Non, la Belgique n’est pas finie : 10 raisons d’espérer

Il a fallu 404 jours pour qu’enfin une timide avancée se profile à l’horizon. A la mi-août, 8 partis – PS, SP.A, MR, Open VLD, Ecolo, Groen !, CDH et CD&V – se retrouveront enfin pour négocier. L’équilibre reste fragile, mais l’enjeu, crucial. Voici dix raisons pour lesquelles la Belgique n’est pas condamnée.

1. UNE SCISSION BIEN TROP COMPLIQUÉE

Rien de tel qu’un petit coup dans le rétroviseur pour se convain-cre que le pays en a vu d’autres. Cinq réformes de l’Etat au compteur (1970, 1980, 1988-1989, 1993, 2001), et aucune d’entre elles n’a été une partie de plaisir ou une promenade de santé. Aucune n’a fait l’économie d’une crise politique de longue haleine : 106 jours de calvaire en 1978-1979, 103 jours en 1987-1988, 148 jours en 1991-1992, 194 jours en 2007. La Belgique a traversé des heures autrement plus agitées sur le plan communautaire : le « Walen buiten » de la crise de Louvain en 1968, la saga fouronnaise à la charnière des années 1970 et 1980 ont poussé des Belges à en venir carrément aux mains. On n’en est pas là.

Sauf qu’au bout de plus de 400 jours en salle d’attente, sans que le nouvel accouchement institutionnel ait connu un début de commencement, on se dit que c’est au forceps qu’il faudra y aller. Et que, cette fois, le pays pourrait y rester. Quand on arrive à l’os, il est logique que l’opération soit plus longue, plus délicate, plus douloureuse. Elle ne signe pas pour autant l’arrêt de mort du patient étendu sur le billard. Sa planche de salut, c’est même l’extrême difficulté qu’il y aurait à le liquider. Un divorce de velours à la tchécoslovaque ? Un jeu d’enfant, à côté de ce que représenterait une séparation à la belge. Des décennies de fédéralisme de plombier, bâti sur un sens légendaire du compromis, ont construit une machinerie à ce point sophistiquée que le partage de ses pièces détachées nécessitera des années de casse-tête juridico-institutionnel. La Belgique est un pays compliqué et c’est pour cela qu’il va le rester. Délimiter les nouvelles frontières étatiques exigera de régler le sort du territoire bruxellois enclavé en Flandre et des majorités francophones en périphérie flamande de Bruxelles : un chemin de croix, à lui tout seul. Au fait, il y a très exactement dix ans que le Jardin botanique national de Meise devait tomber dans l’escarcelle de la Flandre. On n’en est nulle part : francophones et Flamands en sont encore à cogiter sur une façon équitable de se partager les collections de plantes et d’envisager le statut des futures graines. La Belgique ? C’est encore tout droit. Et si ce n’est pas une union d’amour, cela restera un mariage de raison. Ce sont souvent ceux-là qui résistent le mieux.

2. UN COÛT PLUS ÉLEVÉ QU’UNE RÉFORME DE L’ÉTAT

Chère, très chère scission… Séparer la Belgique fera mal au portefeuille. Personne ne s’est jusqu’ici hasardé à chiffrer l’addition avec un tant soit peu de précision et de sérieux. Pour la bonne et simple raison que ce coût est incalculable. Mais les pronostics se rejoignent pour estimer que le pays y laisserait une fortune. Et pour prédire que Flamands, Wallons et Bruxellois y perdraient tous des plumes.

Le temps, c’est de l’argent. Et du temps, il en faudra pour partager de manière aussi équitable que possible les innombrables actifs et passifs d’une maison Belgique aux allures d’usine à gaz. L’opération qui devra mener à la séparation des biens sera d’une complexité telle qu’elle dépassera tous les records de longévité enregistrés par n’importe quelle réforme de l’Etat. D’ici là, les marchés financiers seront plus d’une fois passés à la caisse. Ils ne pardonneront pas à un pays déjà lourdement endetté (autour des 100 % du PIB) de s’offrir le luxe d’un divorce. Avant même que la rupture ne soit consommée et finalisée, la note sera présentée sous la forme de taux d’intérêt plus élevés à payer sur une dette à répartir tant bien que mal. Les nouveaux Etats nés de la défunte Belgique partiront ainsi dans la vie avec une note financière dégradée.

Les réformes institutionnelles engrangées au fil du temps n’ont jamais été des modèles de clarté ni de sagesse budgétaire. Mais elles passeront pour des étapes financièrement raisonnables à côté d’une scission pure et simple. Précipiter le pays dans l’aventure, de l’avis quasi unanime des experts, rendra tout le monde plus pauvre, au Nord comme au Sud. Autant, sinon plus que les sentiments, l’argent en commun est un puissant incitant à la vie de couple.

3. LES SÉPARATISTES SONT MINORITAIRES

La Belgique n’en est pas à une contradiction près, et c’est cela qui finira peut-être par la sauver. La Flandre prêche d’exemple. Elle est largement tombée sous le charme d’une droite nationaliste qui, toutes branches confondues, a raflé 43,8 % des voix à la Chambre côté flamand, au scrutin fédéral de juin 2010. N-VA, Vlaams Belang, Lijst Dedecker : le pays a de quoi se faire du souci, confronté à trois partis qui rêvent ouvertement de le voir éclater. Sauf que tous leurs électeurs ne seraient pas de cet avis, loin de là. Les séparatistes convaincus, combien de divisions ? 10 à 15 % de Flamands tout au plus seraient intéressés par le scénario extrême, assurent les politologues. Une récente enquête de la KU Leuven menée auprès de 3 000 jeunes Belges de 21 ans, confirme l’apparent paradoxe : 4 jeunes électeurs de la N-VA ou du Vlaams Belang sur 10 rejetteraient catégoriquement l’option de la scission. Même la Belgique de papa séduirait respectivement 14,7 % et 20,3 % des jeunes votants de ces deux formations. Comprenne qui pourra…

Point de lame de fond foncièrement séparatiste à l’horizon, y compris dans les jeunes générations. Pas plus dans les bourgs de Flandre que dans les chaumières de la partie francophone du pays, l’idée d’un divorce, même à l’amiable, ne fait palpiter les c£urs. Avant de sonner une charge franche contre la Belgique, les formations séparatistes, N-VA en tête, ont donc encore du boulot pour mobiliser les troupes. A moins de vouloir le bonheur de la seule Flandre contre le voeu de la majorité de ses citoyens, contre la volonté des autres partis flamands (Open VLD, SP.A, Groen !, CD&V). Et contre le souhait majoritaire de la moitié sud du pays.
Cela fait encore beaucoup de monde dressé sur le chemin d’une séparation. Mais cela ne suffit pas à rassurer complètement la Belgique sur son sort. Le scénario tchécoslovaque montre qu’un divorce peut fort bien se produire malgré l’hostilité d’une majorité de la population, pour peu que les dirigeants politiques des principaux partis le décident. Mais ici, un partenaire, le francophone pour ne pas le citer, se bat encore farouchement pour la survie du couple belge.

4. BRUXELLES, LE NOEUD GORDIEN

Sans elle, disposée au milieu du jeu de quilles, séparer la Belgique passerait presque pour une formalité. Seulement voilà, il y a Bruxelles. Ville historiquement flamande, massivement francisée, toujours plus multiculturelle. Qui concentre 1,1 million d’âmes sur l’équivalent de 0,5 % de la superficie du pays. Cette bombe démographique en puissance étouffe dans un carcan institutionnel limité à 19 communes. Avec, en prime, un statut de multi-capitale à assumer : de la Belgique, de l’Europe, de la Flandre, de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Rien n’est décidément simple avec Bruxelles, enclavée en territoire flamand et coupée de la moitié sud du pays. Capable d’être le poumon économique du pays qui aspire chaque jour 235 000 navetteurs flamands et 150 000 navetteurs wallons, mais d’afficher en même temps un désespérant profil de pauvreté. Tout le monde ne veut pas que du bien à Bruxelles. Le nord du pays en particulier lui mène la vie dure, en lui refusant de s’épanouir pleinement comme Région, après plus de vingt ans d’existence.

Bruxelles, une sorte de Belgique en format réduit, contrariée par la relation amour-haine que la Flandre nourrit à son égard. Là où Flamands et francophones bruxellois ont trouvé un terrain d’entente. Ce cocktail bruxellois pourrait être politiquement explosif pour le pays. En réalité, ce modèle de cohabitation est un de ses meilleurs ciments. Car ni les Flamands ni les francophones ne veulent lâcher Bruxelles. Pas question de renoncer à ce joyau économique qui produit 20 % de la richesse nationale et rayonne hors de nos frontières. Pas question de céder la place à l’autre camp. Comment dès lors scinder la Belgique proprement avec, en son centre, cette équation à multiples inconnues que Flamands, Wallons et Bruxellois ne pourront résoudre qu’en restant ensemble.

5. LA BELGIQUE, MEMBRE FONDATEUR DE L’UNION EUROPÉENNE

L’éclatement d’un Etat membre de l’Union européenne ? Ce serait du jamais-vu ! Rien à voir avec le divorce tchécoslovaque de décembre 1992. A l’époque, Tchèques et Slovaques ne faisaient pas encore partie de l’Union (ils ont adhéré séparément près d’une douzaine d’années plus tard). Une scission de la Belgique, pays fondateur du Marché commun, serait, elle, perçue comme un échec de la construction européenne. On ne trouve d’ailleurs personne à la Commission ou au Parlement européen pour réagir à l’idée de faire de Bruxelles-Capitale une cité-Etat, voire un district européen sur le modèle de Washington D.C. Plusieurs groupes sur Facebook défendent ce concept, suggéré notamment par Yves Leterme dès 2006 (interview à Libération). Mais, de toute évidence, l’Europe n’a aucune envie de se retrouver avec un tel district sur les bras.

A l’heure de la globalisation et d’une super-Union qui comptera, ces prochaines années, une trentaine de pays, les régionalismes s’exacerbent. Une scission de la Belgique ne ferait qu’encourager le mouvement. Que diraient les autonomistes catalans, basques, écossais, corses… ? « Les Belges, peuple fondateur de l’Union, sont appelés à rassurer leurs partenaires européens quant à leur stabilité nationale, assure un eurocrate. Il y a, en Belgique, un curieux paradoxe à vanter un avenir commun européen tout en renonçant à un avenir commun national. L’union ferait la force de l’Europe, mais pas celle de la Belgique ! »

« La première conséquence d’une indépendance est la nécessité d’adhérer à nouveau à toutes les organisations internationales dont était membre l’Etat que l’on vient de quitter, prévient Vincent Laborderie, politologue à l’UCL. Ces adhésions ne peuvent se faire que si les Etats membres de l’organisation en question ont préalablement reconnu le nouvel Etat sur une base bilatérale. Mais, même dans ce cas, l’adhésion est loin d’être acquise. Dans le cas de l’Union, les adhésions se font aujourd’hui sur des critères bien plus sévères et détaillés que lors de l’entrée de la Belgique. » Selon certains juristes, si la Flandre prenait seule son envol, elle devrait renégocier son adhésion à l’UE, à l’ONU, à la zone euro et à d’autres structures internationales, tandis que la Belgique « résiduelle » (francophone) en serait membre de droit. Cette Belgique « résiduelle » ne devrait donc pas renégocier les traités et les adhésions aux institutions internationales. Mais cela n’éviterait pas des ajustements, comme la révision de la contribution au budget européen.

Vincent Laborderie estime que la Belgique n’est ni une nouvelle Yougoslavie – « une guerre civile y est impensable » – ni une nouvelle Tchécoslovaquie – « une séparation à l’amiable buterait sur Bruxelles et le partage de la dette ». Le cas du Monténégro est, selon lui, le plus intéressant : une déclaration unilatérale d’indépendance. Mais l’Union y a imposé un référendum sur l’indépendance, où le « oui » devait l’emporter par au moins 55 % des voix (mission accomplie, de justesse, en 2006).
Pour l’UE, seule une majorité forte valide le choix de l’indépendance. « Dans le cas d’une demande d’indépendance d’une région qui fait déjà partie de l’Union, le pourcentage de « oui » exigé ne sera certainement pas plus bas que celui imposé au Monténégro, assure Vincent Laborderie. Or, en Flandre, seulement 10 à 15 % de la population se déclare favorable à l’indépendance. »

6. BRUXELLES, SIÈGE D’INSTITUTIONS INTERNATIONALES

La présence, en Belgique, de nombreuses organisations internationales peut apparaître comme un gage de stabilité institutionnelle nationale. La capitale accueille quelque 30 000 fonctionnaires de la Commission, 3 500 personnes pour le Conseil de l’Union, 3 000 fonctionnaires du Parlement européen, auxquels s’ajoutent près de 3 000 assistants parlementaires embauchés par les 785 eurodéputés. Ajoutons-y les 1 500 personnes du Comité des régions et du Comité économique et social et on arrive, au total, à plus de 40 000 emplois directs.
Au total, plus de 120 institutions internationales ont leur siège à Bruxelles, dont l’Otan (4 000 personnes) et Eurocontrol (2 000 personnes). Plus de 1 400 organisations internationales non gouvernementales y sont aussi présentes. Première place diplomatique du monde, Bruxelles-Capitale est également, après Washington, la ville de la planète où les lobbys industriels sont les plus représentés. La sécession de la Flandre serait considérée comme illégale – une telle scission n’est pas prévue par la Constitution belge – et serait très mal vue par toutes ces organisations internationales.

7. DETTE PUBLIQUE, LE DOULOUREUX PARTAGE

Cela se passe comme ça dans toutes les affaires de divorce : à un moment ou l’autre, il faut bien partager le patrimoine commun : la maison, le chien et… la dette. Ainsi en adviendrait-il si la Flandre, Bruxelles et la Wallonie décidaient de vivre leur vie en toute autonomie. Le gâteau de la dette représente aujourd’hui quelque 330 milliards d’euros. Selon quels critères la répartir ? Dans tous les cas similaires qui se sont produits par le passé, c’est celui du paiement de l’impôt qui s’est imposé. Sur la base de cet indice, et à supposer que la Flandre s’envole seule tandis que Bruxelles et la Wallonie restent unies, le nord du pays prendrait à sa charge environ 63 % de l’ancienne dette publique belge. Soit 219 milliards d’euros, ce qui représente quelque 110 % du PIB flamand. Actuellement, la Flandre alimente en effet les recettes provenant de l’impôt des personnes physiques à hauteur de 63 %, Bruxelles pèse environ 8,4 % et la Wallonie, 28,2 %.

D’autres critères sont évoqués, comme le nombre d’habitants (58 % de la population est localisée en Flandre, pour 9,8 % à Bruxelles et 32,4 % en Wallonie), le taux d’emploi, la contribution au PIB (58 % pour la Flandre, 18,7 % pour Bruxelles et 23,3 % pour la Région wallonne).

Quoi qu’il en soit, les taux d’intérêt réclamés sur la dette des nouveaux Etats indépendants devraient être sensiblement plus élevés que ceux qui sont aujourd’hui pratiqués, ce qui pénalisera d’autant plus les nouvelles entités formées. Paul De Grauwe, professeur d’économie à la KUL, a ainsi chiffré la charge d’intérêt supplémentaire qui pourrait être imposée à la Flandre à quelque 2 milliards d’euros. Ce n’est pas forcément intenable pour le nord du pays, mais cela augmente sa vulnérabilité en cas de nouvelle crise financière.

8. DES ÉCONOMIES ENTREMÊLÉES

La Flandre, Bruxelles et la Wallonie ont beau envisager de se quitter, les liens économiques tissés entre ces trois Régions restent particulièrement étroits. Il n’existe pas de statistique établissant l’importance des échanges commerciaux entre les trois Régions : ce sont en effet les documents douaniers qui permettent à la Banque nationale de Belgique de comptabiliser les exportations de chaque entité fédérée. Or, dans la mesure où il n’y a pas (encore ?) de douane à l’intérieur du territoire belge, aucune information de ce type ne remonte jusqu’à la BNB. On sait néanmoins que les marchandises et les services circulent en abondance entre le nord, le centre et le sud du pays.

Ainsi en est-il aussi des investissements. Après les Etats-Unis, qui ont injecté 86,8 millions d’euros dans l’économie wallonne en 2010, la Flandre est le deuxième investisseur le plus important en Wallonie, avec 58,6 millions d’euros. En créant, du coup, 507 emplois dans cette Région, les Flamands occupent, là encore, la deuxième position du classement, cette fois derrière le Japon (avec 519 emplois créés). Sur la période 2000-2010, les investisseurs flamands sont les deuxièmes créateurs d’emplois non wallons en Wallonie, avec 17,2 % des postes créés, après les Etats-Unis (30 %).

Quelque 30 % des entreprises comptant plus de 100 salariés disposent aussi de sièges de production dans au moins deux autres Régions du pays.

Bref, en cas de scission du pays, bonjour la désorganisation et la perte de richesse !

9. LES MARCHÉS SERONT SANS PITIÉ

Les agences de notation et les marchés, dont l’attitude détermine le taux d’intérêt sur la dette de l’Etat belge, ont le regard essentiellement rivé sur ses finances publiques et la capacité du pays à honorer ladite dette. Mais aussi sur tout indice susceptible de causer de l’incertitude. L’absence de gouvernement fédéral ne leur plaît guère, car elle fait peser une hypothèque sur le prochain budget, même si les fondamentaux de l’économie belge ne sont pas inquiétants en eux-mêmes.

Le PIB devrait atteindre 2,6 % cette année, pour 2,1 % en 2010. Et la balance courante, c’est-à-dire le bilan financier des échanges de biens et services de la Belgique avec le reste du monde, est positif. La dette approche certes les 100 % du PIB, mais la situation est sous contrôle. La Belgique conserve d’ailleurs la (bonne) cote (juste sous la plus grande distinction) auprès des trois principales agences de notation, Standard & Poors, Moody’s et Fitch.
Mais si la note de la Belgique était dégradée et si les taux d’intérêt actuels augmentaient de 1,6 % par rapport aux obligations allemandes qui servent de référence, la facture annuelle de l’Etat s’élèverait de quelque 600 millions d’euros, selon plusieurs experts. Gare au retour de flamme, donc, si l’instabilité politique perdure et vient à bout de la patience des agences !

Et si la structure fédérale implosait ? La situation des finances publiques de chaque entité serait passée à la loupe. Et tout indique que les primes de risque exigées par les marchés sur les (nouvelles) dettes des Régions seraient revues à la hausse, rendant leur remboursement d’autant plus ardu et pénible pour les populations concernées. L’éventuelle scission du pays engendrerait aussi ce surcoût-là…

10. MADE IN BELGIUM : UNE MARQUE RASSURANTE, QUI S’EFFILOCHE POURTANT

La Belgique reste-t-elle une marque à haute valeur ajoutée, aux yeux des observateurs et/ou investisseurs étrangers ? « C’est incontestablement Bruxelles qui bénéficie de la plus forte renommée, assure Rudy Thomaes, administrateur délégué de la Fédération des entreprises de Belgique. La Belgique vient en deuxième position, loin devant les Régions, qui sont généralement peu connues en Europe et pas du tout en dehors du territoire européen. »

Si la « marque » Belgique venait à disparaître, ajoute-t-il, il faudrait au moins une décennie aux Régions pour atteindre son niveau de notoriété et le coût de cette opération serait très important. Pour l’instant, les observateurs étrangers, conscients que des problèmes communautaires plus sérieux qu’à l’accoutumée paralysent le pays, ne croient pourtant pas à la fin du royaume. Mais l’instabilité politique les préoccupe.

Si la Belgique bénéficie d’une notoriété importante à l’étranger, il n’y a pourtant plus guère d’organismes pour défendre, à l’étranger, le « made in Belgium », les chambres de commerce mises à part. Car la promotion du tourisme et du commerce extérieur ressortit aujourd’hui aux entités fédérées et chacun, Brussels-Export, l’Agence wallonne à l’Exportation (Awex) et le Flanders Investment & Trade en tête, défend ses propres couleurs en dehors des frontières, bien davantage que la marque « Belgique ». Celle-ci reste néanmoins présente comme une appellation parapluie, dont les Régions peuvent bénéficier à l’étranger.

Depuis quelques années, en tout cas, les politiques d’aide aux investissements divergeant, les investisseurs n’optent plus pour « la Belgique » mais, clairement, pour une de ses Régions. Selon le Baromètre Ernst & Young sur l’attractivité des pays européens pour les investisseurs, le bon résultat « belge » enregistré en 2010 est d’ailleurs essentiellement dû à la Wallonie, qui « obtient son meilleur score historique en matière de captation de nouveaux investissements étrangers ». Sa politique d’aides publiques, généreuse, et ses terrains accessibles y sont pour beaucoup. En revanche, précise le consultant, « l’image de la Flandre et de Bruxelles est au plus bas auprès des investisseurs ». A ce niveau-là, le concept de Belgique ne joue déjà plus…

UN DOSSIER RÉALISÉ PAR PIERRE HAVAUX, OLIVIER ROGEAU ET LAURENCE VAN RUYMBEKE

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