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Réforme fiscale: « Je ne suis pas sûr que les petits revenus sortiront gagnants »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Vincent Van Peteghem (CD&V), ministre des Finances, dévoile la sauce fiscale à laquelle il souhaite soumettre le contribuable belge. Tout reste à faire, à commencer par convaincre le gouvernement fédéral à suivre son cap. L’économiste Philippe Defeyt salue l’audace de certaines mesures fiscales mais se demande si les petits revenus et les allocataires sociaux en sortiront gagnants.  

La  » vaste réforme fiscale  » est avancée. Du moins à l’état d’épure, dans l’attente de passer le grand oral au gouvernement fédéral (PS – Vooruit – CD&V – MR – Open VLD – Ecolo – Groen), sans aucune garantie d’en sortir indemne. Vincent Van Peteghem (CD&V), ministre des Finances, a en tout cas tracé le cap : 10 milliards d’euros sont mis en jeu pour que davantage de revenus nets finissent dans la poche des contribuables à la fin de chaque mois. L’intention est louable et saluée comme telle par Philippe Defeyt, un économiste agréablement surpris par le fond comme sur la forme.  » Ce projet de réforme est globalement très positif, il est cohérent, audacieux, il va beaucoup plus loin que ce à quoi on pouvait s’attendre. C’est surprenant mais dans le bon sens du terme « .

C’est un pas franchi dans la bonne direction, vers un retour à « des rémunérations exprimées en euros et qui intègrent les rémunérations alternatives. Il est grand temps que le travailleur cesse d’être infantilisé à coup d’avantages extralégaux et qu’il soit traité en adulte. Qu’il dispose d’un pouvoir d’achat qu’il puisse affecter comme il l’entend « , insiste Philippe Defeyt qui apprécie l’effort accompli par le ministre Van Peteghem. Une mesure en particulier séduit l’économiste :  » Outre le rééquilibrage entre la fiscalité sur le travail et sur les autres revenus, le fait de mettre tous les revenus de la propriété sur le même pied d’égalité fiscale « .

Les avantages extralégaux, ces rémunérations déguisées qui fâchent, sont malmenés puisque l’usage des écochèques, des chèques-culture et des chèques-sport, taxés comme des salaires, serait de facto découragé,  » mais l’essentiel est préservé, ce n’est que la partie supérieure de l’iceberg qui est touchée ». Voitures de société et chèques-repas sont maintenus,  » une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles  » justifie le ministre des Finances. Un bémol tout de même à ce sauvetage puisqu’il est proposé d’isoler les kilomètres parcourus à titre privé avec les voitures de société via la carte d’essence découplée au véhicule, et de taxer ces déplacements privés.  » L’application du dispositif risque d’être compliquée « , admet Philippe Defeyt.

Et l’économiste de s’interroger :  » Il n’est pas sûr que le petit contribuable sortira gagnant, faute d’utiliser le levier du crédit d’impôt. Qu’est-il réellement prévu pour les petits revenus, les allocataires sociaux ?  » Il y a certes le relèvement de la quotité exemptée d’impôt, la partie du revenu non imposée, de 9.270 à 13.390 euros  » mais ce relèvement ne profitera qu’à celles et ceux qui paient des impôts. Pour de nombreux petits revenus, cette mesure ne changera donc rien. Et toujours rien non plus sur l’ ajustement du précompte payé par les bénéficiaires des allocations sociales ». 

C’est en somme le grand regret exprimé par Philipe Defeyt, « cette absence d’articulation entre la réforme de la fiscalité et les réformes nécessaires en matière sociale, à commencer par celle des pensions. Il subsiste encore des  zones de frictions entre les dimensions sociale et fiscale des défis, les ponts ne sont toujours pas jetés entre les différents enjeux ». Difficile d’en faire grief au ministre des Finances qui a travaillé sa partition dans son périmètre.  

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