Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: mort aux vaches (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Il faudra que les animaux de la ferme paient aussi un tribut au grand dérèglement qui menace l’avenir de l’espèce humaine.

Adieu veau, vache, cochon, couvée… On n’en est pas (encore) là mais le vent mauvais qui souffle toujours plus intensément sur la santé du climat oblige à envisager de labourer de nouveaux terrains d’action. Alors que la Conférence de Glasgow est dans toutes les têtes, les rapports s’enchaînent, les suggestions fusent et, de partout, le gouvernement Jambon (N-VA – Open VLD – CD&V) est instamment prié d’avoir la main toujours plus « verte » et de prendre sans plus tarder le taureau par les cornes. Ici, ce sont les partenaires sociaux flamands réunis au sein du Serv, le Conseil économique et social de la Flandre, qui recommandent chaudement de mettre le turbo sur l’énergie renouvelable en migrant massivement vers la pompe à chaleur dans une région où quelque sept habitations sur dix sont chauffées au gaz. Là, c’est un panel d’experts chargés par les autorités flamandes d’alimenter la boîte à idées qui appelle à révolutionner les usages dans les campagnes par le sacrifice d’une part non négligeable du bétail sur l’autel d’une réduction drastique des émissions de CO2.

C’est que l’agriculture a sa part de responsabilité dans ces émissions (16% du volume total) sans que le contrôle et la mise au pas de cette nocivité pour l’environnement ne portent réellement leurs fruits depuis quinze ans. « Bien que la technologie puisse y contribuer, une réduction significative des émissions totales émanant de notre agriculture est impossible à réaliser avec le nombre actuel de bêtes », relèvent les auteurs d’un rapport transmis au gouvernement flamand. La population flamande souffre d’un excès de bétail, il faudra donc que les animaux de la ferme paient aussi un tribut au grand dérèglement qui menace l’avenir de l’espèce humaine, y compris au plat pays. Les jours d’1,7 million de porcs, de 23 millions de poulets et de 142 500 vaches sont comptés si la Flandre veut se soulager d’un million de tonnes d’équivalent CO2. Carnage en vue? Non point, il s’agira de procéder par une réduction certes drastique mais « réfléchie » du cheptel, qui répandra ses bienfaits sur bien d’autres dimensions environnementales: moins d’azote néfaste pour l’eau souterraine ou de surface, un air plus sain, 81 000 hectares de terres libérées et reboisables, une biodiversité sur la voie du rétablissement.

Prendre congé, à terme, de 15% de sa population porcine, de 10% de ses volailles, de 20% de ses vaches viandeuses, de 25% de ses vaches laitières: sacrée saignée en vue pour le monde agricole flamand. La question est sensible et la réponse ne va pas politiquement de soi. C’est que la réussite du défi passe, logiquement, par celle d’un autre challenge: un changement radical des habitudes alimentaires, à l’avenir moins voraces en viande. « Allons-nous en importer si la demande reste identique? Qu’aurons-nous gagné? », interroge le toujours très influent Boerenbond dont n’est jamais loin le CD&V, détenteur du portefeuille de l’ Agriculture. Au printemps dernier, sa titulaire, Hilde Crevits, balisait le chemin: la révolution se fera avec les agriculteurs, ni sans eux ni contre eux, « par un bon équilibre à trouver entre la faisabilité pour les paysans et la compensation financière à consentir par les pouvoirs publics flamands ». Pour assurer la transition en douceur vers un bonheur durable dans le pré.

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