« En organisant correctement le territoire, aucun grand projet ne doit échapper à la Wallonie »

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

L’UWE plaide pour un pilotage régional des terrains à vocation économique les plus stratégiques depuis plusieurs années. Entretien avec Samuel Saelens, directeur Pôle Compétences à l’Union wallonne des entreprises.

Le manque de grands terrains est-il à ce point criant en Wallonie?

Dire que l’on ne peut plus s’installer en Wallonie, ce serait mentir. Mais il y a effectivement un problème de disponibilité pour des grands terrains, et parfois dotés de caractéristiques spécifiques. Dans le cas de Futerro, il fallait notamment une connexion à la voie d’eau. Bien sûr, il y a moins de projets pour ce genre de superficies. On doit toutefois pouvoir disposer d’une réserve stratégique pour éviter que tout grand projet aille voir ailleurs.

Compte tenu de leur rareté, la Wallonie doit-elle mieux filtrer en amont l’affectation ou la vente de terrains qui auraient pu accueillir de telles entreprises, moyennant une meilleure planification?

La question à se poser est effectivement de savoir si on doit ou non accueillir tout type d’activité dans certains terrains. Aujourd’hui encore, des parcs d’activité économique accueillent des entreprises ou des services compatibles avec la résidence. Or, les tensions sur le bon usage du territoire sont telles qu’il faut réserver ces zones à des entreprises qui ont besoin d’espace, beaucoup de charroi, des nuisances plus importantes…

Vu la pression sur son territoire, la Wallonie ne doit-elle pas miser sur d’autres atouts économiques consommant moins de foncier, quitte à ce que certains grands projets industriels lui échappent?

Je pense que toute perte, comme celle de Futerro, est grave pour la Wallonie. D’autant que l’acteur est wallon, qu’il a fait tout son processus de recherche chez nous. C’est le cas typique d’une entreprise pour laquelle on aurait dû pouvoir trouver un terrain. Notre territoire permet d’accueillir un grand nombre de secteurs. Pas à n’importe quel prix, bien entendu. Mais, en organisant correctement notre territoire et avec les potentiels offerts par les friches, aucun de ces projets ne doit nous échapper. On pourra alors avoir des centres de recherche à haute valeur ajoutée et, à d’autres endroits, des activités à moins haute densité d’emplois, mais tout aussi indispensables pour notre tissu industriel.

En organisant correctement notre territoire, aucun grand projet ne doit nous échapper.

Samuel Saelens

Faut-il réajuster la structure décisionnelle en Wallonie, afin de reconstituer une réserve stratégique de grands terrains et de décider plus efficacement de leur affectation potentielle?

Comme nous le défendons depuis plus de quinze ans, nous sommes tout à fait favorables à ce qu’un ensemble de terrains stratégiques, occupés voire potentiels, soient pilotés au niveau régional. On parle de grands parcs scientifiques, de zones à proximité des aéroports… Bref, de tous ces endroits dont l’enjeu dépasse clairement le périmètre de l’intercommunale. Le pilotage régional de ces zones doit notamment permettre d’éviter leur morcellement et de temporiser si besoin.

Quel phénomène explique l’inertie de ces dernières années par rapport à la constitution de cette réserve stratégique?

La structuration de la gouvernance reste encore relativement morcelée. Chaque acteur, de manière légitime, essaie d’accueillir des investisseurs, de vendre des terrains. Il manque donc cette approche régionale, que le projet de Schéma de développement du territoire essaie de rectifier. Mais rien ne nous empêchait de le faire avant. Les friches, par exemple, constituent une partie de la réponse à cette réserve stratégique. Cela suppose de mettre des gens de bonne volonté autour de la table, de se projeter sur le long terme, de bloquer des zones… On peut faire cela dans le cadre du SDT, mais on pouvait aussi le faire sans.

D’après le cadastre des sites à réaménager, qui existe depuis quelques années, la majorité des friches wallonnes sont de petite ou de moyenne dimension. Le potentiel réel semble donc limité.

Il est vrai qu’hormis quelques grandes friches, notamment près de Liège et de Charleroi, il existe beaucoup de petits terrains parmi les 3 700 hectares de ce cadastre. D’où l’intérêt d’y faire revenir du logement, du bureau, du commerce, pour libérer les grands terrains bien placés. Or, aujourd’hui, on constate que même les terrains d’une certaine dimension, anciennement industriels et bien placés par rapport aux infrastructures, vont vers la résidence pour des raisons de récupération de coûts liés à la réhabilitation. C’est une dynamique que l’on devra corriger dans le cadre de la fin de l’artificialisation et de la nécessaire réindustrialisation de notre territoire.

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