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La théorie des intelligences multiples : le futur de la pédagogie ?

Stagiaire Le Vif

Trop souvent limitée à sa mesure par le quotient intellectuel (QI), l’intelligence est pourtant un sujet très vaste et diversifié. En 1983, Howard Gardner, un psychologue du développement, énonçait sa théorie des intelligences multiples. Alors que traditionnellement, à l’école, seules deux types d’intelligence mesurant les capacités verbales et logico-mathématique étaient valorisées, il existerait six autres formes d’intelligence. Des intelligences multiples qui permettent à chaque individu d’être différent et de s’épanouir à sa manière.

Tout au long du XXe siècle, le psychologue Piaget a défendu l’idée que l’intelligence est principalement logico-mathématique. Pour autant, certains réfutèrent cette manière de penser réductrice. Ainsi, en 1983, Howard Gardner remet en question les travaux de Piaget et propose une théorie moins unilatérale de l’intelligence. Selon lui, il existerait au total huit formes d’intelligence. On retrouverait donc les intelligences verbo-linguistique (la capacité de jouer avec les mots, savoir concevoir et créer des textes), logico-mathématique (raisonner logiquement, être habile avec les chiffres, résoudre des problèmes), visuo-spatiale (sollicitée lorsque l’on est dans l’espace, on est créatif, à l’aise avec la 3D, les jeux de construction…), intra-personnelle (la connaissance de soi, savoir cerner ses forces et ses faiblesses),interpersonnelle (aimer être en contact avec les autres, arriver à discerner les humeurs…), musico-rythmique(sentir le rythme, les sons, pratiquer un instrument), kinesthésique (valorisée quand on fait du sport ou des activités manuelles) et enfin naturaliste (être sensible à la nature, l’environnement, les animaux…).

Huit intelligences liées entre elles

« On a toutes ces formes d’intelligence en nous« , explique Laurence Nicolaï, psychopédagogue et directrice du Centre pour la valorisation des intelligences multiples(CVIM). « Elles se développent différemment en fonction de l’individu. On a tous des intelligences dominantes et des intelligences moins sollicitées. Pour arriver à un épanouissement personnel, il faut valoriser ses points forts, mais aussi travailler les points faibles. Cela permet de se structurer, d’apprendre le goût à l’effort…« , ajoute-t-elle. Toutes ces intelligences sont, par ailleurs, liées entre elles, elles sont interconnectées. Lorsque l’on pratique une activité, ce sont donc plusieurs formes d’intelligence qui sont mises à contribution. Par exemple, faire du sport dans un club, avec d’autres personnes, permettra d’exploiter aussi bien l’intelligence kinesthésique que l’intelligence interpersonnelle.

Cette théorie des intelligences multiples permet aussi d’avoir une vision plus juste et moins réductrice que celle exprimée par le seul test du QI. « Ces tests ne reprennent que deux intelligences, logico-mathématique et verbale, et font un peu appel à la spatiale. Il ne prend donc pas en compte les autres formes d’intelligences. De plus, pour des personnes dyslexiques ou atteintes d’autres troubles d’apprentissage, par exemple, le test peut montrer des résultats en sous-performance« , indique la directrice du CVIM . « Mais cela reste toujours un test utile, car il permet de croiser les données quantitatives aux données qualitatives récoltées lors des divers tests« .

Comprendre les huit intelligences grâce à des boules d’énergie

Au-delà de la simple théorie, ces intelligences multiples peuvent être applicables dans certains domaines et notamment au niveau de la pédagogie, et ce dès le plus jeune âge. Alors qu’aux Etats-Unis ou au Canada, notamment, des méthodes et des outils liés aux intelligences multiples ont été développés depuis plusieurs années dans les écoles, en Europe seules quelques démarches du genre ont été entreprises. « Il existait un néant européen dans ce domaine. Tout était trop théorique, il manquait des maillons entre la théorie et les gens de terrains. Il fallait quelque chose d’applicable et compréhensible pour les enfants« , » estime Françoise Roemers-Poumay, une ancienne institutrice qui a créé la pédagogie Octofun en 2013. Une pédagogie applicable à l’école ou à la maison, et qui permet aux enfants de prendre conscience des différentes formes d’intelligences qu’ils possèdent. Les huit intelligences sont matérialisées par des boules d’énergie et grâce à différents outils (jeux de cartes, manuels, CD, carnets…), l’enfant exploite au quotidien ses différentes intelligences. « Il y a des outils plus ou moins similaires au Canada, mais les intelligences sont représentées par des personnes. Or, il est difficile pour l’enfant d’imaginer qu’il y ait des personnes en lui. C’est pourquoi, avec Octofun, les intelligences sont des boules d’énergie. Chaque enfant a en lui des boules d’énergies dominantes et d’autres, moins importantes. Le but est de faire comprendre à l’enfant qu’il faut toutes les stimuler, c’est très important de mettre les huit intelligences à contribution dès le plus jeune âge, cela permet aussi à l’enfant de prendre conscience de son potentiel« , analyse-t-elle.

8 boules d'énergie qui représentent les intelligences multiples
8 boules d’énergie qui représentent les intelligences multiples© Octofun

Cet outil permet à l’enfant d’apprendre différemment, d’exploiter ses points forts et optimiser son travail tout en essayant de combler ses points faibles. « Grâce à cette méthode, l’enfant stimule son potentiel dans la joie« , ajoute l’ancienne institutrice. Ainsi, un enfant plus Mélofun (la boule d’énergie liée à l’intelligence musico-rythmique), aura plus de facilité à retenir ses tables de multiplication ou la conjugaison en chantant, alors que pour un enfant plus 3DFun (la boule d’énergie liée à l’intelligence visuo-spatiale), faire une belle carte conceptuelle l’aidera dans ses révisions.

Dans les écoles belges ayant recours à cette méthodologie, les enfants sont groupés (quelques heures par semaine) selon leurs intelligences dominantes, et les institutrices adaptent les méthodes de travail fonction de ces groupes. En somme, une manière d’aborder différemment et avec moins d’appréhension les matières jugées « difficiles » pour l’enfant.

Des intelligences qui évoluent avec le temps

Oeuvre sur le thème d'Harry Potter qui résulte d'un travail sur les intelligences visuospatiale, verbolinguistique et kinesthésique !
Oeuvre sur le thème d’Harry Potter qui résulte d’un travail sur les intelligences visuospatiale, verbolinguistique et kinesthésique !© CVIM

Au CVIM, plusieurs ateliers sont proposés, chacun en lien avec une intelligence. Et ce, pour tous les âges, que la personne soit un enfant, un adolescent ou même un adulte. « Les intelligences multiples ne sont pas figées. Il y en a souvent deux, trois formes d’intelligences dominantes, mais elles évoluent en fonction de notre environnement, de ce que l’on fait, des personnes avec lesquelles ont interagi« , précise Laurence Nicolaï. « Au CVIM, on part des forces et on propose un parcours pour que la personne puisse trouver un équilibre psychique, émotif, cognitif…« , ajoute-t-elle. Ainsi, le but sera d’exploiter au maximum le potentiel d’une personne, via ses intelligences dominantes, afin de réaliser un projet, le tout encadré par des accompagnateurs pluridisciplinaires. Histoire de ne pas se limiter à une seule forme d’intelligence, mais essayer d’en solliciter le maximum.

La théorie des intelligences multiples et les outils associés commencent donc à être de plus en plus pris en considération en Belgique, mais son application reste minoritaire dans les établissements scolaires. « Il y a pourtant un réel besoin de prendre un nouveau tournant dans la pédagogie en Belgique. Il faut vraiment initier l’enfant à de nouvelles choses, le tout de manière ludique« , conclut Françoise Roemers-Poumay.

Outre dans l’éducation, il ne serait pas surprenant de voir la théorie des intelligences multiples être exploitée à d’autres niveaux…comme au travail. En effet, au Québec, comme le rapporte le journal de Montréal, les huit intelligences sont de plus en plus considérées par les employeurs. Un moyen de voir si le candidat possède toutes les aptitudes exigées par la profession donnée.

Par François Cahour

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