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Pourquoi N-VA et PS veulent écarter les libéraux (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Les écologistes sont invités à la table mardi. La position du MR et de l’Open VLD agace. Mais nationalistes et socialistes n’arriveront peut-être pas à leurs fins…

La N-VA et le PS vont-ils rendre la monnaie de leur pièce aux libéraux, en cette semaine cruciale pour la formation d’un gouvernement fédéral majoritaire de plein exercice? La vengeance étant un plat qui se mange froid, le PS a l’occasion de rejeter le MR dans l’opposition après la surprise de la suédoise en 2014. La N-VA, elle, goûterait une forme de revanche après la crise politique de fin 2018 sur la question migratoire et la perception d’une sorte d’arrogance libérale au pouvoir depuis un an et demi.

Depuis la sortie de Bart De Wever affirmant que « plus personne ne veut du MR », en fin de semaine dernière, les indices se multiplient sur la volonté des nationalistes flamands et des socialistes francophones de tenter une formule sans les bleus. Mais si la N-VA veut constituer un « front flamand » avec l’Open VLD en excluant le MR, le PS est moins chaud à cette idée et verrait d’un meilleur oeil l’exclusion d’un Open VLD trop droitier. Précision importante: jusqu’ici, MR et Open VLD lient quant à eux leur sort, ensemble dedans ou ensemble dehors.

En attendant, les écologistes sont conviés pour une rencontre avec les missionnaires De Wever et Magnette, mardi. Et Maxime Prévot, président du CDH, en rajoute une couche en affirmant au Soir ce lundi matin : « nous sommes plusieurs à ne plus comprendre l’attitude du MR ».

Pourtant, il ne s’agit peut-être que d’un nouvel effet de manche dans ce jeu de poker qui s’éternise depuis les élections de mai 2019. Rien ne dit, en effet, que les écologistes accepteront d’entrer en pré-négociation avec la N-VA. Des sources Ecolo rappellent que les coprésidents ont reçu un mandat de leur base pour tous les cas de figure, sauf celui d’une discussion avec les nationalistes. Depuis le scrutin, les écologistes francophones ne cessent de rappeler leur rejet d’un parti qui ne propose pas un projet positif pour la Belgique. La feuille de route De Wever – Magnette contient d’ailleurs des éléments communautaires qui ne devraient pas être de nature à séduire le couple Ecolo – Groen.

Alors, est-ce un moyen détourné pour faire monter la pression sur les libéraux et tenter de les amener à la table de négociation avec des exigences revues à la baisse? Ou quelque chose a-t-il réellement changé au Royaume de Belgique?

La position des libéraux, singulièrement du MR, agace le nouveau couple N-VA – PS, à plusieurs titres. Le positionnement pro-belgicain surjoué de Georges-Louis Bouchez, depuis une mémorable interview à Wilfried, exaspère la N-VA, tout comme la volonté commune au MR et à l’Open VLD de plaider en faveur de la refédéralisation de certaines compétences majeures. En cette période de crise socio-économique sans précédent, le plaidoyer libéral en faveur d’une certaine rigueur budgétaire, avec notamment le souhait d’une norme de croissance réduite des soins de santé ou le refus de nouvelles taxations (du capital), indispose fortement le PS. Pour ne pas parler d’éléments plus « psychologiques » comme la communication frénétique des deux présidents libéraux, Georges-Louis Bouchez et Egbert Lachaert, sur les réseaux sociaux ou les fuites dont ils auraient été les auteurs.

N-VA et PS auraient donc la volonté de rendre aux libéraux la monnaie de leur pièce de 2014 et de 2018. Il y a six ans, le MR s’était allié avec la N-VA en renvoyant le PS dans l’opposition sur base de deux principes: le communautaire au frigo pour une législature et la priorité au socio-économique. Cette fois, il pourrait être question de renvoyer les libéraux dans l’opposition sur base des deux exacts contre-principes: le communautaire sur la table et un relâchement budgétaire assumé pour faire face à la grave crise que l’on va traverser. Le PS peut s’y retrouver. La N-VA, quant à elle, rumine l’épisode du Pacte des migrations, quand la fermeté du Premier ministre Charles Michel l’avait emmené à quitter le navire fédéral, a fortiori parce que les libéraux disposent depuis d’un levier considérable au fédéral avec le Seize et un grand nombre de ministres.

Une double nuance, très importante. Dans bien des cas de figure, les réformes institutionnelles nécessitent une majorité spéciale des deux tiers – pour ne pas parler d’une déclaration de révision prélable. Un tel engagement susceptible de convaincre la N-VA nécessiterait donc une « large majorité » comme le roi Philippe l’appelle de ses voeux – ou à tout le moins un soutien aux réformes de l’extérieur comme ce fut le cas pour la sixième réforme de l’Etat qui mit fin au grave blocage de 2010-2011… avec le soutien des libéraux et l’appui extérieur des écologistes. Quant au PS, il lui faudrait à tout le moins la garantie de disposer d’une majorité dans le groupe linguistique francophone pour ne pas doublement renier ses engagements préélectoraux : gouverner avec la N-VA ET être minoritaire avec le seul CDH, cela ferait beaucoup de couleuvres à avaler.

Le « club des Cinq » (N-VA, PS, SP.A, CD&V et CDH) a la main pour l’instant. Mais tant les écologistes que les libéraux savent qu’ils gardent des cartes dans la manche avant d’éventuellement se mettre à table.

A moins que l’épisode auquel on assiste ne soit un énième coup de poker sur le chemin d’une nouvelle crise et d’élections anticipées.

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