Carl Devos

La Suédoise manque d’un chef

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Durant la campagne précédant les élections du 25 mai, la grande majorité des partis promettaient la formation rapide d’un gouvernement. La situation du pays l’exigeait. Ce constat n’a malheureusement pas mené à une constitution rapide.

La formation fédérale s’enlise ainsi dans un feuilleton indigne, avec le 16 comme décor d’une polémique honteuse. Il manque une échéance contraignante ainsi qu’un dirigeant qui façonne les compromis et organise l’accord. Que penser d’un gouvernement lorsque personne n’a le courage de le diriger ? Pourquoi les libéraux se cachent-ils ? Entre-temps, Maggie De Block se profile, sans doute, avant tout, pour augmenter l’importance de l’Open VLD à la table des négociations. Qu’attend Charles Michel pour prendre ses responsabilités ? Bart De Wever est le seul qui était candidat par avance, mais il n’a plus cette ambition à présent : parce que le leadership d’un gouvernement belge, sans réforme de l’Etat qui plus est, est une question épineuse pour un nationaliste flamand, parce qu’un tel scénario rencontrerait une grande opposition du côté francophone, mais aussi tout simplement parce que cela demande des compromis que la N-VA souhaite éviter. Au CD&V, ils ont jugé le poste de commissaire européen plus important et ils veulent utiliser leur liberté retrouvée pour profiler le CD&V comme un véritable parti de programme qui, aux côtés du MR, doit faire contrepoids vers la gauche dans cette formation qui tend à droite.

De Wever deviendra sans doute un Premier ministre de l’ombre qui coupera les ailes au chef du gouvernement en exercice

C’est ainsi que même sans le PS, une opposition gauche-droite émerge, qui place la N-VA et l’Open VLD face au CD&V et au MR. Le premier couple est nouveau, le second non : dès avant les élections, Wouter Beke et Charles Michel ont donné une interview remarquée.

Les enfantillages concernant le 16 se poursuivant, il manque à la formation de la suédoise un moteur capable de défaire les noeuds du budget et des réformes socio-économiques. La nécessité d’une telle personnalité est illustrée par la division au niveau du contenu, de l’idéologie et de la stratégie au sein de cette équipe. La discussion concernant le poste de Premier ministre est le symptôme, et non la cause d’une lacune plus profonde. Oui, la situation est difficile mais il est devenu clair entre-temps que même sans la gauche, une cohésion forte n’est pas garantie. Cela ne présage rien de bon pour l’avenir.

De Wever deviendra sans doute un Premier ministre de l’ombre, qui contribuera à contrôler le gouvernement à distance. Lui et/ou le vice-Premier Jan Jambon pèseront très lourd et couperont les ailes au chef du gouvernement en exercice. Cela vaudra tout autant pour le vice-Premier CD&V, probablement Kris Peeters, et pour un Wouter Beke, président des sociaux-chrétiens flamands, dont le pouvoir s’est renforcé. Si Charles Michel s’installe au 16, mieux vaut qu’il prenne Didier Reynders à bord car celui-ci est encore plus dangereux à l’extérieur qu’à l’intérieur, mais de cette manière, Reynders aura également de l’influence. Et à l’Open VLD, en quête de revanche, un vice-Premier fougueux et un président à l’extérieur de l’exécutif veilleront à une ligne propre aux bleus flamands.

Bref, si les partis de la suédoise sont sérieux, ils enverront des personnalités fortes au gouvernement et ils laisseront leur formation aux mains d’une personnalité consensuelle modeste. Dans ce cas, il faut bien entendu qu’ils s’entendent le plus rapidement possible. Qu’il n’y ait plus de véritable opposition de droite peut renforcer l’alliance, mais d’un autre côté, tous les concurrents sont enfermés dans un cabinet difficile. A croire que personne ne se retrouve avec enthousiasme dans cette coalition en définitive pas si « logique » que cela. Le plus grand danger qui menace le gouvernement fédéral ne réside donc pas au sein de son opposition.

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