Bertrand Candelon

Le décodeur de l’économie de Bertrand Candelon: le choc énergétique sera temporaire mais… (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Le risque d’une « stagflation » identique à celle observée au début des années 1970.

L’envol des prix de l’énergie cristallise toujours autant d’inquiétude auprès du grand public. Les consommateurs y voient à juste titre une baisse conséquente de leur pouvoir d’achat après la crise particulièrement éprouvante de la Covid et ressentent, pour les plus avertis d’entre eux, les prémisses d’une récession future.

Il faut tout d’abord se rendre compte que les prix du marché de l’énergie, et en particulier du pétrole, restent en deçà de ceux observés, par exemple, en 2012 – d’autant plus si on tient compte de l’inflation. Ce sont principalement les taxes et le coût du transport qui donnent cette impression de hausse. Ensuite, les prix des matières premières ont toujours été sujets à de fortes fluctuations. On se souvient que celui du brut avait chuté pendant le confinement de mars 2020, atteignant même un montant négatif aux Etats-Unis et permettant aux ménages de se constituer une épargne significative. En conséquence, il est extrêmement difficile de prévoir l’évolution des prix à moyen mais aussi à long terme, comme en attestent les erreurs de prévision récurrentes des agences qui en sont en charge.

La hausse qu’on observe en ce moment est principalement causée par le rebond de l’économie mondiale après la Covid. Les importateurs de pétrole, en particulier les Etats-Unis et la Chine, ont vu leur croissance repartir très fortement en 2021, créant une pression sur la demande de pétrole ainsi qu’une congestion des transports. De même, les marchés financiers ont connu une croissance importante en 2021. Les matières premières énergétiques étant pour les investisseurs des actifs comme les autres, elles aussi ont vu leur valeur grimper. Finalement, les recettes fiscales générées par l’augmentation des prix de l’énergie constituent un moyen très simple et automatique pour renflouer en partie les caisses de l’Etat mises à mal par la crise sanitaire.

Ce choc énergétique sera probablement temporaire. Les prévisions de croissance pour 2022 sont moindres que celles pour 2021 et sont désormais revues à la baisse. La pression sur la demande va donc se desserrer. De plus, les marchés financiers ont aussi marqué une pause dans leur croissance, amplifiant ainsi cette baisse.

Néanmoins, même si ce choc énergétique est temporaire, il pourrait avoir des conséquences économiques à long terme. En effet, la conservation du pouvoir d’achat étant le principal moteur des négociations salariales, une hausse de l’inflation ne manquerait pas d’influencer les salaires en les faisant gonfler, engendrant à travers le cercle vicieux prix-salaire-prix une inflation persistante et structurelle, identique à la « stagflation » observée au début des années 1970. De même, face à cette inflation, les banques centrales ne pourront plus continuer leur politique accommodante et devront réduire leur rachat de titres et augmenter les taux d’intérêt – ce qui a été fait tout récemment par la Reserve Bank de Nouvelle-Zélande, pour la première fois depuis sept ans – avec des conséquences négatives sur la croissance, déjà anémique pour l’après 2022, mais aussi créant un renchérissement de la dette publique.

La hausse temporaire des prix de l’énergie est bien une inquiétude pour le grand public mais pourrait aussi devenir un casse-tête pour les autorités publiques.

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