Nicolas De Decker

« Le CD&V, ce parti qui se piqua de décerner des brevets de charisme à ceux qui ne parlaient pas sa langue »

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il ne pouvait venir que de là, cet imparable argumentaire tétralogique : Sophie Wilmès est francophone, Sophie Wilmès manque de charisme, donc Sophie Wilmès manque de leadership, donc la Flandre doit exercer davantage de compétences, donc le fédéral moins, et donc c’est à cause des francophones.

Il vint, cet éclatant constat, de ce parti qui fournit à la Belgique septante-cinq ans de ministres chauves au crâne pourtant poisseux de brillantine, succédant à des ministres au crâne poisseux de brillantine mais néanmoins chauves, en costume gris, zozotant de ternes tirades sous de pesantes bésicles, et qui se piqua au printemps 2020, par désoeuvrement esthétique ou par malévolence politique, de décerner des brevets de charisme à ceux qui ne parlaient pas sa langue.

On a nommé, le CD&V, ex-CVP, ex-CVP-PSC.

Oui, le parti de Joachim Coens, de Koen Geens, de Wouter Beke, de Nathalie Muyle, de Kris Peeters et de Pieter De Crem. Autant dire la galaxie de tous ces astres dont le Mahatma Gandhi et Michael Jackson, dont Madonna et la Pasionaria, dont même Bob Dechamps et Sergio La Valle auraient envié le lumineux magnétisme, ainsi donc, au CD&V, on commença à raconter que le problème, dans ce pays, c’était que Sophie Wilmès n’avait pas assez de charisme.

Rendant honneur à plusieurs siècles de casuistique louvaniste, les sociaux-chrétiens flamands mirent le printemps 2020 à profit pour dénoncer l’absence de leadership fort qui découlait, disaient-ils, de ce manque allégué de charisme. Ils allaient même en profiter pour proclamer la nécessité de doter la Région flamande de davantage de pouvoirs afin que son salut ne fût plus à la merci de ces manquants de charisme au sabir étranger qui, incapables d’exercer le moindre leadership, conduisaient le CD&V, donc le pays, donc la Flandre, à la ruine.

Car c’était bien connu, et depuis bien longtemps déjà, au CD&V : ce que les Flamands font eux-mêmes, ils le font mieux, grâce à leur leadership bien assis sur un charisme puissant, comme ils disent là-bas, wat we zelf doen, doen we beter, entre deux apogées de charisme au costume gris et aux bésicles pesantes. Et cet éternel théorème se trouvait renforcé à l’examen des récentes conséquences de ce manque de charisme et de leadership francophones pour le parti et pour son pays.

Car si Sophie Wilmès, en effet, en avait davantage imposé aux ministres de son gouvernement fédéral, Koen Geens, Pieter De Crem et Nathalie Muyle auraient joui de moins d’autonomie et de moins de visibilité, et on comprend qu’il y a de quoi en vouloir à Sophie Wilmès, quand on tient à la survie du CD&V.

Et puis si les francophones n’avaient pas tant résisté à toutes ces vagues de régionalisation, la Flandre triomphante, charismatique et directive aurait pu gérer l’ensemble des dimensions de cette crise historique.

C’est leur faute donc si Wouter Beke, ministre flamand de la Santé, a dû limiter son charisme à laisser les maisons de repos flamandes se transformer en mouroirs et à le cacher aux autorités sanitaires.

Et c’est leur faute aussi, celle de Sophie Wilmès en particulier, si les écoles de Flandre n’ont pu rester ouvertes comme le désirait encore le gouvernement régional à la mi-mars, qui dut subir l’énième diktat d’une francophone sans leadership nuisible au pays, donc à la Flandre, donc au CD&V, et qui consacre le théorème des flamingants les plus ardents : ce que les Flamands font eux-mêmes, ils le foirent mieux.

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