Tenter de kidnapper un ministre: où sont les limites des criminels?

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Le projet d’enlèvement du ministre de la Justice, Vincent Van Quicken borne, a frappé les esprits. Il témoigne sans doute des moyens que les organisations criminelles sont disposées à mettre en œuvre pour défendre leur marché.

L’affaire est encore entourée de nombreux points d’interrogation. Mais une tentative de kidnapping d’un ministre telle que celle qui vient de survenir constitue un fait rare en Belgique.

Après l’annonce de la mise sous protection renforcée de Vincent Van Quickenborne (Open VLD), le 24 septembre, les esprits se sont toutefois souvenus d’une autre affaire d’enlèvement, aboutie celle-là, qui avait marqué le pays. Trois initiales suffisent à l’identifier: VDB. Ancien Premier ministre, Paul Vanden Boeynants avait été séquestré un mois durant, au Touquet, dans le nord de la France, début 1989. Malgré les premières suspicions, l’affaire n’avait rien de politique. La bande du célèbre braqueur Patrick Haemers était à la manœuvre. Elle avait finalement libéré l’homme politique contre une rançon de 63 millions de francs belges.

Une autre affaire d’enlèvement d’un homme politique était survenue en 1984. Guy Cudell, bourgmestre de Saint-Josse, avait été enlevé par l’un de ses administrés, mais était parvenu à se libérer par ses propres moyens deux jours plus tard. Le ravisseur avait déclaré durant le procès que Guy Cudell était de mèche. Cette thèse n’avait pas été retenue par la justice.

La famille de Melchior Wathelet, en 1994, avait, elle, été placée sous sécurité renforcée dans le contexte de menaces également liées à la bande Haemers. Dans un autre registre de violence, des hommes politiques furent victimes d’homicides. On songe à l’assassinat du communiste Julien Lahaut, en 1950, à Seraing, à celui d’ André Cools, en 1991, à Cointe (Liège), ou à celui du bourgmestre de Mouscron, Alfred Gadenne, en 2017.

Intimidation à grande échelle

La tentative d’enlèvement d’un ministre pour des raisons a priori liées au milieu de la drogue est, elle, inédite en Belgique. «On ne sait pas encore grand-chose sur le fond de l’histoire», tempère Michaël Dantinne, criminologue à l’ULiège, si ce n’est qu’elle donne probablement la mesure des moyens que les réseaux criminels sont disposés à mettre en œuvre. Mais à quelles fins? «Je ne veux présumer de rien, mais il est possible qu’on n’obtienne jamais de réponse précise à plusieurs questions: qui a décidé quoi exactement? Quelles étaient les motivations?» La nature même des réseaux, leur système à étages et le silence qui y règne risquent de rendre difficile l’accès à certaines réponses.

L’hypothèse la plus probable est peut-être l’envoi d’un message à tout le monde: “Voyez de quoi nous sommes capables”.

Pour le criminologue, l’affaire ne s’apparente toutefois pas à de la simple intimidation. «Si vous voulez intimider, vous envoyez une lettre ou un colis. Ici, c’est une tentative d’enlèvement qui a échoué.»

Quant à savoir ce que les responsables de cette tentative cherchaient à obtenir, «on ne peut formuler que des hypothèses. Un kidnapping contre rançon ne tient pas la route, tant les moyens des réseaux sont énormes. S’agissait-il d’exiger une libération? Mais de qui? Ou la non-extradition d’individus?» Penser que la Belgique pourrait revenir sur un traité d’extradition signé fin 2021 (par Van Quickenborne) avec les Emirats arabes unis semble un peu gros.

«L’hypothèse la plus probable est peut-être l’envoi d’un message à tout le monde: “Voyez de quoi nous sommes capables”.» C’est de l’intimidation, toujours, mais à plus grande échelle.

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