Le gouvernement belge en exil au Havre. A sa tête: Charles de Broqueville (troisième en partant de la gauche). © BROQUEVILLE.BE

Le 14 novembre 1914, la renaissance du « XXe siècle »

En ce jour autonomal de 1914, le quotidien « XXe siècle », très proche du parti catholique, ressucite et s’apprête à connaître son heure de gloire, en devenant un outil de propagande nationale.

Instaurare omnia in Christo ». Cela n’aura pas échappé aux plus sagaces de ses lecteurs: ce matin, en tête de sa première page, Le XXe siècle n’arbore plus sa célèbre antienne programmatique. « Instaurer toutes choses dans le Christ », verset tiré d’une lettre de saint Paul, avait été choisi comme devise par le pape Pie X. « Il était aussi devenu le credo de ce quotidien très proche du parti catholique. Ce n’est pas le seul changement. La typographie du journal est, elle aussi, modifiée. Sans parler de son contenu. En ce jour automnal, Le XXe siècle ressuscite, oui ; mais il a changé. Et il s’apprête à connaître son heure de gloire.

Charles de Broqueville y tenait particulièrement. En compagnie de ses collègues, le chef du gouvernement vient de s’installer au Havre. C’est de là que, durant quatre ans, il va diriger la Belgique en guerre. Mais il lui manque un outil pour soutenir l’union sacrée, façonner les esprits, relayer des revendications. Le XXe siècle, qui a cessé de paraître à l’aube de la Première Guerre mondiale, ne pourrait-il pas s’en charger? Broqueville en parle au rédacteur en chef. Partant, Fernand Neuray accepte de transformer son quotidien en un outil de propagande nationale.

Nationale ou nationaliste? Très vite, il apparaît que le journal n’y va pas mollo. S’inspirant largement de Charles Maurras et de l’Action française, Le XXe siècle se fait le berceau d’un nouveau nationalisme belge. Sur le plan philosophique, la guerre est perçue comme un élément structurant de la vie en société, tandis que l’être humain devient l’objet d’une méfiance naturelle. Politiquement, on se met à vanter les mérites d’un régime fort (peu démocratique). Sur le plan extérieur, le programme de Neuray tient en trois points: « une bonne armée, de bonnes alliances et une bonne frontière ». Le XXe siècle rêve d’une Belgique plus grande! Il demande qu’au sortir de la guerre, Bruxelles réclame le duché de Luxembourg, quelques cantons allemands et le Limbourg néerlandais.

Le succès est au rendez-vous. Le journal passe de 2.000 exemplaires en 1914 à 15.000 un an plus tard. Au soir de la Grande Guerre, il franchit le cap des 100.000 lecteurs. Il a aussi gagné en légitimité. Du fait de ses contacts dans les milieux publics en exil, le quotidien est considéré comme l’organe officieux du gouvernement. De plus en plus, ses thèses reflètent – et influent – celles des officiels. En 1917, quand une crise du papier met les journaux en péril, Broqueville intervient personnellement auprès des fournisseurs pour que Le XXe siècle ne soit pas touché.

Neuray est devenu un leader d’opinion. En mars 1918, voulant surfer sur la vague, il fonde La Nation belge, qui finira par prendre le relais du XXe siècle. Mais ses espoirs ne seront guère rencontrés. A Versailles, à l’heure de négocier les traités de paix, la Belgique n’obtient que de maigres compensations territoriales. Parallèlement, le nationalisme flamand est sorti renforcé des tranchées. Sans doute l’heure de gloire du nationalisme belge est-elle déjà passée.

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