18 février 1970 : Gaston Eyskens annonce la fin de " la Belgique de papa ". © PHOTONEWS

10 mars 1974: les pionniers du fédéralisme belge

Comme à chaque fois, ils sont entrés dans le bureau de vote. Après avoir présenté leur carte d’identité, ils ont reçu leur bulletin. Dans l’isoloir, ils l’ont soigneusement complété. Ils ont ensuite déposé le document dans l’urne, avant de s’en aller. Comme à chaque fois. Sauf que ce vote est… historique ! C’est la première fois, en Belgique, que des citoyens peuvent élire directement les membres d’une entité fédérée. En ce 10 mars 1974, les germanophones montrent la voie.

 » L’Etat unitaire est dépassé par les faits.  » Nous sommes le 18 février 1970. A la tribune de la Chambre, le Premier ministre Gaston Eyskens annonce la fin de  » la Belgique de papa « . Quelques mois plus tard, la Constitution est révisée, ouvrant une brèche dans la structure unitaire du pays. Des Communautés culturelles sont créées, dotées de miniassemblées appelées  » conseils culturels « . Pour les Communautés française et flamande, ces conseils reçoivent de véritables compétences législatives : au même titre que la Chambre et le Sénat, les textes qu’ils voteront auront force de loi.

Et les germanophones ? Ils ne sont manifestement pas la priorité du législateur. Personne ne s’en cache : la création d’une Communauté culturelle germanophone n’est qu’une conséquence indirecte de celle des deux autres. Il faut dire, aussi, que les germanophones eux-mêmes ne sont pas tous demandeurs. Dans les cantons de l’Est, on redoute que l’octroi de l’autonomie culturelle avive, chez certains, le goût du séparatisme… Vu la taille réduite de la population concernée, une loi spécifique, publiée le 10 juillet 1973, régit le sort de la Communauté germanophone. Première particularité : là où les principales Communautés reçoivent une compétence législative, la troisième n’a qu’une compétence d’avis. Mais la loi prévoit une seconde particularité : là où les conseils français et néerlandais seront constitués de parlementaires nationaux, le conseil allemand sera, lui, élu au suffrage universel. La chose s’explique : les députés et sénateurs germanophones ne sont pas assez nombreux pour garnir les rangs d’une assemblée propre.

Le 10 mars 1974 est donc historique. Ce jour-là, alors que tous les Belges participent aux élections législatives, les germanophones élisent aussi leur Rat der deutschen Kulturgemeinschaft. Grand succès pour le Christlich Soziale Partei : la branche germanophone du PSC obtient 12 des 25 sièges, devant le régionaliste Partei der Deutschsprachigen Belgier (6 sièges), les libéraux (4) et les socialistes (3). Mais à certains égards, les pionniers du fédéralisme belge en seront aussi les déçus. En 1980, la seconde réforme de l’Etat ne leur octroie (toujours pas) les mêmes compétences décrétales que celles des autres Communautés – pour cela, il faudra attendre 1983. Surtout, elle ancre le territoire germanophone au sein de la Région wallonne, compliquant de ce fait l’émergence d’une identité vraiment distincte.

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