Pierre Wolper, recteur de l'ULiège. © THIERRY ROGE/belgaimage

Pour le recteur de l’ULiège, « l’allongement des études n’est pas souhaitable »

Julie Luong

Recteur de l’ULiège depuis octobre 2018, Pierre Wolper adresse comme nombre de responsables universitaires un certain nombre de critiques au décret Paysage. Mais il l’assure : la liberté académique, elle, reste intacte.

Quelles sont les principales difficultés posées par le décret Paysage ?

D’abord et assez largement, des problèmes d’organisation. Il devient parfois impossible d’établir des horaires qui permettent aux étudiants de suivre l’ensemble des cours à leur programme. La deuxième difficulté, c’est la façon dont les étudiants perçoivent leurs progrès pendant leurs études. Il n’est pas rare de voir des étudiants qui accumulent des crédits à un rythme trop lent jusqu’à devenir parfois non finançables. Ce sont souvent des étudiants qui auraient mieux fait de se réorienter plus vite mais pour qui le signal n’est pas apparu de manière suffisamment claire. Précédemment, on pouvait doubler une année, pas la tripler. Tous les étudiants comprenaient cette règle. Aujourd’hui, on considère que si on accumule moins de 30 crédits en moyenne par an, c’est trop lent. Cela veut plus ou moins dire la même chose, mais le signal n’est pas donné avec la même force… Enfin, l’allongement des études, qui semble se confirmer et qui n’est pas souhaitable, ni du point de vue de l’argent public ni du point de vue de l’individu.

Pour certains, le décret Paysage refléterait aussi la mainmise du pouvoir politique sur le monde universitaire et menacerait in fine la liberté académique.

Je pense qu’heureusement, on a encore une liberté dans les universités. Si je veux enseigner une théorie innovante, à l’université, je peux le faire. Or, on sait que la science progresse souvent par des ruptures, des idées qui ne vont pas dans le sens des idées reçues, ce qui ne signifie pas enseigner n’importe quoi n’importe comment. Prenons l’exemple du réchauffement climatique : on a certaines connaissances, des modèles qui font certaines prédictions, mais les choses peuvent aussi être pires ou moins dramatiques que les prédictions de ces modèles : il faut qu’on puisse communiquer là-dessus et garder à l’esprit que les vérités scientifiques d’une époque ne sont pas celles d’une autre. De ce point de vue, la liberté académique me semble préservée, de même que la spécificité de l’université qui est d’avoir des enseignants qui sont aussi des chercheurs. Quant à savoir si le politique a de plus en plus d’influence sur les universités… c’est à la fois vrai et pas vrai. Si on remonte dans l’histoire, l’influence politique était plus grande. L’époque où il fallait des connexions politiques pour être prof d’unif n’est plus la nôtre. Mais du point de vue de notre organisation, les décrets sont contraignants et ce carcan ne nous permet pas de toujours fonctionner comme on le souhaiterait.

Le décret Paysage va-t-il dans le sens d’une démocratisation de l’enseignement supérieur ?

Ce qui permet une démocratisation efficace n’est pas toujours ce qu’on imagine. D’abord, c’est quoi la démocratisation ? Pour moi, c’est permettre à chacun d’aller au bout de ses capacités, indépendamment de son milieu d’origine : c’est essentiel et cela fait partie des choses que je défends. Mais la démocratisation, ça commence tôt ! Et là, je suis un peu critique par rapport à notre enseignement primaire et secondaire dans lequel les enseignants sont difficiles à recruter au point que certains cours ne se donnent pas. Dès ce stade, ceux qui n’ont pas de support à domicile, que ce soit de la part des parents ou par l’intermédiaire de cours particuliers, sont défavorisés et c’est difficile d’ensuite y remédier. Quant aux systèmes de sélection, ils ont leurs défauts, mais il est nécessaire de faire au moins des tests d’orientation. Au filtrage à l’entrée, je préfère un système qui permette de faire un bilan, de dire dès le début à quelqu’un qu’il doit prendre des cours de rattrapage. Mais laisser venir tout le monde dans des filières où 80 % des élèves se cassent la figure, cela n’a pas de sens.

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