Vos données fiscales déjà entre les mains de l’intelligence artificielle ?

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Pour lutter contre la fraude fiscale, le SPF Finances utiliserait l’intelligence artificielle. Vos données sont-elles concernées? Tentative de réponse.

Chez nos voisins néerlandais, l’utilisation de l’intelligence artificielle pour traiter les données fiscales avait fait scandale en 2021. Le gouvernement de Mark Rutte avait utilisé l’IA pour demander à 30.000 ménages issus de l’immigration et accusés de fraude de rembourser des allocations familiales. Il s’est avéré que ces familles ont été accusées à tort. « C’est l’une des dérives de l’intelligence artificielle, indique Edoardo Traversa, professeur de droit fiscal à l’UCLouvain. L’IA pose de nombreuses questions par rapport aux données, dont ici au niveau de l’éthique avec un profilage des familles issues de l’immigration ».

Et en Belgique, l’administration fiscale utilise-t-elle l’intelligence artificielle pour traiter certaines données? « On ne le dit pas assez, mais le SPF Finances utilise déjà l’intelligence artificielle pour lutter contre la fraude fiscale, confie le fiscaliste. À l’avenir, l’IA pourrait servir à brasser les données pour dresser le profil des contribuables, et ainsi être mieux armé face à la fraude. Mais attention aux dérives du Big Data, comme on l’a vu aux Pays-Bas. Il faut toujours une validation humaine dans ce genre de processus ».

L’intelligence artificielle pas encore utilisée pour le contrôle des données fiscales

Michel Claise, juge d’instruction bruxellois

Michel Claise, juge d’instruction bruxellois qui a instruit l’affaire du Qatargate, est souvent en contact avec l’administration fiscale pour son travail. Et il n’est pas du même avis qu’Edoardo Traversa. « Allez demander aux fonctionnaires du SPF Finances s’ils utilisent l’intelligence artificielle, ils vous riront au nez. L’administration fiscale est dans un piteux état. Tout comme la justice, j’en suis bien conscient. Nous manquons tous deux cruellement de moyens ».

« Chat GPT n’est pas encore utilisé dans les contrôles fiscaux »

SPF Finances

Contacté, le SPF Finances précise que « les administrations fiscales appliquent des techniques avancées d’analyse des données dans le cadre de la gestion des risques« . Et laisse plusieurs zones d’ombre : « Des croisements de données de grande envergure et des techniques d’exploration de données sont également mis en œuvre dans le cadre de ce processus ». Par contre, le service public assure que des intelligences artificielles génératives comme Chat GPT ne sont pas encore utilisées dans les contrôles fiscaux.

Une situation qui pourrait évoluer. Le 7 juillet dernier, le Conseil des ministres a approuvé le projet de création d’un comité consultatif d’éthique sur les données et l’intelligence artificielle. Les objectifs de ce comité ? Responsabiliser les fonctionnaires dans leur utilisation des données et de l’intelligence artificielle, les sensibiliser aux questions éthiques qui y sont liées et montrer aux citoyens que le gouvernement « traite la technologie numérique de manière éthique et innovante ».

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