Alain Rosenoer. © Belga

L’insaisissable Alain Rosenoer

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Sa redoutable rancune a forgé son pouvoir au sommet de la Société wallonne du logement. En douze ans, Alain Rosenoer a vécu les plus nobles et les plus misérables épisodes du secteur. Souvent inquiété, jamais condamné, cet expert de l’ombre va rendre son mandat, accablé par les soupçons.

Retranché dans la salle « Brabant wallon » de la Société wallonne du logement (SWL), Claude Despiegeleer est en pleurs. Nous sommes le 26 septembre 2005. Dehors, une horde de journalistes attend le passage de l’administrateur déchu de la Carolorégienne, auditionné dans le cadre du scandale qui a éclaté quelques jours plus tôt. Faux et usage de faux, abus de biens sociaux, défaut de gestion dans la comptabilité… L’étau se resserre autour de l’ex-échevin socialiste de Charleroi, accablé par les multiples suspicions dans la gestion de la société de logement de service public. Face à lui, Alain Rosenoer, directeur général de la SWL. Autrefois un ami, lui aussi issu de la loge franc-maçonnique du Grand Orient. « Dis-leur la vérité, mon frère, je t’en prie. Dis-leur que tu savais. Tu te rends compte que je vais aller en prison ? » implore Despiegeleer. Son interlocuteur écoute mais ne cille pas. Et finit par rétorquer, dans le ton monocorde qui le caractérise : « Claude, je ne peux plus, je suis coincé. » Furieux, Despiegeleer quitte le bâtiment, jetant avec rage devant les journalistes les emballages des friandises avalées pendant son audition. Quatre jours plus tard, il sera incarcéré préventivement à la prison de Jamioulx. Le début d’une longue tempête médiatique et judiciaire. La descente aux enfers. La fin d’une époque.

Près de dix années se sont écoulées. L’effet domino initié au départ de l’accablant rapport d’audit de la Carolorégienne a remodelé le paysage du logement public wallon et les organigrammes. Des 76 sociétés en 2005, il en reste 64. Des têtes sont tombées, à tort ou à raison. D’autres administrateurs, plus discrets ou protégés par leurs relais politiques, ont été épargnés dans la grande chasse aux fraudeurs. Et puis, à côté des irréprochables écartés de tout soupçon, il y a les énigmes. Souvent inquiétés, jamais condamnés. Défendus par les uns, détestés par les autres, ceux-là brillent au minimum par leur longévité.

C’est le cas d’Alain Rosenoer. Avec près de trente ans d’expérience dans le secteur du logement public, dont douze à la direction générale de la SWL, cet architecte de formation a connu les plus nobles comme les plus misérables épisodes du secteur. D’ici quelques semaines, son mandat de fonctionnaire dirigeant prendra fin, à défaut d’avoir obtenu une mention « très favorable » lors de l’évaluation de sa mission. A 59 ans, il pourra se présenter à sa propre succession, parmi d’autres candidats éventuels. Mais la sentence, qu’il conteste devant le conseil d’Etat, a des allures de désaveu.

Après avoir échappé à plusieurs fins de règne prématurées, l’énigmatique cadre étiqueté PS est aujourd’hui confronté à un climat de défiance critique. Au parti, certains n’expliquent sa survie professionnelle que par une protection contrainte du boulevard de l’Empereur, dont le « lâchage » d’un haut fonctionnaire renverrait la structure à ses vieux démons. Minée par de graves accusations en interne, la SWL peine à recouvrer la crédibilité anéantie dix ans plus tôt. Les plus farouches détracteurs y voient la marque d’un seul homme : Alain Rosenoer, dont le nom a, selon eux, trop souvent surgi dans le périmètre évanescent des scandales et des petits profits. Certains le considèrent comme un sans foi ni loi peu scrupuleux. D’autres comme un homme de valeurs fondamentalement intègre, persécuté à tort pour avoir assumé l’inconfortable mission de contrôle sur les sociétés de logement.

L’enquête dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– Ces stratégies souterraines

– Ses rêves d’une plus grande carrière politique

– L’homme qui ne pardonne rien

– Sa gestion de la SWL

– Ses tuiles

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