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Fipronil : « Personne ne pouvait savoir ce qui se cachait derrière le produit miracle »

Muriel Lefevre

Les deux Hollandais derrière le produit responsable de la crise des oeufs contaminés sont passés à la clandestinité. Martin van de B. (31) et Mathijs IJ. (24) faisaient du porte-à-porte depuis un an pour vendre leur produit contre le pou rouge. Un remède aussi miraculeux que secret.

Dès le 1er août, les autorités néerlandaises estiment que la Belgique constitue le probable point de départ d’une contamination d’oeufs par du fipronil, un insecticide et acaricide qui ne peut pas être utilisé sur de la volaille. Ce serait la société hollandaise Chickfriend située à Barneveld et spécialisée en nettoyage d’entreprises de volailles qui serait la source de cette contamination. En quelques jours, des millions d’oeufs seront retirés du commerce et détruits en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.

Deux gars charmants

Jusqu’à l’explosion du scandale, les affaires étaient florissantes pour les deux jeunes hommes. Car s’il y a une chose dont peuvent se passer les éleveurs de poulets, ce sont bien les poux rouges dit De Morgen. Car elles piquent les poules la nuit et les empêchent de pondre. Et si le problème se prolonge, les volatiles s’affaiblissent irrémédiablement.

Le secteur cherche depuis des mois la solution idéale, car les puces deviennent rapidement résistantes et un « remède » ne fonctionne souvent que quelques mois. Et voilà que les deux hommes proposent un traitement capable de tenir à distance ces maudites poux durant 6 à 8 mois. Pour vanter les mérites de leur produit miracle, ils écument les producteurs de volailles et les différents salons en Belgique et aux Pays-Bas.

Le charme opère, ils présentent bien. Et surtout, on aurait enfin trouvé quelque chose contre le fléau que sont les poux rouges. Avec leur véhicule, ils peuvent se rendre dans les moindres recoins des granges à poules et, petite touche perso, les deux hommes parfument le tout à l’Eucalyptus et au menthol. Très vite, il devient le produit miracle. Le bouche-à-oreille fonctionne à merveille, soutenu par une page Facebook où il n’y a que des commentaires élogieux. Pour assoir leurs images, ils iront même jusqu’à sponsoriser des évènements locaux. Les affaires sont florissantes.

La composition du produit, par contre, reste secrète. « Question de concurrence », martèlent les deux hommes lorsqu’on leur pose la question. Tout juste sait-on qu’il y a de la Dega-16. Pas un mot sur le fipronil. Et puis le produit est autorisé. Pour preuve, le certificat de la IKB que se targuent d’avoir obtenu les deux hommes. C’était même affiché sur leur camionnette. Sauf que c’est un faux.

L’Afsca aurait découvert le pot aux roses lors d’un contrôle de routine effectué au mois de juin auprès de Poultry-Vision, une entreprise belge qui a fourni le produit à Chickfriend. Celle-ci aurait de sa propre initiative fait le mélange menthe-eucalyptus-fipronil. Pire, elle aurait acheté le pesticide en toute connaissance de cause en Roumanie sous le nom de « fypro-rein ».

Depuis le scandale, les deux hommes ont pris la poudre d’escampette et sont aux abonnés absents. Tout comme leur page Facebook, qui a été mise hors ligne.

La crise actuelle avait déjà été constatée mi-mai

« La première contamination au fipronil dans notre pays a déjà été constatée à la mi-mai par une entreprise privée », a déclaré le député européen Bart Staes (Groen) au micro de la VRT. Selon lui, la Belgique a mis un mois et demi avant de prévenir les pays voisins.

L’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) a été mise au courant des premiers cas de contamination au fipronil par une entreprise privée mi-mai, affirme l’eurodéputé. « Les autorités belges ont donc attendu plus d’un mois et demi avant de mettre ses voisins au courant. C’est alors que ceux-ci ont entamé leurs enquêtes. » L’élu fustige « la réaction extrêmement lente » de la Belgique. « Un mois et demi me semble une bien longue période pour réfléchir. Ils auraient dû intervenir bien plus vite », estime-t-il. « La lenteur de la réaction belge a suscité une certaine forme de panique au sein des autres Etats membres. » L’Afsca n’avait pas encore réagi à ces propos mardi matin.

Des millions d’oeufs retirés de la consommation en quelques jours

Fin juillet, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) retire des rayons des oeufs d’un certain nombre d’entreprises de volaille flamandes. À l’issue des tests, il est en effet apparu qu’ils étaient contaminés par du fipronil, un insecticide. La distribution des oeufs en question, qui ne représentent aucun danger pour la santé publique, a été arrêtée. Les tests ont été effectués à la suite d’une perquisition de la police jeudi dernier à Ravels (province d’Anvers) dans une entreprise qui fournit des solutions de nettoyage à des entreprises de volaille. Une enquête judiciaire est en cours.

En grande quantité, cet insecticide peut en effet se révéler nocif pour les reins, le foie et la glande thyroïdienne.

Le 2 août, les premiers résultats des analyses effectuées sur des oeufs potentiellement contaminés par un insecticide sont rassurants pour la santé publique, selon l’Afsca. Les seuils européens en la matière n’ont en effet pas été dépassés et les oeufs commercialisés ne doivent pas être retirés du commerce, selon elle.

Vendredi 4 août, les supermarchés Albert Heijn, Colruyt et Delhaize retirent préventivement certains oeufs des rayons en Belgique. Il s’agit de mesures de précaution. Des millions d’oeufs ont été retirés du marché et détruits en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Des oeufs ont aussi été retirés de la vente préventivement en Suisse. Des milliers de poules ont par ailleurs été abattues.

Des voix s’élèvent alors contre le manque de réaction et de communication de l’Afsca. Celle-ci a remis un rapport le lundi 7 août. Les résultats des premières analyses en Belgique ne montrent pas de fortes teneurs en fipronil dans les élevages incriminés et suggèrent qu’il n’y a pas de danger pour la santé publique. Le ministre de l’Agriculture Denis Ducarme et la ministre de la Santé publique Maggie De Block seront entendus mercredi à 10h15 en commission Economie et Agriculture à la Chambre.

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