Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: pourquoi ce 8 mai, Jan Jambon (N-VA) ne s’associera pas à une commémoration de la fin de la guerre

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le ministre-président flamand n’a pas associé le département de la Culture dont il a la tutelle à une plateforme commémorative du jour de la Libération, « Vrij op 8 mei », lancée pour la première fois par des acteurs du monde culturel flamand. Jan Jambon (N-VA) estime que le souvenir de la libération de la Belgique en septembre 1944 est nettement plus vivace en Flandre que celui du 8 mai 1945. Si la gauche déplore cette frilosité, le Vlaams Belang et la N-VA soutiennent la prise de distance du chef du gouvernement flamand à l’égard d’un collectif taxé de visées partisanes contre l’extrême-droite.

Le 8 mai, un grand jour pour l’humanité. Celui, en 1945, de la capitulation de l’Allemagne nazie, de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, de la victoire de la démocratie sur le fascisme. Un moment crucial de la Libération, inoubliable et à ne jamais oublier, qui valait bien un jour férié officiel, du moins dans les écoles et les administrations. La Belgique y a pourtant renoncé en 1983, voici quarante ans, à l’inverse de la France ou des Pays-Bas. Mais il y a de la réhabilitation dans l’air, et sans attendre que le retour en grâce soit politiquement décidé du nord au sud du pays – la Région bruxelloise en a déjà fait son jour de congé –, le monde de la culture flamande sonne la mobilisation pour redonner à la commémoration du 8-Mai, reléguée dans l’ombre du 11-Novembre, l’éclat qu’elle mérite tout autant. Histoire de rappeler aussi fort utilement que ce jour fut un jour de gloire pour une Résistance encore trop méconnue en Flandre.

Pour la N-VA, c’est l’extrême droite qui fait ici figure de cible toute désignée.

«Vrij op 8 mei» – «Libre le 8 mai» –, combien de divisions? Vingt-six maisons de la culture flamandes ont rallié la plateforme lancée à cette fin. Avec la mort d’Hitler pour thème de réflexion durant cette première édition qui se déclinera dans une dizaine de lieux au nord du pays.

L’initiative pourrait être un signal encore plus fort si le ministre en charge de la Culture invitait son département à se rallier sous cette bannière, et à lui apporter au besoin un soutien. Mais ledit ministre, par ailleurs ministre-président du gouvernement, Jan Jambon (N-VA), faisait savoir, mi-mars dernier, au parlement flamand que cette idée n’était pas à l’ordre du jour, qu’aucun contact n’était établi avec ce collectif et que l’intention était bien de rester au balcon le 8 mai.

Pas question, bien entendu, de nier toute l’importance historique de la date, mais Jan Jambon tenait surtout à rappeler qu’il y a libération et Libération et que le souvenir de celle du pays, en septembre 1944, bien concrète celle-là, se célèbre nettement plus aux quatre coins de la Flandre par une foule d’initiatives ou de fêtes locales. Sans doute la commémoration de l’une n’exclut-elle pas l’hommage rendu à l’autre ; libre à chacun d’user de son droit d’initiative, jusqu’à solliciter auprès de l’administration un subside dont l’opportunité sera examinée avec toute l’objectivité requise. Mais le ministre de clore la discussion par un «Je ne comprends pas qu’il faille aussitôt se tourner vers les pouvoirs publics pour obtenir un soutien. Et, pour ce qui me concerne, j’en resterai là.»

Cette main ministre-présidentielle non tendue à la mobilisation culturelle enthousiaste programmée ce 8 mai a eu le don de laisser sur sa faim l’opposition Groen-Vooruit. Elle aura en revanche rassuré sur les bancs du Vlaams Belang, lui aussi dans l’opposition, mais qui ne pouvait faire moins que donner raison à Jan Jambon quand il prend acte de la tradition de célébrer la libération de septembre 1944 plutôt que la capitulation de l’Allemagne hitlérienne en mai 1945. S’incliner devant cette logique va d’autant plus de soi, a prolongé l’orateur du jour N-VA, Marius Meremans, que c’est l’extrême droite qui fait figure de cible toute désignée par ce collectif du 8-Mai à la vision un peu trop unilatérale à son goût.

Tout bien réfléchi, mieux vaudrait donc s’en tenir au souvenir ému de l’accueil délirant réservé aux soldats alliés libérateurs que de chercher à remuer trop ostensiblement, pour s’en féliciter à des fins partisanes, la défaite du nazisme et de ses collaborateurs.

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