© VALENTIN BIANCHI/HANS LUCAS

Nous nous sommes glissés dans la roue de Céline Fremault (Reportage)

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Dernier épisode de la série « partis pris » avec le CDH. Dont le président, Maxime Prévot, n’a pas voulu passer la journée avec nous. Alors le parti nous a envoyé chez sa tête de liste à la Région bruxelloise, l’Uccloise Céline Fremault. Le Vif/L’Express l’a suivie et tout est vrai.

Durant sept semaines, focus sur un parti francophone en lice pour le scrutin du 26 mai prochain. Cette semaine: le CDH.

C’est un grand salon aux murs hauts dans un recoin du goulet Louise, à Ixelles, peint de blanc et rempli d’enfants blonds qui vont toujours par quatre.  » Ce sont les mêmes, mais à des âges différents « , dit-elle au visiteur qui, entré dans son bureau, s’attarderait sur cette omniprésente blondeur quaternaire, encadrée sur la cheminée, sur la commode, sur le bureau, partout, sauf sur la grande table qui est dressée à l’avant du grand salon aux murs hauts. On est un jeudi et chaque jeudi, un peu avant 9 heures, Céline Fremault, ministre bruxelloise du Logement, de la Qualité de vie, de l’Environnement, de l’Energie, de l’Aide aux personnes, et des Personnes handicapées, déjeune avec son chef de cabinet qu’elle tutoie, son responsable des matières de la Cocof, et sa porte-parole qui la vouvoit pour préparer la séance hebdomadaire du gouvernement bruxellois qui se tient dans les minutes qui suivent.

Nous nous sommes glissés dans la roue de Céline Fremault (Reportage)
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Au menu du déjeuner, il y a des fruits, des couques, du jus d’orange et même des céréales mais l’assiette plate de la ministre restera vide, et à celui du gouvernement il n’y a pas grand-chose, à part  » quatre ou cinq points qui posent encore problème « , et dont elle remplit les marges des commentaires suggérés par son chef de cabinet. Mais comme on est déjà en retard et qu’avec les bouchons on sait toujours quand on part mais jamais vraiment quand on arrive, elle se fait mettre ses dossiers dans une caisse et monte dans la BMW hybride qui doit la déposer à quelques centaines de mètres de là, à la Maison de la Région, au coin de la place Royale, où se tient le gouvernement. Elle est en retard alors son chauffeur, Moustafa, l’y dépose sur le coin, prend sa caisse de dossiers dans le coffre, le claque et court à l’étage, au bout d’un couloir, où par une porte entrouverte on voit Rudi Vervoort et Guy Vanhengel en train d’attendre. Elle entre et elle s’assied, on s’éloigne et on croise Pascal Smet qui arrive en disant  » Salukes « .

Quand elle sort avec sa caisse de dossiers, à 10 h 45, cinq minutes après Pascal Smet qui a redit  » Salukes « , elle, elle dit  » Go Go Go  » à sa porte-parole qui essaie de lui dire que la RTBF veut une réaction sur le survol, puis elle passe devant Didier Gosuin qui est au téléphone sur le trottoir, elle remonte dans sa BMW hybride, et elle dit :  » Allez on va au Grain, Moustafa « .

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La croix et Le Grain

Le Grain, c’est un centre de jour pour personnes handicapées, intégré par le père Roberti au réseau de L’Arche, lui-même lancé par le Canadien Jean Vanier, qui vient de décéder. Le Grain, il est à Etterbeek, juste derrière l’institut Sainte-Geneviève. A l’entrée il y a une plaque qui dit que la première pierre a été posée par Vincent De Wolf, bourgmestre, et Evelyne Huytebroeck, ministre, et une plaque qui dit que le bâtiment a été inauguré par Vincent De Wolf, bourgmestre, et Evelyne Huytebroeck, ministre, mais quand Céline Fremault y arrive, le directeur dit  » bonjour madame la ministre « , et  » encore merci pour les installations solaires « . Elle, elle répond que ce n’est rien et va dire bonjour à Sonia, qui vient au Grain depuis trente ans, et qui lui montre ce qu’elle fait dans l’atelier menuiserie : des sapins de Noël qui prennent environ six mois, des dominos, des petites croix de Jésus, et  » ça, ce sont des tabourets ! « , dit la ministre en prenant un tout petit tabouret rectangulaire.  » Des tabourets de prière « , précise Sonia, avant de suivre Céline Fremault et le directeur à l’étage, à l’atelier couture, où on fait des boucles d’oreilles, des capes de bain pour bébé ou des lingettes, et où Sonia, qui s’était assise en face de la ministre et avait repris son ouvrage, se souvient que la ministre est CDH, comme son cousin.

Nous nous sommes glissés dans la roue de Céline Fremault (Reportage)
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Sonia est toujours là quand, dans la pièce d’à-côté, la ministre s’assied avec le directeur et une travailleuse du centre pour prendre un café. Sur la table où se trouvent le thermos et les briques de lait, il y a Le Journal de L’Arche, dans lequel l’éditorial dit  » un grand merci à Céline Fremault « , le directeur dit  » non mais encore un grand merci  » à Céline Fremault, et Sonia explique qu’elle habite à côté de l’église Sainte-Alice avant de descendre dans le réfectoire. Dans le réfectoire, des pensionnaires préparent du poulet indien, et les autres reviennent de l’école du cirque, et souvent Sonia leur dit de venir voir la ministre. Puis Baudouin et Pierre, qui reviennent de l’endurance, voient la ministre, et Baudouin lui dit qu’il espère qu’elle aura beaucoup de voix, et Pierre demande qu’on donne plus de subsides, mais la ministre doit partir, alors elle salue tout le monde en les serrant dans ses bras et sort. Et Baudouin, qui est sorti aussi mais par l’arrière du réfectoire, la voit monter dans sa BMW hybride en lui disant qu’il a vu tous les programmes mais que  » le meilleur, c’est le CDH « .

Moustafa pose sa ministre au siège du CDH, rue des Deux-Eglises, parce qu’elle doit manger et discuter avec deux des collaborateurs qui s’occupent de sa campagne. Elle va les chercher, et les emmène à l’indien du coin, comme elle dit, où on sert de copieux chapati et de succulents lassi. Elle se commande un copieux chapati tandoori et un succulent lassi masala, ses collaborateurs aussi, et va s’asseoir dans la table du fond avec un collaborateur à sa gauche et un collaborateur à sa droite. La serveuse lui dit qu’elle avait mis une affiche d’elle et d’une amie, mais qu’ici à Saint-Josse les affiches elles ne restent pas longtemps. Quand arrivent les copieux chapati et les succulents lassi, Céline Fremault mange et parle, et ses collaborateurs à sa gauche et à sa droite mangent et opinent.

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Ils opinent quand elle dit qu’il faudrait dimanche être au marché de Jette, à celui du Midi et à la brocante de Saint-Job. Ils opinent quand elle dit qu’elle ne peut pas répondre en permanence à tous les candidats, surtout à ceux qui appellent quatre ou cinq fois par jour. Ils opinent quand elle dit que la semaine prochaine il faudra arrêter l’impression des cartes de visite. Ils opinent quand elle dit qu’elle déteste que des gens invités à participer à des débats chipotent dans leur gsm car c’est affreusement irrespectueux. Ils opinent quand elle dit qu’elle préfère quand les gens l’appellent Céline et que les gens la tutoient, comme certains huissiers du parlement. Et ils opinent quand elle dit qu’il faut y aller car elle doit voir Antoine de Borman au siège du parti avant son débat de 15 heures et qu’elle y va.

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 » Antoine de Borman, c’est the brain ici « , elle dit en s’asseyant face à lui, dans la petite salle Alcide De Gasperi du siège du CDH, où the brain, directeur du centre d’études du CDH et 71e candidat sur la liste régionale bruxelloise, lui rappelle deux ou trois trucs qu’elle écrit en rouge sur les notes qu’elle avait imprimées et déjà fluotées pour aller à ce débat de Bruxeo, la confédération bruxelloise du secteur du profit social, qui organise un débat à 15 heures, ce qui fait qu’elle ne s’attarde pas avec the brain, et remonte vite dans la BMW hybride de Moustafa.  » Attention, Moustafa, vous ne voyez pas qu’il y a un vélo derrière ? « , lui dit-elle d’ailleurs en chemin, et Moustafa lui répond  » pardon madame « .

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Carmen et les Jeux d’hiver

Quand elle entre, ville haute, à la maison Jacqmotte, où se tient le débat de Bruxeo, elle est en retard. Alors elle est attendue, notamment par un organisateur à qui elle demande s’il y a du monde et si les autres partis sont là et qui ils ont envoyé. Quand elle s’installe au premier rang, puis sur la scène, elle voit qu’avec Bernard Clerfayt elle est la seule tête de liste francophone présente, et elle remarque qu’elle connaît mieux ces matières que tous les autres, d’ailleurs une dame qui prendra la parole pour dire que le candidat de la N-VA ne sait pas de quoi il parle en profitera pour dire que Céline Fremault était la meilleure, et elle, au premier rang sur la scène, à côté de Bernard Clerfayt ou de David Leisterh, se sachant la meilleure, chipotera tranquillement dans son gsm pendant que les autres intervenants peineront.

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Comme elle a dû repasser à son cabinet pour signer des documents urgents, puis au parlement bruxellois où sa camarade Julie de Groote offrait un drink à 18 heures et chantait, sur un air de Carmen, le parlement francophone bruxellois pour sa dernière séance comme présidente, elle s’est retrouvée, dans la BMW hybride de Moustafa à expliquer à un de ses candidats que ça ne servait à rien de l’appeler quatre fois par jour, en retard pour les Jeux d’hiver, dans le bois de la Cambre, où la revue Lobby tenait un débat et puis un drink sur  » le logement dans tous ses états « . Mais elle n’a pas participé au drink, parce qu’après le débat où elle a expliqué à un promoteur très applaudi qui se plaignait du  » brol « , des recours abusifs et des incompétents que le mépris ce n’était pas très respectueux, il était au-delà de 19 h 30 et elle devait filer à la maison communale d’Uccle, où le conseil communal commençait à 19 h 30. Céline Fremault est allée s’asseoir à sa place de conseillère communale pour parler avec son collègue CDH, puis elle est venue parler avec un autre conseiller dans le fond de la salle, puis elle est allée parler avec le chef de groupe DéFI, qui est dans l’opposition, pour lui demander s’il trouvait très respectueuse cette opposition systématique, puis avec nous, et puis la présidente de la séance a demandé qu’on parle un peu moins fort dans la salle car ce n’était pas très respectueux, et alors Céline Fremault est retournée à sa place.

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