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Gwendolyn Rutten (Open VLD): « Il faut un nouveau pacte entre libéraux et socialistes »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

« Si cela n’avait tenu qu’à moi, il y aurait un gouvernement depuis longtemps », confie la présidente sortante des libéraux flamands. Elle évoque longuement à Wilfried le pouvoir trop important des présidents de parti et dénonce le machisme en politique

Gwendolyn Rutten, présidente sortante de l’Open VLD, vient de quitter le sommet du pouvoir. Elle aura marqué son époque à la tête des libéraux flamands par son duo avec son homologue francophone, Charles Michel: c’était en réalité elle la mère cachée de la majorité suédoise, qui a allié N-VA et MR durant quatre ans.

Dans un long entretien au magazine Wilfried, qui sort ce vendredi, elle témoigne du fait qu’elle n’a jamais manié la langue de bois.

Sans renier le passé, elle plaide désormais pour un pacte d’envergure entre libéraux et socialistes: « Le gouvernement précédent, sous Charles Michel, était globalement de droite. J’en suis contente, nous avons créé 360000 emplois, c’était nécessaire à ce moment-là et je défends cette politique. Mais un programme positif une année ne doit pas nécessairement être appliqué l’année d’après. Pour moi, il faudrait de nouveau conclure un pacte d’envergure entre les libéraux, qui sont capables de voir rapidement les changements à venir dans la société, et les socialistes, qui font le maximum pour que personne ne reste sur le côté. Si l’on parvient à combiner ces deux éléments et à les appliquer de manière durable, on aura un bon gouvernement et une bonne manière de sortir de la crise du coronavirus. »

D’ailleurs, si cela ne tenait qu’à elle, ce axe libéral-socialiste aurait pu voir le jour à l’issue de la première mission de Paul Magnette, fin de l’année dernière: « Si cela n’avait tenu qu’à moi, il y aurait un gouvernement depuis longtemps. (…) J’ai pris des risques lors de la mission d’information de Paul Magnette. J’estimais, déjà avant la crise du coronavirus, qu’un nouvel axe social-libéral, avec une nouvelle vision économique et un ensemble de mesures sociales, se justifiait pour l’intérêt collectif. J’ai été très étonnée que le rapport de Paul Magnette rencontre autant d’oppositions, alors que ce n’était qu’une note de départ sur laquelle nous devions nous baser pour dire si oui ou non nous allions négocier ensemble. D’autant plus étonnée que dans le rapport de Bart De Wever pour la formation du gouvernement flamand, à l’été 2019, il n’y avait rien de libéral. C’était une note qui avait pour seul but de séduire le Vlaams Belang et d’apaiser les anciens électeurs N-VA qui avaient basculé de l’autre côté. Nous avons pourtant entamé les négociations, avec pour issue la formation d’un gouvernement régional avec la N-VA. Je m’étonne donc qu’au fédéral, on n’ait même pas pu parler avec les socialistes. (…) Avec mon expérience, j’avais assez de confiance en moi et en mon entourage pour croire qu’on parviendrait à mener à bien ces négociations. J’étais sûre que cela pouvait marcher, même s’il y avait des réticences au sein de mon parti et des autres. Mais bon, ce n’était pas le bon moment… »

Gwendolyn Rutten, qui vient de quitter la présidence de son parti, n’hésite pas à dre que cette fonction détient trop de pouvoir en Belgique: « En Belgique, le président de parti est quasiment le seul acteur du paysage politique à avoir un regard sur tous les niveaux de pouvoir. Il est celui qui surplombe le tout, qui a une vue d’ensemble et qui peut maintenir une cohésion entre des niveaux fonctionnant chacun de manière étanche. Mais en soi, autant de pouvoir entre si peu de mains, ce n’est pas bon. Il y a en Belgique une poignée de gens — les présidents de parti — qui, entre eux, définissent les directives et décident de ce qui se passe dans le pays. Ce pouvoir ne fait pas l’objet d’un contrôle démocratique. Il ne dépend que des affiliés des partis. Il serait utile de limiter ce pouvoir en accordant un plus grand rôle aux groupes parlementaires, pour que les pouvoirs et les contre-pouvoirs s’équilibrent mieux. »

Enfin, l’ancienne numero uno libérale revient aussi sur les attaques machistes dont sont trop souvent victimes les femmes en politique: « Les attaques contre Maggie De Block, Laurette Onkelinx ou Vera Dua ont été extrêmement dures et personnelles. Stéréotypées. Les hommes sont intelligents, stratèges, charmants… Les femmes ? Soit trop douces, soit trop dures. Soit une bitch, soit hystérique. Qui plus est, nous sommes jugées sur notre manière de parler, notre apparence… Pourtant, même si récemment un certain nombre d’hommes plus beaux sont entrés en scène, l’histoire de la politique belge n’est pas particulièrement une histoire d’hommes beaux, mais plutôt d’hommes moches. D’une laideur qu’on ne permettrait pas aux femmes. Mon expérience, c’est que les femmes en politique ne sont certainement pas des mauviettes. Mais elles sont sans doute plus tournées vers la recherche de solutions, beaucoup moins braquées sur leur égo, sur leur propre image, des facteurs nécessaires pour atteindre le plus haut niveau en politique. J’ai aussi remarqué — et ça ne me fait pas plaisir de dire ça — qu’une femme avec du pouvoir, ça continue de poser un problème à certains. Une partie du monde n’est pas encore prête. En particulier dans les partis conservateurs, qui gardent une image fantasmée du chef autoritaire, du père sévère, du manager aux gros bras qui dicte sa loi. »

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