Gérald Papy

Réapprendre le vivre ensemble

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le débat sur le vivre ensemble est trop important pour le confier aux hommes politiques en campagne électorale. Tel pourrait être l’enseignement de la séquence politique vécue ces derniers jours en Fédération Wallonie-Bruxelles après les incidents emblématiques de Molenbeek.

Trop de propos dépourvus de nuances, trop de généralisations sources de stigmatisations, trop de sorties opportunistes et irrespectueuses du travail de terrain… Arrêtons-là les dégâts. S’il est excessif de décréter que « l’intégration a échoué » et que rien n’a été fait ces dernières années dans ce domaine (rappelons-nous les émeutes à répétition dans les communes bruxelloises pendant les années 1990), il est tout aussi faux d’estimer que la situation n’est pas préoccupante à plusieurs titres (la ghettoïsation, par exemple, de certains quartiers de la capitale où prévaut le repli communautariste). Une campagne électorale est pourtant un moment propice pour défendre idées et programmes. Et le vivre ensemble, avec comme corollaires l’accueil, l’inclusion, l’intégration des communautés étrangères, constitue – et constituera – un pan fondamental de la politique de la ville. Oui au débat, donc, mais pas dans un emballement irrationnel qui privilégie les anathèmes sur la réflexion sereine.

Le rapprochement des points de vue sur le « parcours d’intégration » démontre du reste que la question ne justifie plus les surenchères verbales. Quel chemin parcouru depuis l’époque, pas si lointaine, où la gauche se berçait d’angélisme et où la droite péchait par dirigisme… Le contexte est – enfin – mûr pour la prise de décision. Plus personne ne s’oppose au principe de ce soutien à l’intégration, surtout profitable in fine au primo-arrivant. Il reste à en définir les modalités : obligatoire ou non, assorti ou non de sanctions…

Un consensus se dégage aussi sur la nécessité de mieux lutter contre les discours antidémocratiques dont, dans le registre de l’extrémisme musulman, Sharia4Belgium s’est fait le chantre. Les divergences ne sont plus ici idéologiques mais stratégiques. Les législations existantes, punissant l’incitation à la haine et à la violence ou la discrimination, suffisent-elles à combattre ce type d’organisations ? Faut-il promouvoir leur interdiction au risque de les pousser vers la clandestinité et de compliquer leur surveillance ? Aux politiques, éclairés par les experts, de se prononcer.

Ce n’est cependant pas sur les seuls fronts du « parcours d’intégration » et de la lutte contre les extrémistes que se gagnera la bataille de l’intégration. D’autres progrès doivent être réalisés dans le combat contre la discrimination à l’embauche et au logement comme dans l’apprentissage et le respect des valeurs démocratiques. Est-il dès lors déraisonnable d’imaginer que les partis francophones taisent un temps leurs querelles politiciennes et se réunissent autour d’une table, entre deux élections, pour bâtir une politique globale de cohésion sociale ? On peut toujours rêver. C’est pourtant un des défis majeurs de la Belgique de demain.

GÉRALD PAPY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire