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« Le féminisme intersectionnel est beaucoup plus inclusif » (entretien)

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Elisa VdK, 35 ans, a réalisé, en 2021, Les Nouvelles Guérillères, un documentaire sur les objectifs, le fonctionnement et les actions de collectifs et citoyennes féministes bruxelloises intersectionnelles. Un mouvement plus constructif que radical, analyse-t-elle.

Son film dure septante minutes. Il donne la parole aux collectifs bruxellois La Fronde, Laisse les filles tranquilles, Déchainé·es, Noms Peut-être !, Bledarte, Imazi reine, Mémoire coloniale et Lutte contre les discriminations. Et à Apolline Vranken (L’Architecture qui dégenre) et Manon Brulard (HackYourFuture Belgium). Point commun : le féminisme intersectionnel, qui prend en compte toutes les oppressions : sexisme, violences sexuelles, racisme, âgisme, grossophobie, homophobie, transphobie, etc. A travers Les Nouvelles Guérillères, Elisa VdK entend « mettre en avant leur boulot, super noble et qui exige une énergie folle ».

Qu’est-ce qui différencie ces militantes de leurs  » prédécesseuses  » ?

La convergence des luttes. Elles englobent les différentes strates de domination du capitalisme et du patriarcat. Ce n’est plus simplement un combat contre le sexisme et les inégalités de genre. Il est aussi désormais mené contre les inégalités sociales, les identités de genre, les orientations sexuelles, la couleur de peau. C’est un féminisme beaucoup plus inclusif, beaucoup plus représentatif des combats de son époque, tous les combats, que ne l’ont peut-être été des mouvements plus anciens. Pour autant, ces derniers ne sont pas rejetés. Sauf les Terfs (NDLR : Trans-exclusionary radical feminist, ou féministes qui n’incluent pas les personnes transgenres) – c’est beaucoup revenu dans les témoignages et c’est fort marqué dans leur vision.

Leurs stratégies sont différentes ?

Elles me semblent très variées. Il y a du collage quand l’actu est bouillante en matière d’agressions, il y a l’éclairage sur les problématiques (avec L’Architecture qui dégenre), les balades décoloniales (avec Mémoire coloniale)… J’ai l’impression que les façons de combattre le patriarcat, dont l’espace urbain est une émanation, se sont multipliées. Il y a de la colère et de la rage, et c’est légitime quand on voit l’actualité au quotidien depuis des dizaines et des dizaines d’années, mais c’est exprimé de façon hyperconstructive. Dans mon docu, on voit qu’il y a une énergie positive, plus que de la violence.

Quelles avancées ont déjà été obtenues ?

D’un côté, il y a les choses concrètes mises en place : #balancetonbar a permis la fermeture d’établissements et l’installation de politiques nouvelles dans d’autres ; en boîte, après la mobilisation, un videur nous informait qu’un stand avec une personne de contact était accessible, à l’intérieur, toute la nuit, et quand je suis sortie, on m’a demandé si je savais comment rentrer. C’était la première fois en vingt ans de teuf. D’autre part, il y a l’impact, le rayonnement : ces collectifs ont des dizaines de milliers de followers, c’est énorme ! Les réseaux sociaux font que ces nouvelles générations, entre 20 et 25 ans, obtiennent l’information, la recoupent, la transmettent, dénoncent, agissent, se mobilisent, même de loin. Et tous genres, toutes identités, tous niveaux sociaux confondus. C’est une merveilleuse avancée, ça.

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