Mohamed Ouriaghli (PS) .

GIAL: l’inévitable inculpation de Mohamed Ouriaghli

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

L’inculpation de l’ex-échevin bruxellois et ex-président de Gial Mohamed Ouriaghli (PS) ouvre un nouveau chapitre dans la déjà longue saga judiciaire de cette asbl de la ville de Bruxelles, chargée d’en gérer le parc informatique. Annoncée par la RTBF, cette inculpation pour corruption (passive) et infraction à la réglementation sur les marchés publics, implique également l’ancien directeur général Yves Vander Auwera, ainsi que l’entreprise Proximus.

On ignore encore pour l’instant si la firme Ricoh fait également l’objet d’une inculpation dans ce dossier. L’avocat de la Ville de Bruxelles et de Gial, Me Uyttendaele, avait demandé que la direction de Proximus et celle de Ricoh soient interrogées dans le cadre de l’instruction ouverte pour soupçons de corruption, à la fin décembre 2016, après le licenciement du directeur de Gial et de deux de ses collaborateurs. Un dirigeant de Ricoh a en tous cas été auditionné en début d’année par les enquêteurs. « Si c’est bien de corruption dont il est question, il me parait logique d’entendre ceux qui sont soupçonnés de corruption active », avait déclaré Marc Uyttendaele, interrogé par Le Vif/L’Express, en décembre 2018.

La conclusion de l’enquête judiciaire, qui tombe opportunément après le scrutin régional qui a permis à Mohamed Ouriaghli de décrocher un siège de député bruxellois, confirme les éléments publiés par Le Vif/L’Express en date du 15 mars 2018.

Ainsi, en octobre 2016, le directeur de Gial de l’époque, Yves Vander Auwera, et le président du conseil d’administration, l’échevin socialiste Mohamed Ouriaghli, sont invités à participer à un voyage d’études dans la Silicon Valley, aux Etats-Unis. Proximus organise le voyage, qui commence le 22 octobre. Les entreprises informatiques (Cisco, NetApp, Palo Alto and Blue Coat/Symantec) qui reçoivent les invités financent le vol en classe économique, l’hébergement et les repas. Gial ne paie qu’un supplément pour un vol en classe supérieure et les visas des deux hommes, soit 1030 euros. Détail piquant : les participants signent un document dans lequel ils confirment que ce type de voyage est bien accepté par leur gouvernance interne.

Quelques mois plus tôt, en janvier 2016, Proximus a posé sa candidature dans le cadre d’un appel lancé par Gial pour deux lots, l’un d’une valeur de 1,2 million d’euros, l’autre de 400 000 euros. Dans un premier temps, Proximus emporte effectivement le premier marché. Mais après divers recours, la décision est cassée et c’est Infradata qui décroche les deux lots. Ainsi en décide le conseil d’administration de Gial, le 18 octobre 2016. La période dite de « stand still », c’est-à-dire le délai durant lequel un recours peut encore être introduit par un candidat évincé, se termine le 15 novembre. C’est à cette date seulement que le marché est considéré comme clos.

Le voyage organisé par Proximus, candidat déclaré, intervient donc avant la fin de la procédure formelle d’attribution du marché. C’est d’autant plus vrai que les contacts préparatoires à ce voyage ont eu lieu bien plus tôt dans l’année, à partir du début du mois de juillet, comme l’a confirmé il y quelques mois le porte-parole de Proximus au Vif. La loi interdit pourtant tout contact entre le pouvoir adjudicataire et les soumissionnaires lorsqu’une procédure de passation de marché public est en cours, sauf pour vérifier des prix à première vue anormaux. Interrogé sur d’éventuels contacts entre lui et des soumissionnaires, Mohamed Ouriaghli avait assuré n’en avoir eu aucun. « J’ai été invité à ce voyage par Gial, avait-il déclaré, et je n’étais même pas au courant que Proximus payait ». Chez Proximus, on assure pourtant n’avoir pas financé ce voyage.

Interrogé par Le Vif/L’Express en mars 2018, le porte-parole de Proximus avait assuré que l’invitation a été émise à une époque où aucun appel d’offres n’était en cours avec Gial « puisque le marché nous avait été attribué le 24 mai. Nous ne pouvions pas savoir ce qu’il en adviendrait ensuite ». Certes. Mais la procédure, comme on l’a vu, n’a été formellement conclue qu’à la mi-novembre, quoiqu’il se soit passé en mai. Les enquêteurs ont d’ailleurs entendu plusieurs membres du personnel de Proximus, comme l’a confirmé l’opérateur.

De son côté, Mohamed Ouriaghli, auquel plusieurs demandes d’interview avaient été soumises par Le Vif/L’Express, avait opté pour le silence, arguant que l’avocat de la Ville de Bruxelles « lui déconseillait de répondre aux questions posées ». Depuis le licenciement d’Yves Vander Auwera, en décembre 2016, une enquête était en effet en cours, sur plainte de la Ville de Bruxelles, pour la gestion problématique des marchés publics chez Gial. « Nous ne pouvons pas nous exprimer sur le sujet car ce voyage constitue l’un des points de la plainte », avait alors précisé le porte-parole de Mohamed Ouriaghli.

D’autres voyages

Entre le 26 et le 29 mai 2016, Yves Vander Auwera avait également participé à un autre voyage organisé par Proximus à Majorque. L’opérateur, contacté par Le Vif, n’avait pas souhaité s’exprimer sur le sujet. « Nous n’avons malheureusement pas de réponse à vous apporter concernant votre demande ».

  • Voulez-vous dire que vous n’êtes pas en mesure de répondre car vous ne disposez pas de l’information ou disposez-vous d’informations que vous ne souhaitez pas transmettre ?, avait requestionné Le Vif.
  • Ma réponse est que je regrette, mais nous ne ferons pas de commentaire à ce propos.

Le même directeur avait enfin été d’un autre voyage à Deauville, à l’invitation de la firme de matériel informatique Ricoh, entre le 21 et le 24 avril 2016. Le 24 mai, soit un mois plus tard, Gial avait passé commande de matériel informatique à Ricoh pour quelque 27 000 euros, selon les informations du Vif/L’Express.

A la fin 2017, le bureau VDE Legal avait mené un audit approfondi chez Gial, qui avait conclu que plusieurs de ses marchés publics avaient été attribués sans respect de la procédure légale.

C’est le juge d’instruction Michel Claise qui est chargé de l’enquête.

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