Le Premier ministre Bart De Wever, accompagné de huit autres chefs de gouvernement européens, a cosigné une lettre appelant à une révision de l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de politique migratoire. Cette initiative suscite une vive réaction du Parti socialiste (PS), qui y voit une remise en cause des fondements de l’Etat de droit.
Le 22 mai 2025, une lettre signée par Bart De Wever (Belgique), Mette Frederiksen (Danemark), Giorgia Meloni (Italie), Christian Stocker (Autriche), Petr Fiala (République tchèque), Kristen Michal (Estonie), Erika Silina (Lettonie), Gitanas Nauseda (Lituanie) et Donald Tusk (Pologne) a été rendue publique. Ce document appelle à une discussion sur la manière dont la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) est interprétée, notamment en ce qui concerne l’expulsion de migrants ayant commis des crimes graves.
Les signataires estiment que l’interprétation actuelle de la CEDH «limite notre capacité à prendre des décisions politiques dans nos propres démocraties», en particulier face à «une minorité de migrants» impliqués dans des activités criminelles. Ils plaident pour une plus grande marge de manœuvre des Etats dans la gestion de l’immigration irrégulière et de la criminalité associée.
Bart De Wever a déclaré que cette lettre est «un appel à prendre ce problème au sérieux et à faire enfin preuve de détermination. Notre pays ne connaît que trop bien ce problème de l’immigration irrégulière». Il affirme avoir cosigné le texte après consultation du gouvernement.
Le PS et Groen dénoncent une attaque contre l’Etat de droit
Le PS a vivement réagi à cette initiative, la qualifiant d’«attaque inédite» contre la CEDH. Pierre-Yves Dermagne, chef de groupe PS à la Chambre, a déclaré que cette lettre «place la Belgique en dehors de son rôle historique de défense des droits humains. La CEDH est un phare, un repère essentiel à l’heure où l’extrême droite remet en question les fondements de notre démocratie».
Le député écologiste Staf Aerts (Groen) a également exprimé son inquiétude, affirmant que «la Convention européenne des droits de l’homme nous protège tous contre les abus de pouvoir» et que «quiconque touche à cela touche aux fondements de notre Etat de droit.» Il critique l’association de Bart De Wever avec des dirigeants d’extrême droite tels que Giorgia Meloni.
Le PS prévoit d’interroger le Premier ministre en séance plénière mercredi prochain, notamment pour savoir si cette lettre a été partagée avec l’ensemble du gouvernement avant d’être envoyée.
Un pilier de la démocratie européenne en danger
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), établie en 1959, veille au respect de la Convention européenne des droits de l’homme, adoptée en 1950. Cette institution garantit les droits fondamentaux des citoyens des Etats membres du Conseil de l’Europe.
Dans ses travaux, Olivier De Schutter, juriste et professeur de droit international à l’UCLouvain, qualifie les précédentes tentatives d’atteinte à la CEDH comme «une façon d’affaiblir la protection des droits individuels qui peut ouvrir la voie à des dérives autoritaires». La lettre cosignée par Bart De Wever et d’autres dirigeants européens soulève donc des inquiétudes quant à l’équilibre entre la souveraineté nationale et les engagements internationaux en matière de droits humains.
Les critiques de la lettre estiment que cette initiative pourrait compromettre l’Etat de droit en Europe, en particulier si elle conduit à une réduction des garanties offertes par la CEDH aux individus, notamment les migrants et les minorités.
Une fracture au sein de la majorité fédérale belge?
La cosignature de cette lettre par Bart De Wever met en lumière des tensions au sein de la coalition fédérale. Alors que le Premier ministre affirme avoir consulté le gouvernement, plusieurs partenaires de la majorité expriment leur désaccord.
Maxime Prévot (Les Engagés), ministre des Affaires étrangères , a récemment déclaré que «les droits de l’homme, pour tout le monde, sans distinction, sont primordiaux pour notre gouvernement». Cette position semble en contradiction avec l’initiative de Bart De Wever, suscitant des interrogations sur la cohérence de la politique gouvernementale en matière de droits humains.