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Visite d’Etat au Portugal, jour 2: une journée bleue

Muriel Lefevre

Nettement moins protocolaire, le deuxième jour de la visite d’Etat des souverains belges au Portugal semblait nimbé de bleu. Entre visite de l’aquarium, économie bleue et un ciel assorti, récit d’une journée où l’azur régnait en maître.

La deuxième journée de la visite d’état de trois jours des souverains belges au Portugal débute par une visite à l’oceanarium de Lisbonne. Cet aquarium, le deuxième plus grand d’Europe, a été inauguré il y a 20 ans, à l’occasion de l’exposition universelle. Avec ses 1.200.000 visiteurs annuels, il est devenu l’une des attractions incontournables de la ville. L’aquarium n’est cependant pas qu’un lieu de loisir, c’est aussi une fondation qui, avec un budget annuel de 5.5 millions par an, est un l’un plus grand acteur dans le domaine de la protection marine. Ses missions se développent autour de trois axes, selon son directeur Tiago Pitta e Cunha. Sensibiliser les jeunes grâce à des programmes éducationnels (168.000 enfants en bénéficient chaque année), soutenir divers projets de protection des fonds marins et, enfin, faire du lobbying pour une économie plus bleue. « L’Oceano Azul Foundation affirme, à juste titre, que le développement économique et l’engagement en faveur d’un environnement plus durable ne sont pas antagonistes », dira le roi un peu plus tard.

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Chacun sa route

Plus tard dans la matinée, le couple royal a pris des chemins séparés. La reine s’est rendue à la fondation Champalimaud, également connue sous le nom de Centre de Recherche de l’Inconnu. Une fondation entièrement privée construite en 2010 grâce à la générosité d’un riche industriel portugais, Antonio de Sommer Champalimaud. L’institut s’est spécialisé dans trois domaines: le cancer, la neuroscience (soit l’influence du cerveau sur le comportement humain), et la vision. Le troisième domaine est un hommage à Champalimaud qui a fini sa vie aveugle. Chaque année, le centre décerne un prix doté d’une valeur de 1 million d’euros pour faire avancer la recherche ou aider une ONG active dans le domaine de la cécité. C’est l’un des plus importants prix au monde dans ce domaine.

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Aujourd’hui, c’est la partie oncologie qui est mise en avant dans cet institut qui ne manque visiblement pas de moyens, aussi bien pécuniaires, avec un budget de 50 millions par an, qu’humains. Le bâtiment signé par l’architecte Charles Correa mélange architecture futuriste, jardin intérieur et vue à couper le souffle. Une beauté qui n’est pas de l’esbroufe, mais bien un traitement médical à part entière. Les fondateurs de la fondation sont en effet convaincus que la beauté est thérapeutique. C’est aussi l’une des raisons qui fait qu’ici les thérapies peuvent être prises en terrasse.

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La reine écoute avec attention et bienveillance quelques-uns des patients atteints d’un cancer et qui bénéficient ici d’un traitement avant-gardiste de radiothérapie. Celui-ci est 20 fois plus puissant qu’un traitement classique et il n’est pas rare qu’une seule séance suffise. Ce traitement novateur fait la fierté de la fondation et attire des patients du monde entier.

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Dans ce centre travaillent aussi deux Belges. Le chirurgien Geraard Beets, spécialisé dans le cancer colorectal et la chercheuse Adinda Wensa. Ce qui les a surtout attirés vers les rives du Tage, c’est l’ouverture d’esprit qui caractérise cette institution qui allie, dans un même bâtiment, recherches et soins. Axé vers l’international, l’institut va chercher le meilleur partout dans le monde pour le synthétiser ici.

Économie bleue

Pendant que la reine visite l’institut, le roi a pris la direction d’un séminaire commun avec la fédération patronale portugaise CIP (qui représente 114.000 entreprises de toutes tailles), la journée étant consacrée aux échanges économiques entre la Belgique et le Portugal.

« Nos relations doivent être intensifiées », a commenté le président de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), Bernard Gilliot, en guise d’ouverture. Parmi les opportunités de collaborations économiques entre les deux pays, l’économie bleue et l’économie circulaire figurent en bonne place.

L’économie bleue est un terme inventé par Gunter Pauli, un entrepreneur belge à l’origine notamment d’Ecover et considéré par certains comme le pape du développement durable. L’idée derrière cette économie bleue est simple: on utilise ce que l’on a de disponible localement, on ne génère que des plus-values et l’on tient compte des besoins de la société que sont la résilience, le bonheur et la santé. Cela demande une transformation des modèles qui régissent le monde actuel des affaires, mais aussi de la société dans son ensemble. Une économie qui fonctionne en boucle et souhaite limiter la création de déchet. L’objectif d’un tel modèle économique est de produire des biens et services tout en limitant fortement la consommation et le gaspillage des matières premières, et des sources d’énergies non renouvelables.

« Il y a beaucoup de choses à explorer dans ces domaines », a commenté le ministre-président flamand, Geert Bourgeois. « Que ce soit en matière d’alimentation, de pêche, d’aquaculture ou encore de santé et d’énergie. » C’est d’ailleurs un séminaire spécifique consacré à l’économie circulaire qui a d’ailleurs retenu l’attention du souverain: gestion de l’eau ou encore des déchets.

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« La crise économique mondiale a eu des répercussions considérables sur nos économies et sur les conditions de vie de nos citoyens. De nombreux défis subsistent, tels que le chômage, le vieillissement de nos populations, le problème des inégalités et les difficultés à relancer nos économies. Alors que nous unissons nos efforts pour relever ces défis, le modèle de prise de décision multilatéral – une pratique éprouvée et efficace – est soumis à une pression croissante », précise le roi dans son discours d’introduction. « Les échanges commerciaux entre nos deux pays sont marqués par une multitude de partenariats dans les domaines de la technologie, de la construction, de l’alimentation, de la santé et de la médecine, des banques et des services. Mais nous pouvons faire bien plus. (…) Les nouvelles technologies s’imposent de plus en plus dans nos vies. Les infrastructures doivent être modernisées. Notre vision de la mobilité évolue rapidement. L’énergie devient plus verte de jour en jour. Nos entreprises ont développé des solutions avant-gardistes dans tous ces domaines. (…) L’entrepreneuriat social est désormais pleinement intégré dans notre économie et je suis particulièrement heureux des liens noués entre les entrepreneurs sociaux de nos pays dans le cadre de cette visite. »

Un souhait également exprimé par les ministres des Affaires étrangères des deux pays qui plaident pour davantage de coopération économique. Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a été reçu mardi après-midi à Lisbonne par son homologue portugais Augusto Santos Silva pour un entretien bilatéral en marge de la visite d’Etat. « Il n’y a aucun problème entre la Belgique et le Portugal », a déclaré M. Santos Silva. « Sauf que nous pouvons développer davantage de solutions économiques entre nos deux pays. » Didier Reynders a abondé dans le même sens. « Il est frappant de constater que nous sommes sur la même ligne sur nombre de dossiers internationaux, parfois même jusque dans les détails. Mais nous avons le sentiment que nous pourrions en faire davantage au niveau économique. Peu d’entreprises belges et portugaises travaillent ensemble, notamment en Afrique, où nous sommes actifs dans des régions différentes. Y aller ensemble nous permettrait d’élargir nos opportunités sur le marché africain. Les Portugais sont également très avancés dans la réflexion sur les smart cities (poubelles intelligentes ou éclairage intelligent par exemple), mais il n’existe pas de collaboration suffisante. »

Une après-midi entre « favelas » et incubateur d’entreprise

Pour la reine, l’après-midi s’est poursuivie dans la banlieue pauvre de Lisbonne. Elle y rendait visite à une association qui vient en aide aux personnes qui vivent dans ce quartier défavorisé, via de nombreuses activités et service comme une garderie.

Plus de 6000 personnes vivent dans le Cova da Moura, un quartier qui n’a pas d’existence légale et relativement récent puisque près de 77% des gens s’y sont installé après 1977.

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Un quartier où il y a aussi beaucoup de jeunes, un habitant sur 2 y a moins de 20 ans, et près de trois personnes sur quatre sont originaires du Cap Vert. L’association a été créée en 1987 par une Belge, Lieve Meersschaert. Elle recevra le prix portugais des droits de l’homme en 2007.

La reine et une habitante du quartier
La reine et une habitante du quartier© Belga

Si la situation s’est améliorée depuis la crise de 2011, le salaire moyen reste bas puisqu’il est de 520 euros. L’association vise surtout à consolider ce qu’ils appellent ici le « Djunta Mô », le vivre ensemble.

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L’après-midi du roi est consacrée à la visite de l’impact Hub, situé dans l’ancien site de CARRIS, l’entreprise portugaise de transport public, et d’une table ronde avec des entrepreneurs sociaux. Impact Hub, sponsorisé par des partenaires privés, mais aussi les pouvoirs publics, se concentre sur l’innovation sociale en aidant des start-ups ont pour mission d’accroître la cohésion sociale ou la durabilité et ainsi avoir un impact positif à l’échelle mondiale.

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Ce type d’entrepreneuriat diffère de la création d’entreprises orientées business et a besoin d’être encouragé. Ce genre de lieu met à leur disposition un espace de 500m², et des équipements coopératifs qui permettent d’échanger librement savoirs et compétences dans des domaines très divers, comme l’éducation, la lutte contre l’exclusion sociale, l’égalité entre les sexes ou encore le développement durable.

Dix-sept entreprises et neuf startups wallonnes

Dix-sept entreprises wallonnes, représentées par leur CEO, font partie de la délégation belge. Neuf startups, actives dans l’aide aux personnes âgées, la musique numérisée ou encore la gestion de drones, sont également de la partie, a indiqué le ministre-président wallon, Willy Borsus en marge d’une visite de chantier mardi matin à Lisbonne. Deux signatures d’accords de partenariats sont prévues mardi soir entre des entreprises wallonnes et portugaises. Les entreprises présentes souhaitent profiter de l' »Agenda Portugal Digital », qui ambitionne de faire du pays l’un des plus avancés de l’Union européenne en matière d’économie numérique. Un séminaire consacré spécifiquement à l’écosystème numérique portugais est prévu mercredi à Porto.

La soirée s’est clôturée par la signature de 18 contrats de partenariats économiques, académiques ou encore culturels avec des entreprises et des institutions portugaises. La brasserie brugeoise Halve Maan, qui commercialise la Staffe Hendrik ou encore la Brugse Zot, a, par exemple, conclu un contrat avec la société DCN Beers pour commercialiser ses bières au Portugal. De son côté, la chocolaterie Guylian, basée à Saint-Nicolas, connue pour ses chocolats en forme de coquillages, poursuit son partenariat avec le projet Seahorse, un groupe visant à la préservation des écosystèmes marins. Le Belgium Engine Center (Herstal), spécialisé dans la maintenance aéronautique a pour sa part conclu un contrat avec la Défense portugaise. De nombreux partenariats académiques ont également été conclus. Citons notamment de nouvelles coopérations entre l’Université Saint-Louis et l’Universidade Fernando Pessoa de Porto; entre l’ICHEC et l’Universidade Catolicà Portuguesa (UCP); entre l’UGent et l’université de Porto ou encore entre la VUB et l’université Nova de Lisbonne.

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Mardi soir, le couple royal a assisté au concert de l' »Ensemble Huelgas », dirigé par Paul Van Nevel. Un choix qui souligne le lien musical et historique entre la Belgique et le Portugal.

Ce mardi était aussi la dernière journée passée à Lisbonne, puisque la délégation, au grand complet, se dirige vers Porto où est programmée la visite du musée d’art contemporain, Serralves et la clôture du séminaire consacré aux « sciences de la mer pour une économie bleue durable. »

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