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« Le couvre-feu anversois est illégal »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Le 28 juillet dernier, la cellule de crise d’Anvers a décidé d’imposer un couvre-feu dans toute la province, une mesure destinée à endiguer la recrudescence de l’épidémie de coronavirus, mais considérée comme illégale par plusieurs spécialistes.

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les habitants de la province d’Anvers, y compris ceux qui vivent dans une commune où il n’y a aucun nouveau cas de coronavirus confirmé, sont tenus de rester chez eux entre 23h30 et 6h à moins d’un déplacement essentiel, médical ou professionnel. Les habitants qui enfreignent la règle risquent une amende de 1600 euros, et une peine de prison de 14 jours.

Pour Johan Vande Lanotte, professeur de droit constitutionnel et ancien politicien du sp.a, le gouvernement a instauré le couvre-feu « pour des raisons de commodité », alors qu’une interdiction de rassemblement pourrait « atteindre presque le même objectif ». C’est pourquoi le couvre-feu est « disproportionné » et donc « illégal », selon lui.

Selon le professeur, les fêtes et les soirées causeront toujours des problèmes et seront difficiles à contrôler, même avec un couvre-feu. En revanche, l’interdiction des rassemblements peut être considérée comme une mesure proportionnelle à la situation. « L’interdiction de rassemblement interdit ce qui n’est plus autorisé. Un couvre-feu interdit ce qui n’est plus autorisé, mais bien plus encore. Il n’y a aucun danger pour la santé publique si l’on souhaite se promener à minuit seul ou avec son partenaire », argumente-t-il. Il souligne aussi que les gens peuvent très bien organiser des fêtes en journée, ou rester loger après une fête privée.

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Raisons de commodité

Néanmoins, le couvre-feu a été instauré, et ce, selon Vande Lanotte, parce que « pour des raisons de commodité », le gouvernement a décidé de ne pas se limiter à la décision la plus pertinente. Si nous commençons à utiliser la facilité de maintien des services de police comme un motif décisif pour une restriction aussi importante de la liberté, nous sommes fondamentalement dans l’erreur ».

Le professeur souligne que la réaction du gouvernement doit être « forte et inhabituelle » pendant la crise du coronavirus, « mais elle ne doit jamais dépasser les marges de proportionnalité », selon Vande Lanotte. « Si davantage de ressources policières étaient nécessaires, un soutien fédéral supplémentaire pourrait et devrait être demandé ».

Politologue à l’Université d’Anvers, Dave Sinardet partage son avis. Il déplore la décision de la province. « C’est la première fois depuis la guerre, même sous la menace terroriste, il n’y a pas eu de couvre-feu. Ce n’est pas anodin », déclare Sinardet à la VRT. « Nous risquons de considérer le couvre-feu légitime et normal, et de l’imposer plus facilement. »

https://twitter.com/DaveSinardet/status/1287981083741638656Dave Sinardethttps://twitter.com/DaveSinardet

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Durant la Seconde Guerre mondiale, l’occupant allemand avait imposé un couvre-feu de 0h30 à 6h à Anvers et à minuit tous les « locaux publics » devaient fermer. Sans surprise, les juifs subissaient un couvre-feu encore beaucoup plus contraignant, ils n’avaient pas le droit de sortir de chez eux entre 19h et 7h.

Échec cuisant

Pour Sinardet, le couvre-feu sert à masquer l’échec cuisant de la province d’Anvers. « Si aujourd’hui, la politique impose des mesures de restriction de liberté de grande envergure, certainement dans la province d’Anvers, c’est le résultat de son échec cuisant : un tracing digne de ce nom aurait pu éviter d’en arriver là ».

Avec Belga

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