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Les laquais de la politique belge : l’État continue à payer le personnel de neuf anciens ministres

Brecht Castel

Les ex-ministres fédéraux sont autorisés à garder deux employés pendant 5 ans après leur mandat, aux frais de l’État. Le prix est d’environ 1 million d’euros par an.  » Cet arrangement dépasse son objectif. « 

Lorsqu’un ministre fédéral démissionne, il est autorisé à garder deux employés durant le mandat ministériel suivant, aux frais de l’État. Ainsi, pendant cinq années supplémentaires, le gouvernement paie le personnel des anciens ministres, ce qui coûte 112 152,30 euros par ex-ministre et par an.

Les recherches menées par Knack, par le biais de la loi sur la publicité de l’administration, révèlent que neuf anciens ministres du gouvernement Wilmès ont eu recours à ce dispositif, qui a vu le jour en 2001. Le coût maximal pour 2021 s’élève donc à 1 009 370,70 euros. Seuls Marie-Christine Marghem (MR) et François Bellot (MR) n’utilisent pas le dispositif, alors qu’ils y ont droit.

Pourquoi les politiciens dont le mandat a pris fin ont-ils encore droit à du personnel administratif ? « Lorsqu’un ministère touche à sa fin, le soutien est utile », déclare le professeur en gouvernance publique Bram Verschuere (Université de Gand). « La démission d’un grand cabinet entraîne de nouvelles tâches : archivage, documentation et transfert vers le nouveau cabinet. Cependant, ce système bien intentionné est parfois utilisé pour embaucher ces employés comme chauffeurs privés ou comme employés de campagne, ou pour empêcher les collaborateurs de se retrouver au chômage. Ce faisant, il outrepasse son objectif. La raison pour laquelle il existe encore n’est pas claire ».

Concurrence déloyale

Tous les ex-ministres que nous avons contactés indiquent que les assistants les soutiennent principalement sur le plan administratif. Il y a aussi d’anciens ministres qui sont maintenant des membres ordinaires du Parlement et qui emploient leurs assistants au Parlement. Koen Geens (CD&V) travaille actuellement avec une employée à temps plein : « Elle soutient mon travail législatif et suit les activités quotidiennes de la commission Justice ».

Maggie De Block (Open VLD) dispose d’un assistant personnel et d’un conseiller scientifique qui s’occupent des « contributions et conseils de fond pour les projets de loi et les questions parlementaires ». Pieter De Crem (CD&V) emploie également ses deux assistants pour le travail parlementaire : « Le suivi de la question du covid-19 au sein de la commission exige beaucoup de préparation ».

Selon Verschuere, cette mesure a un effet pervers. « Elle crée une sorte de concurrence déloyale entre les politiciens. Les ex-ministres ont plus de personnel que leurs collègues députés. Si vous utilisez ces forces comme personnel supplémentaire pour le parti, il s’agit d’une forme indirecte de financement du parti. Ce financement est déjà abondant dans notre pays ».

Tous les ex-ministres avec lesquels Knack a eu des contacts nient que les membres du personnel sont utilisés pour le parti. Mais », dit Verschuere, « les ex-ministres peuvent en fait utiliser ces employés à n’importe quelle fin. Il y a très peu de contrôle. »

L’exemple néerlandais

Verschuere critique également la durée de la mesure. Mettre fin à une période de cabinet – à laquelle la règle est réellement destinée – ne prend pas cinq ans. Cela peut être fait en quelques mois. Koen Geens a employé une personne pour l’archivage pendant trois mois, mais a résilié le contrat à la fin du travail. Il a encore un employé. Pour d’autres ministres, les deux contrats à temps plein se poursuivent, même si leur mandat est arrivé à terme.

Les anciens ministres qui ne siègent plus au Parlement ont également recours à ce système. Philippe De Backer (Open VLD) est à présent administrateur indépendant de la société fintech Unifiedpost Group et a toujours un employé. Didier Reynders (MR), qui, en tant que Commissaire européen à la Justice, dispose de nombreux employés de la fonction publique, utilise encore l’arrangement belge pour « un emploi administratif à temps plein ».

Verschuere estime que le système néerlandais a plus de mérite. « Chez nos voisins du Nord, un ex-ministre peut conserver un conseiller politique pendant quelques mois. De plus, cet employé reste au service du ministère, ce qui signifie que le contenu du travail est plus proche du domaine politique de l’ex-ministre. »

« En Belgique, la règle actuelle coûte davantage à la crédibilité de la politique que le coût de 100.000 euros par ex-ministre par an », conclut Verschuere. « Même si, bien entendu, cette crédibilité ne peut être exprimée en euros. »

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