Pieter-Jan Van Bosstraeten

« La N-VA jette les valeurs clés du nationalisme flamand civique à la décharge »

Pieter-Jan Van Bosstraeten Master en Études européennes et ancien collaborateur de la N-VA

Ancien collaborateur de la N-VA, Pieter-Jan Van Bosstraeten estime, dans une opinion parue sur Doorbraak.be, que la nouvelle bible idéologique de la N-VA jette à la décharge les valeurs clés du nationalisme flamand civique. « Le renoncement idéologique comme bombe à retardement : est-on parti pour une seconde Volksunie ? »

Le bleuissement de la N-VA

De nombreux nationalistes civiques ont été étonnés d’apprendre que la N-VA refuse de signer une résolution appelant le gouvernement fédéral à reconnaître l’état palestinien. La N-VA ne devrait-elle pas être LE parti politique à défendre sans détour le droit à l’autodétermination de tous les peuples et donc également le droit à un état palestinien indépendant ?

La N-VA ne devrait-elle pas être LE parti politique à défendre sans détour le droit à un état palestinien indépendant?

Pour ceux qui suivent la N-VA depuis longtemps, cette position n’a rien d’étonnant. La question Israël-Palestine cadre parfaitement dans une tendance plus large de renoncement idéologique en matière d’affaires étrangères et de défense. Cette évolution s’est accélérée ces dernières années avant d’aboutir à la victoire électorale éclatante de 2010 comme moment charnière. La raison en est purement électorale : le parti aspire en effet à capter la pensée dominante.

Au lieu de se positionner comme un parti de centre relatif, la N-VA se profile de plus en plus comme parti libéral classique de droite, avec comme conséquence un durcissement des points de vue dans divers domaines. N’hésitez pas à parler de la « libéralisation » ou du « bleuissement » de la N-VA, une évolution étayée par une politique de recrutement consciente visant à attirer de plus en plus de personnes au profil ou aux antécédents nettement libéraux. Le fantôme de la Volksunie revient hanter la N-VA sous la forme d’une dissension marquée, cette fois entre les ‘ »libéraux de droite » et les « nationalistes civiques traditionnels ».

Du pacifisme à la realpolitik

En 2001, le droit à l’autodétermination des peuples et le pacifisme émancipateur, qui figure incontestablement dans l’ADN du nationalisme populaire flamand, était mentionné explicitement et sans détour dans le manifeste fondateur : « Le pacifisme est une marque flamande par excellence, c’est la raison pour laquelle la Flandre doit se concentrer sur la prévention de conflits et la médiation plutôt que sur la défense, ce qui n’équivaut pas à une neutralité terne, mais à défendre les droits de l’homme de tous les peuples dans le monde. La Flandre doit prendre l’initiative dans la lutte non violente pour l’émancipation de tous les peuples opprimés ».

Après 2010, un discours de défense de plus en plus marqué s’est développé parmi les adeptes de l’OTAN: le pacifisme a fait place à la défense. La lutte interne entre ces libéraux de droite et les nationalistes civiques traditionnels s’est muée en combat entre les « vautours » et les « pigeons » politiques : ceux qui sont favorables à une politique étrangère dure soutenue par une politique de défense forte contre ceux qui plaident pour une politique étrangère plus souple, plus axée sur la prévention et la médiation de conflits.

Le droit à l’autodétermination: Israël-Palestine

Le dossier Israël-Palestine illustre de manière frappante l’évolution lente, mais consciente du parti. En accord tout à fait logique avec ses valeurs de base, il y a peu de temps encore le parti a soutenu les griefs du peuple palestinien, même quand il a fait l’objet de critiques (évidentes) de la part du bord sioniste-Israélien.

Sous l’impulsion des libéraux à la droite du parti, la position dans ce dossier et surtout l’attitude par rapport à Israël a été de plus en plus corrigée (comprenez : affaiblie). Alors que l’attaque israélienne sur Gaza, en 2008, a été fortement condamnée, le chef de fraction anversois André Gantman et l’échevin Ludo Van Campenhout ont défendu l’attaque récente et beaucoup plus grave de cette année, ajoutant même qu’il n’était pas question de violence disproportionnée. Les deux hommes défendent « Israël à 200% » et le président Bart De Wever ne les a pas rappelés à l’ordre.

Pour info, cette attaque de Gaza s’est soldée par environ 2.100 morts, plus de 10.000 blessés, plus de 17.000 bâtiments détruits et plus de 100.000 réfugiés.

Tout bien considéré, on peut conclure que le refus récent du parti de soutenir la résolution en question n’a rien d’étonnant. Il résulte de l’adaptation progressive, mais effective du profil idéologique de ces dernières années, adoptant complètement le paradigme classique libéral de droite.

Si ce renoncement idéologique frappant a grandi le parti à court terme, la dissension qu’il a installée a tout d’une bombe à retardement qui risque d’exploser et mènera peut-être à un nouveau « scénario Volksunie ».

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