’une plume assurée, mais qu’il a sans doute tournée sept fois dans l’encrier, il écrit à Henri de Brouckère, le ministre belge des Affaires étrangères : » La future duchesse de Brabant n’est pas de taille élevée, mais est très bien faite ; sa figure exprime la douceur, ses traits sont fort agréables, son regard plein de charme et d’intelligence, son teint d’une remarquable fraîcheur; sa chevelure d’un blond cendré est fort belle. Son altesse impériale a reçu une brillante éducation; elle parle très bien le français, l’italien et l’anglais; elle est bonne musicienne ; elle peint remarquablement bien, à l’huile, les fleurs et les fruits. Elle monte à cheval avec autant de grâce que de hardiesse. »
À Laeken, qui baigne dans la tristesse de la mort prématurée de Louise-Marie, seule Charlotte semble se réjouir d’accueillir une nouvelle belle-soeur dans la famille. Va-t-elle trouver quelqu’un à qui se confier, son entourage féminin étant réduit à sa plus simple expression? La rumeur enfle selon laquelle la future duchesse de Brabant serait brusque et très indépendante, tout le contraire de la fille du roi des Belges, romantique à souhait et rêvant déjà au prince charmant qui viendra frapper à la porte de son coeur.
Mais revenons à mille kilomètres de Bruxelles. Les cancans vont bon train dans l’entourage impérial. La duchesse de Dino note : « On trouve le duc de Brabant parfois trop bien élevé, tant il est poli, doucereux, courbé en humilité : la vraie école paternelle. » Tandis que le géographe Alexandre von Humboldt y va d’une réflexion bien à lui : « On dit qu’il serait beau si son nez ne profilait pas une ombre semblable au mont Athos. »
Comment meubler la conversation entre les deux jeunes promis, contraints à des épousailles qui ne leur conviennent pas? En évoquant leur ancêtre commune, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et sa nombreuse descendance. Et après ? Il ne reste plus grand-chose à partager. Léopold déteste profondément tout ce qu’aime la jeune austro-hongroise : le cheval, la musique, la danse. Devant le désarroi de Marie-Henriette, sa mère lui fait miroiter les fêtes et les honneurs dont elle sera comblée quand elle deviendra la reine des Belges.
Curieusement, Léopold Ier, en forçant ce mariage, a oublié qu’avec Charlotte, sa première femme, puis Louise-Marie, il a connu deux mariages heureux… Et qu’il coule des heures langoureuses dans les bras de sa maîtresse, Arcadie Claret-Meyer, dont il aura des enfants. Comment a-t-il donc pu sacrifier avec une telle désinvolture le bonheur de son fils ? La raison d’État toujours… même si le coeur a ses raisons!
Le mariage a lieu par procuration le 10 août à 6 heures du soir, au château de Schönbrunn. C’est l’archiduc Charles-Louis, le frère cadet de l’empereur François-Joseph qui joue le rôle du marié. Ils s’échangent même les alliances! Cela se fait sans tambour ni trompette, presque à la sauvette, malgré la présence de toute l’aristocratie. Quatre jours plus tard, Marie-Henriette prend le chemin de la Belgique.
Première étape chez son oncle, Stéphane, l’original de la famille dont le caractère joyeux tranche sur la sévérité de la cour. Il adore autant les livres que le bon vin. Il la rassure, lui rappelant les premières craintes vite estompées de Louise-Marie. Il dresse aussi un portait flatteur de Charlotte. Voilà la jeune mariée rassurée. Sous les vivats de la foule, son train arrive à Herstal, d’où on la conduit au château de la vicomtesse de Biolley, non loin de Verviers. À peine est-elle installée que surgissent le roi, ses deux fils et toute une série de dignitaires, décorations au vent. Marie-Henriette est remise à la Belgique selon un rite immuable, initié par Philippe II d’Espagne.
Le duc de Brabant arrive et serre la main de son épouse, loin des folles embrassades qui prévaudront bien plus tard à l’accueil d’Astrid. Pour l’heure, c’est Charlotte qui attire le regard de sa belle-soeur. Le voyage se poursuit en train sous la liesse populaire. « En arrivant à Bruxelles, j’avais au bras une crampe douloureuse à force de saluer », écrira-t-elle à une amie.
Le mariage, version belge, a lieu le 22 août, civil devant le bourgmestre Charles de Brouckère et religieux sous la houlette de l’archevêque de Malines. Un cortège historique, un dîner de gala et un grand concert ponctuent cette longue journée.
LES RÊVES DE LÉOPOLD
Ce n’est qu’en novembre que le jeune couple entreprend un voyage en Égypte incognito, sous le nom de vicomte et vicomtesse d’Ardenne. Avant de contempler les pyramides et le sphinx (dont à l’époque, seule la tête émerge du sable), les époux passent par l’Allemagne et l’Autriche, avant de passer du bon temps à Venise et d’embarquer à Trieste pour rejoindre Alexandrie. Arrivés au Caire, ils sont reçus par le vice-roi d’Égypte qui leur concocte de nombreuses fêtes. Mais le duc de Brabant préfère assurément les rives de Nil et tous deux se plaisent à le descendre en bateau jusqu’à Assouan en s’arrêtant aux mêmes étapes que les touristes d’aujourd’hui. C’est sans doute durant ce lointain voyage que naît la fibre exploratrice du futur Léopold II, dont ce sera par ailleurs le seul périple en dehors de l’Europe. Déjà, il se montre convaincu par la nécessité de développer des marchés extérieurs qui, cinquante ans plus tard, placeront notre pays à la tête des puissances industrielles et commerciales. Côté coeur, il se révèle moins conquérant. C’est à Charlotte de conclure cette absence d’idylle : « Si Léopold n’est pas heureux avec elle, c’est qu’il ne voudra pas l’être, car elle est tout à fait digne de son affection. » Marie-Henriette ne sera jamais heureuse. À ses manifestations d’intérêt pour ses idées et ses projets, Léopold ne répondra que par l’ironie ou, pire encore, le sarcasme.
Revenu des grandes manoeuvres de l’armée belge au camp de Beverloo, Léopold Ier annonce à toute la famille que celle-ci sera bientôt accueillie en grande pompe à la cour de Napoléon III à Paris. Marie-Henriette laisse éclater sa joie, son époux se renfrogne. Comment? Aller parader chez un Bonaparte qui a confisqué les biens des Orléans et ainsi fameusement entamé l’héritage? Sa femme n’en a cure. Elle se plonge dans les magazines de mode, et s’informe des spectacles sur les scènes parisiennes. À Paris, l’impératrice se montre hautaine, l’empereur très prévenant. Il lui assure les meilleures places aux premières des pièces de théâtre. Elle laisse même son nom à un jeu de cartes original qui amènera longtemps Napoléon III à inviter son entourage à faire une « Marie-Henriette ».
LE CHEVAL, SA PASSION
Les années passent, les enfants naissent. Ils sont quatre : Léopold, Louise, Stéphanie et Clémentine. De son fils mort à l’âge de 10 ans d’une pneumonie et de troubles cardiaques, elle ne parle que très rarement. Suite au décès de Léopold Ier, en décembre 1865, la voilà reine des Belges. La souveraine s’évade de son triste sort quotidien. Elle assiste aux grandes manoeuvres de l’armée, comme le souligne si bien l’écrivain Monthaye : » Nos soldats la revoient montant un jeune cheval fougueux et prêt de s’emballer au bruit de la fusillade et du canon. Insouciante du danger, la reine riait des folles gambades de sa monture. Aux manoeuvres de la cavalerie, on la voyait lancée en pleine carrière et chargeant à la tête d’un régiment ou superbe de sang-froid au milieu d’un carré d’infanterie qui crachait du feu sur toutes ses faces, une pièce d’artillerie tonnant à chacun de ses angles. Aussi les soldats étaient-ils enthousiasmés par la vue de leur souveraine. ».
Une passion de l’équitation toujours, qu’elle partage notamment avec le général Chazal, le ministre de la Guerre, son confident. Dans les écuries de Laeken, la reine s’occupe elle-même des vingt-deux chevaux. Sa fille Louise raconte que son cheval préféré montait les escaliers du perron, entrait chez la reine et, repu de caresses et de récompenses, s’en retournait ensuite d’où il était venu.
PAUVRE CHARLOTTE
Mais les équidés ne sont pas sa seule préoccupation. Charlotte, sa belle-soeur bien-aimée, a sombré dans la folie depuis que son mari Maximilien, éphémère empereur du Mexique, est mort à Querétaro sous les balles de son ennemi, l’avocat Juárez, aidé en sous-main par les armes envoyées par les Yankees. Le rêve de Charlotte s’effondre en même temps que la confiance qu’elle a placée en son mari, coureur invétéré de jupons. C’en est trop pour la princesse belge. Sa raison chavire définitivement. C’est la reine en personne qui se rend au château de Miramar, à une lieue de Trieste, pour ramener au pays l’infortunée Charlotte, séquestrée dans un pavillon du jardin toutes portes et fenêtres closes. » Dès que j’eus traversé l’antichambre, Charlotte se jeta dans mes bras et m’embrassa avec une touchante affection, puis me fit asseoir à côté d’elle et retint ma main qu’elle caressa tout le temps. Je la crois folle, le comte de Flandre l’atteste et trois médecins l’affirment ici; mais je mentirais si je vous disais qu’elle en donne la moindre preuve. » Ces lignes sont extraites du récit que fera Marie-Henriette de cette entrevue, qui réussira à extraire la malheureuse Charlotte de son asile forcé pour qu’elle retrouve enfin la Belgique.
Vient la guerre de 1870, qui oppose la France à la Prusse et précipite la chute de Napoléon III, fait prisonnier lors du siège de Sedan. Marie-Henriette obtient de son mari de transformer le château de Ciergnon et le palais de Bruxelles en ambulances, pour y soigner les blessés français qui refluent nombreux à travers la frontière. On la voit se presser entre les lits pour distribuer des friandises aux convalescents et leur offrir des billets de spectacle pour leur première sortie autorisée. Le même courage pousse la reine, malgré le danger d’être contaminée, à visiter les victimes de l’épidémie de la variole et du typhus qui atteint notre pays en 1871. Les bras chargés de victuailles, on la voit réconforter les malades à Anvers, près du port, ou dans les Marolles, à Bruxelles. Cinq ans plus tôt, la capitale a été victime, pour la dernière fois de son histoire, du choléra, qui y a tué plusieurs centaines de personnes et a entraîné la décision d’enfin voûter la Senne et ses miasmes malfaisants.
AMATRICE D’OPÉRA
Mais il n’y a pas que les bonnes oeuvres qui habitent la souveraine. Elle a un grand penchant pour l’opéra, préférant sans aucun doute Gounod et son Faust à Lohengrin de Wagner, pourtant bien plus germanique. Et quand la comtesse de Flandre, sa belle-soeur, qui partage avec elle le goût de la musique, s’étonne de son choix, elle rétorque : « Que voulez-vous, je suis un peu viennoise et donc plus parisienne… que walkyrie. »
Loin des partitions et des voix des ténors, il y a les malheurs de l’existence. Stéphanie, sa fille, a épousé Rodolphe de Habsbourg, le fils de François-Joseph et de la belle Sissi. Cette union aurait pu être des plus heureuses si son mari n’était pas tombé fou amoureux de Marie Vetsera. L’anéantissement sera total puisqu’il s’achèvera à Mayerling, en 1889, dans le pavillon de chasse de Rodolphe, Rodolphe et sa maîtresse sont retrouvés, chacun avec une balle dans la tête. Suicide signant dans le sang la fin d’une passion. Avec, en point d’orgue, cette lettre que Rodolphe destine à Stéphanie : » Chère Stéphanie, te voilà délivrée du tourment de ma présence. Sois heureuse à ta façon, sois bonne pour la pauvre petite qui est la seule chose qui reste de moi. » Après ce décès tragique, Stéphanie perd son rang et ses privilèges à la cour d’Autriche, comme si on la désignait responsable de ce drame.
Il y a d’autres tracas pour Marie-Henriette, l’épouse délaissée, qui s’inquiète malgré tout de l’état de son mari, plongé dans ses desseins africains. Une missive encore, mais à l’époque, elles sont les seules sources de connaissances de l’histoire des hommes et des femmes, de leurs désirs, de leurs sentiments, de leurs amours et haines. Marie-Henriette nous murmure presque à l’oreille dans la précision de son écriture : « Léopold m’inquiète sérieusement. Il traverse une profonde dépression morale. Pendant des heures, il ne dit pas un mot puis, soudain, son irritabilité devient effrayante. Jamais il ne me parle du Congo et de ses soucis d’argent. »
Drames toujours qui font l’existence des cours d’antan. Le 23 janvier 1891, le prince héritier Baudouin, fils aîné du comte de Flandre, meurt d’une pneumonie à la suite d’une parade de son régiment, dans le froid glacial de l’hiver. La reine en avait fait son protégé. Il ne reste plus pour assurer la continuité de la dynastie que le prince Albert. Un an plus tôt, Marie-Henriette a perdu la gouvernante préférée de Stéphanie dans l’incendie du château de Laeken. Le 25 janvier 1892, c’est au tour de Chazal de quitter notre monde. La reine pleure un vieux compagnon avec lequel elle partageait tout, bien plus qu’elle ne l’a jamais fait avec Léopold.
Jusqu’en 1893, sans sourciller, la reine continue à assurer le rôle qui est le sien. Entre deux obligations officielles, on la surprend à chanter les duos de Hamlet et de Rigoletto avec sa superbe voix de soprano. Elle a un faible pour Paul Féval et les aventures du Bossu ou pour Les deux orphelines, les héroïnes du drame d’Ennery. La célèbre cantatrice Dyna Beumer et le baryton Jean Noté deviennent familiers des salons de Laeken.
SPA, L’ULTIME REFUGE
Il lui faut pourtant fuir la morosité de son mari. En 1893 et 1894, Marie-Henriette et Stéphanie trouvent refuge dans le château de la famille Peltzer à Spa, où elle accueille notamment, dans une calèche aux couleurs françaises, son oncle, le fameux duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe. Plus attirée par la forêt sauvage que par les alignements de son palais bruxellois, la reine obtient de son époux le droit d’acquérir une résidence dans la ville d’eaux. Son choix se porte sur l’hôtel du Midi, à deux pas du parc de Sept Heures, vaste maison de trois corps de logis agrémentée d’un magnifique jardin. Pour fêter son arrivée, les Spadois organisent plusieurs manifestations et lui offrent un buste. C’est une période faste pour la cité, faite de nombreuses réceptions et de visites princières, comme celle du grand-duc de Russie, du prince Albert et de sa jeune fiancée Élisabeth, des officiers lanciers devant lesquels la reine montre les chevaux parfaitement dressés sous sa conduite. On la voit également visiter les expositions des artistes ou admirer dans le hall de l’hôtel de l’Europe les premiers bolides qui participeront à une course entre Spa et Bruxelles, présage sans doute de la future construction du circuit de Francorchamps.
Marie-Henriette se rend une dernière fois à Bruxelles le 6 octobre 1900 afin d’accueillir la princesse Élisabeth qui vient de se marier avec le prince héritier à Munich, capitale de sa Bavière natale. Ensuite, elle regagne à tout jamais Spa pour ne pas être témoin des infidélités répétées de son mari, notamment avec la baronne de Vaughan.
Elle y vit deux ans, sujette à de nombreux problèmes cardiaques, recevant néanmoins à de rares occasions son époux volage. Lorsqu’il la quitte pour la dernière fois au début du mois de septembre 1902, Léopold confie à l’un de ses amis : « On n’est plus jeune sans doute, mais la reine et moi nous portons bien. » Le 19 septembre, la souveraine se rend à l’hospice des vieillards dont elle s’occupe activement. Voulant s’assurer de la qualité des mets qui y sont servis, elle se fait verser un bol de soupe qu’elle apprécie. On lui apporte ensuite deux oeufs et un toast qu’elle avale avec le même appétit. Elle s’endort ensuite jusque 19 h 30 et demande alors qu’on l’aide à se lever de son fauteuil. Elle tombe lentement le long des bras qui la soutiennent et rend sans prononcer un mot, sans pousser un cri, son dernier souffle.
Elle a droit à des funérailles nationales. La baronne de Vaughan, qui accompagne alors Léopold II à Luchon, dans les Pyrénées, pour y prendre les eaux, notera dans ses Mémoires : » Ayant appris le décès de la reine, je me rendis à l’hôtel Scarron où je vis le roi en larmes, effondré en un réel chagrin. Son émotion témoignait d’une sensibilité ignorée du public. «
QUEL HUMOUR !
En furetant dans la correspondance peu connue de la reine, on trouve un courrier qu’elle adresse à Chazal peu après son arrivée en Belgique, et qui prouve que la deuxième reine des Belges ne manquait certes pas d’humour : » Scandale ! Scandale ! Il se passe à Laeken sous les voiles mystérieux d’un brouillard épais, des choses à faire rougir les demoiselles les plus légères ! Il me semble qu’il est plus que temps de faire intervenir votre autorité, du moins pour sauvegarder les apparences. Figurez-vous que je reçois avant-hier – ô scandale ! – un charmant portrait d’un séduisant militaire jeune et blond ; avec cela une lettre fort compromettante écrite par une main inconnue. Naturellement, en demoiselle bien élevée, je n’ai rien compris à ces aveux brûlants. Mais en vraie fille d’Ève, je n’ai pu détourner mes regards de cette image tentatrice. L’uniforme bien porté, l’élégante tournure, les yeux inspirés enflammeraient les plus sages. » La reine conclut en demandant à Chazal de faire une enquête » mais pour rire » sur le soupirant se cachant derrière cette missive. Quel contraste avec cette lettre plus tardive : » L’hiver approche à grands pas et c’est une saison qui porte à la mélancolie surtout lorsqu’on y est disposé. «
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