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Menace terroriste en Belgique : « L’erreur est de croire que le terrorisme d’extrême-droite ne se concrétisera pas chez nous »

Stagiaire Le Vif

Six ans après les attentats de Bruxelles, le terrorisme guette-t-il encore en Belgique ? Toujours bien réelle, la menace terroriste a mué, alimentée par l’extrémisme de droite et le complotisme, dans le terreau fertile de la crise sanitaire. Fin 2021, 50 sympathisants de l’extrême-droite étaient suivis par l’Ocam.

22 mars 2016. Zaventem. À 7h58, deux terroristes se font exploser dans le hall des départs de l’aéroport de Bruxelles. À 9h11, rue de la Loi, un autre kamikaze déclenche ses explosifs dans une rame de métro quittant la station Maelbeek. La triple explosion, revendiquée par l’Etat Islamique, fait 32 victimes et 340 blessés. Charles Michel, Premier ministre à l’époque, dénonce « deux attentats aveugles, violents et lâches ». L’Ocam (l’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace) élève alors la menace terroriste au niveau 4, son maximum. Pour la deuxième fois en moins d’une décennie, la Belgique est frappée par des attentats islamistes.

Six ans après la catastrophe, alors que la mémoire des Belges est encore désarçonnée par ces douloureux souvenirs, la menace terroriste est-elle toujours d’actualité en Belgique ?

Pour Michaël Dantinne, criminologue et professeur à l’ULiège, si la menace terroriste est plus basse sur le baromètre de l’Ocam qu’en 2016 – au niveau 2 actuellement sur une échelle de 4 -, « elle existe toujours et elle existera toujours ». Bien que la menace salafo-djihadiste soit en déliquescence, l’idéologie islamiste radicale, telle que portée par l’Etat islamique ou Al-Quaïda, ne s’éteint pas et continue de faire des victimes de par le monde, explique le criminologue.

Mutation de la menace

Toutefois, en Occident, la menace a mué, sous d’autres formes et d’autres cieux. Dans les manifestations contestataires, comme celle du convoi de la liberté contre les mesures sanitaires, les croix gammées et autres signes d’appartenance à des mouvances d’extrême-droite fleurissent. « Aujourd’hui, on ose davantage affirmer son appartenance à l’extrême-droite, et donc potentiellement à des actions violentes », raconte Michaël Dantinne. Certains indicateurs, comme le nombre d’actes antisémites, démontrent que le nombre d’adhérents à ces idéologies est en augmentation, ajoute-t-il. « Et au plus le bassin est grand, au plus la probabilité qu’un de ses adhérents ne passe à l’acte augmente. »

Aujourd’hui, l’Ocam considère que la menace terroriste numéro 1 en Belgique n’émane pas tant de groupes terroristes, mais d’acteurs solitaires, qui consultent massivement de la propagande extrémiste ou terroriste sur Internet et les réseaux sociaux. Fin 2021, 714 individus figuraient dans la banque de données commune de l’Ocam. Parmi eux, 50 personnes étaient suivies en raison de leur appartenance ou leurs sympathies pour l’extrême-droite. La liste dénombrait également 477 « Foreign Terrorist Fighters » (combattants terroristes à l’étranger).

Etant plus individuel et moins structuré, le terrorisme d’extrême-droite serait plus difficile à débusquer que le terrorisme islamique, poursuit Michaël Dantinne. Certains individus seraient d’autant plus difficilement identifiables qu’ils feraient partie de divers courants idéologiques, allant de l’extrême-droite au survivalisme, au populisme ou encore l’écologie radicale.

À l’image de Jürgen Conings, tireur d’élite de l’armée belge et ancien membre du Vlaams Belang, qui fut traqué pendant un mois entre mai et juin 2021, pour avoir proféré des menaces contre des personnalités politiques belges et le virologue Marc Van Ranst, avant de disparaître avec des armes. L’homme figurait également sur la liste des terroristes de l’Ocam, en raison de ses « sympathies » avec l’extrême droite. Jurgen Conings appartenait à cette nébuleuse idéologique, selon Michaël Dantinne, « biberonné au complotisme, au populisme, à l’extrême-droite… »

Ou encore de Tobias Rathjen, auteur de la double fusillade de Hanau, en Allemagne, en février 2020, qui était partisan de l’extrême-droite, complotiste ou encore incel – homme qui s’identifie comme « célibataire involontaire » parce que, de son point de vue, les femmes refusent injustement d’avoir des rapports sexuels avec lui en raison de son apparence physique.

Ces individus de tous bords se rejoignent sur le refus de mesures, le rejet des élites et, surtout, la contestation de vérités. Ils ont été aperçus dans des manifestations des gilets jaunes ou, plus récemment, lors des contestations anti-mesures sanitaires.

Ces groupes seraient plus visibles au nord du pays, notamment parce qu’ils disposent de formations politiques, n’existant pas en Wallonie. Par exemple, Schild & Vrienden, mouvement étudiant nationaliste affilié au Vlaams Belang, qui revendiquait il y a un an près de 2800 adhérents.

C’est arrivé près de chez vous

Faut-il craindre ce terrorisme qui a muté ? « Un passage à l’acte ne signifie pas nécessairement un attentat », relativise Michaël Dantinne. Leurs actions pourraient se limiter à des émeutes, des propos haineux, des menaces… Mais l’idée selon laquelle le terrorisme d’extrême-droite ne frapperait pas est erronée, estime le criminologue. Partout à travers le monde, des attentats terroristes d’extrême-droite ont été particulièrement victimisant : l’attentat d’Oklahoma City en 1995, à Oslo et Utoya en 2011, à Christchurch en Nouvelle-Zélande en 2019…

« Il n’y a pas de raison de penser que le terrorisme d’extrême-droite se concrétise aux Etats-Unis, en Norvège ou en Nouvelle-Zélande, mais pas chez nous », prévient-il. « C’est justement l’erreur que l’on a fait historiquement par le passé. »

Emma Grégoire

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