Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang. © Belga

Interdire le Vlaams Belang? Ce serait impossible et contre-productif…

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Patrick Charlier, directeur francophone d’Unia, explique pourquoi il n’est pas question d’agir en justice contre l’extrême droite flamande comme en 2004. Malgré l’affaire Conings, membre du parti depuis avril 2020.

Patrick Charlier, directeur d’Unia, service fédéral qui lutte contre les disciminations, évoque pour Le Vif l’affaire Conings et la position du Vlaams Belang, dont le militaire était membre.

Jürgen conings était membre du Vlaams Belang depuis avril 2020: cela permettrait-il d’agir en justice contre le parti d’extrême droite?

Le lien entre Jürgen Conings et le Vlaams Belang était trop ténu pour que l’on entreprenne quoi que ce soit: il n’a été membre du parti que pendant à peine un an.

Par ailleurs, je m’étonne du fait que Jürgen Conings soit passé complètement à côté de nos radars. Nous avons obtenu régulièrement des condamnations contre des groupes d’extrême droite violents en Flandre, récemment encore le Voorpost. Dans ce cas-ci, nous n’étions pas au courant de la procédure pénale entamée par l’armée suite à des propos racistes qu’il avait tenus sur Facebook. Normalement, quand le parquet ouvre une enquête, nous sommes directement informés.

Votre codirectrice flamande, Els Keytsman, disait récemment qu’il y avait des parallèles entre certains propos du Vlaams Belang et ce qui avait mené à l’interdiction du Vlaams Blok, en 2004…

Elle réagissait à une interview accordée le week-end dernier au Tijd par Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang, qui évoquait la nécessité d’une « force dominante blanche » en Flandre. Ces propos font songer au thèses suprématistes blanches, qui reposent sur des fondements racistes, ou à la thèse du Grand remplacement.

Nous faisons régulièrement l’analyse des propos tenus par l’extrême droite au sein du conseil d’administration, même si notre mission n’est pas spécifiquement de lutter contre ce courant, mais bien contre toutes les discriminations. Lors de la dernière campagne électorale, nous avions par ailleurs mandaté une équipe universitaire pour faire une analyse linguistique des propos tenus par les partis ou les candidats: il y avait une vingtaine de cas, tant en Flandre qu’en Wallonie, se situant dans une « zone grise ». Ces propos de Tom Van Grieken se situent incontestablement dans cette zone-là.

C’est insuffisant pour envisager un action contre le Vlaams Belang? N’est-ce plus possible parce que le parti a adopté son discours depuis 2004? Ou n’est-ce tout simplement pas souhaitable?

Les deux. Après la condamnation des ASBL du Vlaams Blok, en 2004, nous avons constaté que toutes les publications suivantes du Vlaams Belang était sur le fil, elles tenaient manifestement compte de la décision de justice. Ce parti s’est adapté, c’est manifeste.

Par ailleurs, suite à cette condamnation, nous avons reçu un soutien important du côté francophone, mais c’était nettement mois le cas au niveau politique et médiatique en Flandre. J’ai été très surpris de cela, à l’époque. En substance, on nous reprochait d’avoir joué dans son jeu. Cela a généré chez nous davantage de prudence.

D’ailleurs, il y a une dizaine d’années, le député du Belang Filip Dewinter avait délibérément tenu des propos provocateurs lors d’une réunion publique en déclarant, en guise de conclusion, qu’il attendait une action d’Unia. Nous devons être attentifs à ne pas tomber dans ce piège-là.

Cela étant, nous recevons énormément de signalements de la société civile et nous les traitons. Du côté francophone, nous avons obtenu une série de condamnations contre les mouvances d’extrême droite et cela a sans doute contribué, en partie, à éviter qu’un tel parti ne se développe au sud du pays.

Ce serait plus facile d’agir avant qu’un parti ne devienne trop important?

Certainement. Le Vlaams Blok a fortement progressé en Flandre dès 1991 et notre Centre n’a vu le jour qu’en 1993. Quand on regarde la situation en Europe, on doit d’ailleurs se dire que c’est plutôt la Wallonie et Bruxelles qui constituent l’exception. Dans la majorité des pays, l’extrême droite prospère avec un discours sur l’exclusion de l’autre, l’étranger, le demandeur d’asile… Nous devons y être attentifs et veiller à ne pas culpabiliser ceux qui, en Flandre, votent pour ces partis. Cela n’aide pas. Travaillant dans une institution flamande, je suis beaucoup à l’écoute de mes collègues flamands pour voir comment lutter au mieux contre l’extrême droite.

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