MR tensions
Georges-Louis Bouchez a fait l’objet de nouvelles critiques, ce week-end, dans des groupes de discussion internes au MR. © BELGA/BELPRESS

Une carte blanche fait polémique en interne au MR: «Le président donne une ligne qui n’est pas le point médian»

Sylvain Anciaux

Une carte blanche publiée sur le site du Vif a provoqué des échanges tendus et suscité de la frustration en interne. La politologue Caroline Close donne quelques éléments de compréhension de la stratégie Bouchez.

Il n’y a pas eu de conseil de parti, ce lundi matin, au MR, après un week-end où le parti libéral s’est révélé en mauvaise posture dans les sondages, tout comme son président. Ce n’est toutefois pas la seule raison: la journée de vendredi avait déjà été marquée par de nouveaux débats au sein du parti. Corentin De Salle, conseiller à la présidence, avait rédigé une carte blanche suite aux événements survenus en marge de l’hommage à Jean Gol portant sur la violence politique. Ce texte, paru sur le site du Vif, n’a pas bénéficié d’un accueil unanime de la part des mandataires MR auxquels il avait été demandé de signer. Un membre a même refusé de parapher, ce qui a fait désordre parmi les signatures. Plusieurs sources rapportent au Vif qu’il s’agit de Michel De Maegd, mais d’autres élus ont également fait preuve de leurs réticences, tant sur la forme que sur le fond.

Prévenus à 12h30, les parlementaires MR de tout le pays ont eu très peu de temps pour se positionner, mais ils l’ont fait. Certains ont dénoncé la polarisation induite par le texte, jugé violent, voire haineux, simpliste et enclin à «jouer le jeu» des antifas. La différence entre une version antérieure (obtenue par Le Vif) et celle finalement publiée ne porte pourtant que sur quelques lignes. Ont toutefois été supprimées les références à «la rectrice de Liège», aux accusations de racisme émanant «d’associations islamistes», ainsi qu’à Dom Hélder Câmara, évêque brésilien.

Il apparaît que c’est le président du parti, Georges-Louis Bouchez, qui a (in)validé les propos de ses collègues. «Des critiques peuvent toujours être faites, admet l’auteur de la carte blanche, Corentin De Salle. Mais cette lettre a été soumise à chaque chef de groupe parlementaire. Dans un document amendé, chacun ne peut pas y retrouver toutes ses sensibilités. (…) Il faut parfois se méfier de l’effet du plus petit dénominateur commun. C’est normal et sain qu’il y ait des désaccords en interne.» A noter, de manière cocasse, la disparition de la mention au «caractère fougueux» du Montois.

«Pendant ce temps, on ne parle pas des 500 euros en plus»

Pourquoi, dès lors, ne pas avoir pris en compte les remarques venues des bancs parlementaires? Pourquoi avoir maintenu la phrase «c’est vraiment n’importe quoi» pourtant décriée par plusieurs d’entre eux? «Dans l’histoire du MR, les sensibilités individuelles ont toujours bénéficié d’un espace d’expression plus large que dans les autres partis. Le MR a historiquement misé sur une primauté de l’individu, observe la politologue de l’ULB, Caroline Close, qui s’est penchée sur la cohésion interne des partis. Ici, cela donne de plus en plus l’impression d’un président qui adopte une ligne éloignée du point médian du parti.»

«C’est la continuité de sa campagne qui attaquait les 50 nuances de gauche, ensuite il y a eu les attaques contre les syndicats, les associations militantes, et désormais ce sont les antifas.»

Parmi les remarques sur cette carte blanche, l’une indiquait qu’il pourrait être judicieux d’inviter les autres partis démocratiques à signer cette lettre, par exemple. Cela aurait contraint chacun à se positionner et permis de dissiper le malaise. «Ce n’est pas l’intérêt de Georges-Louis Bouchez, estime Caroline Close. Il veut surtout donner sens au discours qu’il impose depuis plusieurs années.» Pour le président du MR, ce n’est qu’une étape supplémentaire dans sa guerre culturelle. La politologue rejette, comme d’autres membres du MR d’ailleurs, l’idée d’une carte blanche nuancée. «C’est la continuité de sa campagne qui attaquait les 50 nuances de gauche, ensuite il y a eu les attaques contre les syndicats, les associations militantes, et désormais ce sont les antifas.»

Selon elle, l’intérêt du président du MR réside surtout dans l’occupation constante de l’espace médiatique. «Et qu’un média relaie qu’une carte blanche du parti provoque des dissensions internes, c’est tout bénéfice! Pendant ce temps, on ne parle pas de politique publique, ou l’on dévie l’intérêt des électeurs du MR à qui il avait promis 500 euros de plus.» Selon Caroline Close, si les opposants internes à Georges-Louis Bouchez voulaient réellement infléchir la ligne, ils gagneraient à s’unir. «Mais pour l’instant, aucun projet du MR n’a été mis en péril par les dissensions internes.»

Et cette occupation du terrain médiatique, résume Caroline Close, fait partie de la stratégie du parti. A titre de comparaison, le président des Engagés, Yvan Verougstraete (et Maxime Prévot avant lui), est moins appelé que son homologue libéral pour s’exprimer sur les débats quotidiens. «Cette personnification du pouvoir correspond davantage à certaines idéologies. Le discours de Georges-Louis Bouchez présente des éléments objectifs que l’on retrouve chez des leaders de la droite radicale. (…) Ce n’est pas un jugement péjoratif, mais un constat: comparé à d’autres formations au plan politique européen, le MR apparaît désormais moins comme un parti libéral que comme un parti conservateur.»

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