1er Mai
Les actions de contestation contre les mesures du gouvernement Arizona ne semblent pas baisser en intensité, à l’image des actions du 29 avril. © BELGA

Colère sociale: 5 raisons pour lesquelles ce 1er Mai est particulièrement chaud

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Le 1er Mai se déroule cette année dans un climat social particulièrement tendu. En Belgique, on n’avait probablement plus connu de telles crispations sociales depuis belle lurette, lors de la Fête du Travail. Voici cinq explications du phénomène.

Ce 1er Mai, c’est la Fête du Travail. Comme à l’accoutumée, le peuple de gauche se réunit en divers endroit du pays pour réaffirmer ses fondamentaux et dénoncer les attaques du camp d’en face. C’est une spécificité bien de chez nous: dans le camp d’en face, justement, le MR –et le PRL avant lui– a pour habitude de célébrer cette journée lui aussi, depuis une quarantaine d’années. Chacun, à l’occasion de ce rendez-vous politique et syndical printanier, rappelle à ses ouailles à quel point il est le véritable défenseur des valeurs du travail.

En ce 1er mai 2025, cependant, l’atmosphère se révèle particulièrement électrique. Du moins, la contestation sociale semble plus que jamais gronder. Les crispations sont-elles plus intenses que lors des Fêtes du Travail de l’histoire récente? Tout semble l’indiquer. Du moins, il existe ou moins cinq raisons de le penser.

1. Parce que (presque) toute la gauche est dans l’opposition

La configuration politique issue des élections régionales et fédérales de juin 2024 accentue l’impression que deux grands camps s’affrontent sur le champ de bataille social. C’est un peu moins vrai en Flandre, certes, parce que Vooruit participe au pouvoir au niveau régional et au fédéral. Ce n’est pas tout à fait le cas en Région bruxelloise, sans doute, parce qu’on n’y a pas encore vu de gouvernement se former et que les formations de gauche y ont perdu moins de plumes qu’en Wallonie, assurément.

La configuration «gauche contre droite» est par contre plus tangible en Wallonie et dans l’espace francophone global. Là, des gouvernements azur (MR et Les Engagés) gouvernent et sont les seuls à être «montés» au sein de la majorité fédérale. Les ennemis de la gauche, qu’elle soit syndicale ou politique d’ailleurs, sont plus aisément identifiables.

«Je nuancerais un tout petit peu les choses, parce que ces dernières années, le 1er Mai a souvent eu lieu juste avant les élections, ce qui en a fait un moment important en termes de discours et de démonstrations diverses», précise Jean Faniel, directeur du Crisp et spécialisé dans le mouvement social. Ce fut le cas lors de chaque scrutin législatif depuis trente ans, d’ailleurs.

2. Parce que la contestation ne faiblit pas

Voilà sans doute l’élément qui alimente le plus le climat très revendicatif de ce 1er Mai. Le printemps n’est pas traditionnellement une période de grande contestation sociale. Même après l’avènement de la Suédoise –le gouvernement Michel– au fédéral, la gronde qui avait rythmé l’automne et l’hiver ne s’était pas particulièrement poursuivie jusqu’au printemps. La FGTB était le seul des trois syndicats à avoir rejeté l’accord interprofessionnel, en mars 2015. S’en était suivie une forme d’essoufflement de la contestation syndicale.

Cette fois, c’est une autre histoire. Les majorités azur se sont formées durant l’été 2024, mais l’Arizona, elle, est encore aussi récente que les braises sont incandescentes.

Mardi 29 avril encore, des milliers de personnes ont participé aux actions décentralisées menées à l’initiative de la FGTB et de la CSC. Les transports en commun ont été fortement touchés, de même que les aéroports de Charleroi et de Zaventem. Le port d’Anvers était lui-même bloqué, signe que le mécontentement s’est exprimé un peu partout.

3. Parce que beaucoup de monde est fâché

Que les syndicats et les partis d’opposition soient virulents vis-à-vis d’un gouvernement ancré à droite n’est guère surprenant. Mais l’insatisfaction face à la politique menée par le gouvernement De Wever, en l’occurrence, s’est exprimée ces dernières semaines dans des cercles plus élargis. Il ne s’agit pas que des grèves successives sur le rail, pour citer un exemple marquant. Le monde de la justice, à travers la magistrature et les avocats (pro deo), a lui aussi montré des signes d’irritation. C’est aussi le cas de certaines universités, sans oublier les militaires ou encore les représentants des pouvoirs locaux.

4. Parce que c’est bien de travail qu’on parle

Comment donner du grain à moudre aux forces politiques et syndicales au cœur de la Fête du Travail? En prenant une kyrielle de mesures portant sur le travail, précisément.

Pour le formuler autrement, disons que l’essentiel des mesures ayant récemment suscité de l’émoi portent sur des matières purement socio-économiques: le marché du travail, les retraites, les carrières, les allocations de chômage, la fiscalité sur les épaules les plus larges, la flexibilité, la compétitivité, etc.

Ces thématiques permettent à tout un chacun de déployer ses discours et sa vision du monde, sur la valeur du travail, qu’il s’agisse du PS, du PTB, de la FGTB et même du MR, qui réunit ses troupes à Charleroi.

5. Parce que la gauche doit se reconstruire

Rien de tel qu’un 1er Mai pour se refaire une santé politique. Et le meilleur moyen d’y parvenir est sans doute de durcir le ton.

Les partis de gauche n’ont pas particulièrement brillé lors des dernières élections législatives. Ecolo, en début de refondation, est un peu moins concerné que les autres par la Fête du Travail.

Le PTB, lui, n’est pas très saillant depuis la formation de l’Arizona et des coalitions azur, les socialistes semblant occuper plus ostensiblement le terrain de l’opposition aux majorités de droite. La formation de Raoul Hedebouw peut profiter du 1er Mai pour impulser une nouvelle dynamique. Se replacer au centre du jeu, en quelque sorte (mais certainement pas au centre de l’échiquier politique). Au nord du pays, le PVDA aura même tout le loisir de cibler Vooruit, comme le PTB le fit allègrement vis-à-vis du PS sous la précédente législature.

Le PS, lui, doit tenir un équilibre un peu délicat, vis-à-vis de son parti frère au nord du pays, justement. La cible, c’est le MR et Les Engagés, assurément. Les socialistes, aux aussi en cours de refondation depuis peu, ne peuvent que miser sur ce type de rassemblements pour jauger s’il dispose encore d’une importante force de frappe.

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