Michel De Maegd (MR) estime que le PS fait de la surenchère sur le dos de la guerre Israël-Hamas © photonews

Liberté, j’écris ton « non! »: ces parlementaires qui ne suivent pas la ligne de leur parti

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Sur la question de l’avortement comme sur d’autres, certains parlementaires disposent de la liberté de ne pas suivre la ligne de leur parti. Et celui-ci dispose de la liberté de ne pas avoir de ligne.

C’est inscrit à l’article 20, paragraphe 3, des statuts d’un parti qui historiquement n’a jamais imposé une stricte discipline à ses parlementaires :  » Pour les questions d’ordre éthique, chaque mandataire vote en fonction de ses convictions religieuses ou philosophiques « , spécifie la constitution du Mouvement réformateur. Cette liberté a été rappelée par le président libéral, Georges-Louis Bouchez, jeudi 2 juillet, lorsque la Chambre était censée se prononcer sur une proposition de loi élargissant les possibilités d’interruption volontaire de grossesse. Dans d’autres formations, la latitude dont jouit, en ces matières, le parlementaire, est moins établie, mais elle existe néanmoins.  » Il peut, en cas de divergence pour des raisons de conscience individuelle, faire appel à l’instance interne concernée. En l’occurrence, il s’engage à respecter un devoir de réserve au moins tant que l’instance interne concernée n’a pas pris position « , peut-on ainsi lire dans le Code moral et politique pour les mandataires politiques d’Ecolo . La N-VA et son ancêtre la Volksunie s’étaient dotées de dispositifs similaires. Et, récemment, Maxime Prévot avait annoncé que les élus du CDH pourraient eux aussi en profiter.

L’idée paraît portée par le goût du jour : la réputation des parlementaires  » presse-bouton  » et de leurs présidents tout-puissants discrédite la délibération démocratique. Mais sous ses airs de sympathique remède contre la particratie, elle sert surtout de soupape à une structure qui veut conserver son unité… ou s’en créer une, en se désintéressant collectivement des questions clivantes. C’est en effet en laissant leur liberté de vote aux futurs parlementaires sur les questions scolaires, celles sur lesquelles laïques et cléricaux s’affrontaient depuis plus d’un siècle, qu’Omer Vanaudenhove, président libéral de 1961 à 1968, put attirer à son nouveau Parti de la liberté et du progrès de nombreux mandataires catholiques de droite : le meilleur moyen de ne plus devoir parler de sujets qui fâchaient était de les garder pour soi. Les questions dites éthiques vinrent ensuite compléter la liste des sujets dont on ne pouvait pas parler, autorisant, à la fin des années 1990, côté francophone, le PRL – dont pourtant de nombreux parlementaires avaient voté pour la dépénalisation de l’avortement – à accueillir un MCC issu de l’aile droite du PSC.

Mais la méthode ne fonctionne pas toujours. Elle ne porte jamais, au vrai, que sur des questions que le parti ne considère plus que comme secondaires : on voit mal les députés MR voter différemment sur une proposition de baisse des impôts, ceux d’Ecolo faire appel à leur  » conscience individuelle  » pour se prononcer pour la prolongation d’une centrale nucléaire, ou ceux de la N-VA l’invoquer pour se positionner sur le confédéralisme.

Et puis, lorsque les questions deviennent si brûlantes que les refouler sous les plis de la conscience du parlementaire est impossible, la liberté de vote ne tient jamais un parti uni. Dans les années 1960, tous les partis unitaires l’avaient proclamée sur les thématiques linguistiques et institutionnelles. Tous les parlementaires des partis unitaires avaient voté les lois linguistiques et institutionnelles selon ce que leur dictait leur conscience plutôt que leur président de parti. Et tous les partis unitaires avaient fini par éclater.

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