Orgueil et persévérance : Léopold III n'a pas abdiqué son voeu d'être reçu par Pie XII. © Robert Marchand/collection de Wilfried Vandevelde

Le 12 juin 1950, Léopold III s’invite chez le pape

Ce qu’ils se sont dit ? Même les archives ne le révèlent pas. Et au fond, cela n’a pas grande importance. Plus que l’échange, ce qui compte, c’est la rencontre. Il la tient, sa victoire !

Pour obtenir un entretien avec le pape, Léopold III a bataillé ferme. Il a dû persuader les autorités politiques belges, défier les plus hauts dignitaires vaticanesques. Peu de gens étaient favorables à ce rendez-vous. Logique : quelques mois après la consultation populaire de mars 1950, Léopold III s’apprête à remonter sur le trône de Belgique mais demeure un homme profondément contesté.

Il avait dit qu’il voulait se rendre à Rome  » comme pèlerin « . Motivation spirituelle ? Peut-être. Posture politique ? Sans aucun doute. En plaçant la rencontre sur un plan personnel et privé, Léopold III espère éviter une levée de boucliers. Pari raté. Dès que la nouvelle commence à filtrer, les antiléopoldistes s’insurgent à l’idée de voir le roi aller se faire bénir par Sa Sainteté. Et même au Vatican, on se montre circonspect. A quelques jours de la date envisagée, aucune invitation n’a d’ailleurs été officiellement envoyée.

Le 8 juin, la Curie romaine indique aux Affaires étrangères belges qu’il serait  » opportun de remettre la visite à une époque plus propice « . Message reçu à Bruxelles, où l’on s’apprête à clore le chapitre. Mais de son exil helvétique, le roi n’obtempère pas. Sa cour demande au ministre des Affaires étrangères, Paul van Zeeland, d’adresser une nouvelle requête. La diplomatie belge s’aligne. Mais se voit opposer un nouveau refus :  » Le Saint-Père regrette de devoir insister pour que la visite soit remise à une date ultérieure et plus opportune…  »

Abdiquer ? Ce n’est pas dans l’ADN des Cobourg. Surtout que la visite a déjà été publiquement annoncée, et que Léopold est du genre orgueilleux. Le roi demande au gouvernement de tenter une ultime démarche auprès du Vatican. La persévérance est récompensée : cette fois, le pape s’incline. Le 12 juin, tout sourire, Léopold III, Lilian et quelques dignitaires sont reçus par Pie XII. Reste un souci. Un détail : l’ambassadeur de Belgique à Rome-Quirinal est André Motte, un antiléopoldiste notoire. Bien évidemment, le roi n’a aucune envie de loger chez lui durant son déplacement. Ni même de le croiser dans l’un ou l’autre salon romain. Pour éviter tout incident, il demande à van Zeeland de rappeler Motte à Bruxelles durant quelques jours. A nouveau, le chef de la diplomatie s’incline.

En Belgique, personne n’est dupe. Mais les avis sont contrastés. La (très royaliste) Libre Belgique salue la démarche :  » Son absence de Rome, pendant le séjour du roi, délivre ce diplomate de certains soucis personnels.  » Les antiléopoldistes, eux, explosent.  » Ce rappel est aussi grotesque que scandaleux « , s’embrase le socialiste Paul-Henri Spaak à la Chambre.  » Qui serait honteux de rencontrer monsieur Motte, un de nos diplomates les meilleurs, les plus courageux ?  » Emanations de Question royale…

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