Bénédicte Bayer est directrice générale de l'intercommunale Publifin et cheffe de cabinet du PDG de Nethys, Stéphane Moreau. © SDP

Voici les revenus « d’ouvrière » de la directrice de Publifin

David Leloup
David Leloup Journaliste

En 2014, Bénédicte Bayer a gagné 260.069,91 euros brut annuels pour ses fonctions chez Nethys et Publifin, soit 10 fois plus que l’ouvrier le moins bien payé du groupe. Son salaire chez Publifin ne représente pourtant que 10% de ce montant, alors qu’elle dit y consacrer 50% de son temps de travail. Montage destiné à éluder des cotisations de sécurité sociale ?

« C’était de l’humour !, dit-elle à présent. D’ailleurs, je crois que beaucoup en ont ri. » Bénédicte Bayer semble un peu dépassée par la petite tornade médiatique qu’elle a générée, lundi, suite à l’interview qu’elle a accordée à nos confrères du Soir. En affirmant qu’« à la minute », elle gagnait « moins que les ouvriers les moins payés » au sein du groupe Publifin-Nethys, la directrice générale de l’intercommunale a choqué une partie de l’opinion.

Et pas que dans les milieux ouvriers et syndicaux. Cédric Halin, l’échevin des Finances de la cossue commune d’Olne, s’est fendu d’un « recadrage » sur Twitter, chiffres à l’appui, immédiatement repris sur le site de plusieurs médias. Mais en se basant sur un barème de 76.449 euros brut par an, l’homme qui a dévoilé le scandale Publifin était loin du compte… Selon nos informations, obtenues à bonne source, Bénédicte Bayer a déclaré des revenus pour un total de 260.069,91 euros brut en 2014.

Indépendante chez Nethys, salariée chez Publifin

L’essentiel de ce montant, soit 232.624,94 euros, provient de la convention de management qu’elle a signée en 2013 avec Nethys et cinq de ses filiales (RESA, BeTV, NeWIN, WBCC et ACM) pour y assurer, notamment, la gestion des ressources humaines. Ces revenus, Bénédicte Bayer – bras droit de Stéphane Moreau chez Nethys -, les a perçus en tant qu’indépendante.

A côté de ça, et elle nous l’a confirmé, Bénédicte Bayer est salariée de l’intercommunale Publifin dont elle est directrice générale. Plus surprenant – et cela expliquerait sa saillie de lundi -, elle ne touche qu’environ 2.000 euros brut par mois pour cette fonction « suprême » au sein de l’intercommunale. « Une tâche qui occupe environ 50% de mon temps de travail », précise-t-elle au Vif/L’Express. Bref, 13e mois inclus, elle n’a gagné que 25.837,42 euros brut de salaires chez Publifin en 2014.

Enfin, Bénédicte Bayer a déclaré 1.607,55 euro brut en rubrique « profits des professions libérales ». Vraisemblablement les jetons de présence « pour quelques mandats d’administrateurs (…) quelques fois par an » évoqués dans son interview au Soir. Voilà donc pour les revenus perçus en 2014.

Double « optimisation sociale » ?

Ce qui frappe deux experts du chiffre consultés par Le Vif/L’Express, c’est le montant du salaire de Bénédicte Bayer comme directrice générale : 2.000 euros brut par mois, c’est très nettement en-dessous des barèmes légaux pour un poste de ce rang. Pourquoi son salaire est-il ainsi sous-évalué ? A l’instar des montages fiscaux destinés à réduire plus ou moins légalement l’impôt sur le revenu, notre premier expert subodore ici un « montage social » destiné à réduire les cotisations versées à la sécurité sociale. « Une partie de son travail chez Publifin semble financée par Nethys sous statut d’indépendante. Sur cette partie-là, comme directrice générale non salariée, elle peut déduire des charges réelles (cotisations sociales INASTI, autres charges professionnelles…) sans le plafond des charges professionnelles forfaitaires d’un salarié », explique-t-il.

L’intercommunale Publifin semble elle aussi profiter de ce montage : « En payant en grande partie une directrice générale comme indépendante via Nethys, l’employeur Publifin économise les cotisations de sécurité sociale patronales et personnelles qu’il aurait payées « plein pot » si elle avait été salariée au barème », analyse un expert-comptable chevronné. Qui souligne aussi que « les cotisations sociales INASTI payées par Madame Bayer sont moins importantes que le total des cotisations sociales patronales et personnelles dues si elle était salariée au barème. » Selon Bénédicte Bayer, cette surprenante formule de rémunération a été mise au point par un cabinet de consultance externe.

Bonus, assurance-groupe, voiture de fonction…

De source syndicale, le salaire le plus bas au sein des agents Publifin s’élève à quelque 24.900 euros brut par an (13e mois et chèques-repas inclus). « C’est ce que gagnent plusieurs ouvriers de réseau qui travaillent 38 heures par semaine et disposent de 20 jours de congés payés », explique Christine Planus, déléguée principale CGSP-Publifin. Donc effectivement, à la minute, si l’on s’en tient stricto sensu à la fiche de paie Publifin de Bénédicte Bayer, la directrice de l’intercommunale gagne moins qu’un ouvrier de réseau si elle preste beaucoup d’heures supplémentaires, comme elle le déclare dans son interview…

Mais si l’on considère l’ensemble de ses revenus, elle gagne largement dix fois plus que les ouvriers les moins payés au sein du groupe Publifin-Nethys. Et à ce montant global de plus de 260.000 euros brut s’ajoute une série d’avantages auxquels les ouvriers de Publifin, eux, n’ont pas droit. Via sa convention de management avec Nethys et ses filiales, Bénédicte Bayer bénéficie ainsi d’un plan de pension complémentaire (assurance-groupe), d’un véhicule de fonction (BMW), d’une assurance en responsabilité civile et du remboursement de frais professionnels (voyages et hôtels à l’étranger, restaurants, frais de congrès, etc.).

Des « packages » de rémunération opaques chez Nethys

Sur ces points, de nombreuses inconnues subsistent. Le « package de rémunération » des managers chez Nethys comprend trois grands axes de négociation : une rémunération fixe à court-terme (mensuelle), une rémunération variable à moyen-terme (« bonus » annuel) et une rémunération différée à long terme (pension via une assurance-groupe). Selon nos informations, la rémunération fixe de Bénédicte Bayer s’est élevée à quelque 222.000 euros brut en 2016.

Quant à son « bonus », au nom du droit à la vie privée, elle refuse de le communiquer au Vif/L’Express. S’agit-il de 50% du fixe, comme Stéphane Moreau ? « Non, c’est moins que ça… » Nous n’en saurons pas plus : c’est un secret jalousement gardé qui sera peut-être éventé lors de son audition, ce jeudi, devant la commission d’enquête Publifin du parlement wallon. Idem concernant le montant annuel versé par Nethys pour son assurance-groupe. Selon nos informations, plus de 90.000 euros étaient dévolus annuellement par Nethys (alors Tecteo) à l’assurance-groupe de Stéphane Moreau en… 2008. Combien en 2016 pour le CEO de Nethys et son adjointe Bénédicte Bayer ?

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