Même si on ne le voit pas, le Belge Vandervelde était bien présent à Locarno. Ici: l'Allemand Stresemann, le Britannique Chamberlain et le Français Briand. © DR

Le 16 octobre 1925, la Belgique devient une puissance

La présence d’Emile Vandervelde à la conférence de Locarno sera un tournant dans la politique diplomatique belge. Paul-Henri Spaak dira un jour : « A Locarno, la Belgique s’est engagée comme une grande puissance ». Récit.

Sur les photos officielles, on ne le voit pas. Car les Grands ont l’art de soigner les apparences. De se mettre en évidence. Tant pis pour les autres. Et pourtant, Emile Vandervelde a bien participé à la conférence de Locarno. Pendant dix jours, il a échangé, écouté, négocié. En ce 16 octobre 1925, il peut signer des textes cruciaux.

Un tournant: après une courte décennie de politique antiallemande, la Belgique se met à discuter avec son puissant voisin. Le tournant est plus important encore: condamnée à être neutre depuis le début de son existence, la Belgique prend enfin son destin en main. Sur la scène continentale, elle se comporte en véritable puissance.

C’était une condition sine qua non. En 1830, la Belgique ne peut obtenir son indépendance qu’au prix de sa neutralité. Imposé par les grandes puissances, ce statut n’est pas sans conséquences. La Belgique a le droit de vivre, certes. Mais elle ne peut s’engager dans aucune alliance. Ni manifester la moindre préférence pour l’un ou l’autre de ses voisins. Une neutralité qui ne l’empêchera toutefois pas d’être envahie. En 1914, les Allemands violent sans scrupules le territoire de leur petit voisin.

De fait, voilà les Belges placés dans un camp. A Versailles, aux côtés des Alliés, ils participent à l’élaboration d’une politique antiallemande. Hardis, ils osent même quelques revendications territoriales sur les Pays-Bas et le Luxembourg. Dans la foulée, avec la France, ils participent à l’occupation militaire de la Ruhr. Et pourtant, la Belgique n’a rien d’une puissance. La plupart de ses revendications sont superbement ignorées. Quant à l’héroïsme dont son peuple a fait preuve en 1914, il est déjà oublié – bien plus, l’héroïsme n’est-il pas le propre des petits pays?

Dans la première moitié des années 1920, la Belgique n’a pas bonne presse sur la scène internationale. Les Allemands méprisent ce petit peuple qui s’efforce de prendre sa revanche. Les Anglo-Saxons reprochent à Bruxelles de suivre aveuglément sa grande soeur parisienne. Quant aux Néerlandais et aux Luxembourgeois, ils ne digèrent absolument pas les velléités territoriales de leurs voisins. Ce n’est pas tout: la politique étrangère de la Belgique divise même… les Belges. L’occupation de l’Allemagne et l’allongement du service militaire qui l’accompagnent déplaisent fortement.

Mais un tournant se prépare. Sur la scène internationale, un nouvel ordre est en train de naître, qui privilégie le droit à la force. Prenant la tête de la diplomatie belge en 1925, le socialiste Emile Vandervelde s’engage, lui aussi, dans cette voie. C’est donc très logiquement qu’à l’automne, en Suisse, sur les rives du lac Majeur, il retrouve ses homologues britannique, français, allemand et italien. « A Locarno, la Belgique s’est engagée comme une grande puissance », dira un jour Paul-Henri Spaak. En effet, si le Pacte garantit les frontières de la Belgique, la Belgique garantit aussi celles de ses voisins. Et soudain, ce petit pays est devenu une puissance (presque) comme les autres.

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