Christine Defraigne et Denis Ducarme se demandent si le système auquel recourt Georges-Louis Bouchez n'implique pas de risques de confusion de patrimoine et de conflits d'intérêts.

Finances du MR: le courrier qui va mettre le feu au parti

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Christine Defraigne et Denis Ducarme ont adressé à la direction du MR un courrier explosif, dont Le Vif/L’Express a pris connaissance. Ils réclament la transparence totale de l’asbl GAL, qui gère toutes les finances du parti, ainsi que les dépenses personnelles du président, Georges-Louis Bouchez.

Ils l’avaient annoncé. Ils le font. Denis Ducarme et Christine Defraigne veulent les clés du coffre-fort. Le 27 octobre, les candidats malheureux contre Georges-Louis Bouchez à la dernière élection présidentielle du MR, ont adressé à la secrétaire générale du parti, Valentine Delwart, avec copie aux membres du « G11 » chargé désormais d’entourer le président Bouchez et aux membres du conseil d’administration de GAL, l’asbl qui gère les finances du parti, un courrier de trois pages.

« Tel que convenu lors du G11 de ce lundi 19 octobre 2020, nous vous informons que nous transmettons ce jour au secrétariat général du Mouvement réformateur différentes questions liées à la gouvernance financière de notre Mouvement », commence la missive, qui a dû mettre Georges-Louis Bouchez en colère.

Ce courrier rassemble une série de demandes nécessairement dérangeantes pour le Montois, président du MR comme de GAL. Des révélations des journaux du groupe Sudpresse avaient établi que des factures de sa campagne présidentielle de l’automne 2019 avaient été payées, en août 2020, par un compte de l’asbl. Georges-Louis Bouchez disait n’avoir rien à se reprocher, expliquant que l’administration du parti gérait directement ses finances personnelles. Elle s’occupait pour lui d’équilibrer ses dépenses, soit purement personnelles, soit professionnelles, de façon à éviter toute possibilité de faire passer les premières pour des secondes, notamment via un compte courant. « Tout est transparent ! » avait-il répondu à nos confrères. « Il s’agit d’informations qui, sans doute, ont pu surprendre les autres candidats à notre élection interne et quant auxquelles une clarification apparaît comme nécessaire« , précisent d’ailleurs Denis Ducarme et Christine Defraigne dans leur courrier.

L’affaire est néanmoins dérangeante car, que l’on ait quelque chose à se reprocher ou pas, devoir parler d’argent lorsque l’on fait de la politique est toujours coûteux. Et les demandes de Denis Ducarme et Christine Defraigne, sériées et précises, vont le forcer à encore devoir en parler. Celles-ci, au nombre d’une petite quinzaine, se divisent en trois chapitres, sur lesquels Georges-Louis Bouchez et la direction de GAL devront s’expliquer. Et, surtout, présenter des pièces.

1. Le compte courant

Les signataires du courrier réclament des précisions sur la décision qui a mis ce système « reposant sur un compte courant dont il était le bénéficiaire », et notamment une délibération datée du conseil d’administration de l’asbl, que préside, rappelons-le, Georges-Louis Bouchez. Ils demandent que ce système soit détaillé, s’il prévoyait dès le début « le paiement de factures afférentes à des dépenses purement privées », sous le contrôle de quel(s) administrateur(s), et veulent savoir si les destinataires de la lettre n’estiment pas « que confier sa gestion personnelle au Mouvement réformateur pose question à la fois sur le plan éthique et fiscal ».

« L’utilisation du réviseur du MR à des fins de comptabilité à titre privé, fait-il par exemple l’objet d’un avantage de toute nature déclaré au fisc ? », ajoutent-ils. Les dirigeants de GAL – rappelons que Charles Michel, président du Conseil européen, en est encore vice-président – devront dire s’ils considèrent que l’objet social de l’asbl a été respecté par ces décisions. Enfin, les signataires se demandent également si ce système n’implique pas de risques en matière de confusion de patrimoine et de conflits d’intérêts. La réponse sera, on l’imagine, négative. Mais la suggestion est lourde de sens.

2. La campagne

« Les informations parues dans la presse sur le paiement par l’asbl GAL des factures inhérentes, liées à la campagne interne du président du MR Georges-Louis Bouchez, et donc antérieures à sa prise de fonction, posent naturellement la question de la rupture du principe d’égalité avec les autres candidats en lice », posent les candidats défaits de la dernière élection présidentielle. Conséquemment, ils souhaitent savoir si d’autres prestations que celles dont la presse a parlé (l’impression de brochures et la location d’une salle) ont été payées par un compte de GAL, si elles figurent dans la comptabilité consolidée du MR et, si c’est le cas, si Georges-Louis Bouchez les a, à son tour, remboursées sur ses propres deniers, en produisant les pièces qui le démontrent.

Ils mentionnent notamment plusieurs événements (dans les loges du Standard et du Sporting de Charleroi, au château Rivieren à Ganshoren, et au vignoble des Agaises, où se fabrique le vin mousseux Ruffus) tenus pendant la campagne présidentielle interne.

Les signataires de la lettre de doléances établissent une liste précise des documents qu’ils désirent examiner

3. L’accès aux pièces

Tous les participants à cette campagne remportée par Georges-Louis Bouchez (Denis Ducarme, Christine Defraigne, Philippe Goffin et Clémentine Barzin) « qui le désirent » devraient avoir accès aux différentes pièces justificatives, « afin que la transparence puisse s’opérer dans la rigueur voulue ». A cette fin, les signataires de la lettre de doléances établissent une liste précise des documents qu’ils désirent examiner. « Peut-il être mis à disposition des anciens candidats à l’élection interne qui le désirent, des pièces suivantes :

– les facturiers de l’asbl GAL à partir de juin 2019 jusqu’à ce jour ;

– les extraits de compte des différents paiements produits au départ des différents comptes de l’asbl Gal, pour la même période ;

– les extraits du compte courant avec les mouvements détaillés depuis l’entrée en fonction du président du MR, GeorgesLouis Bouchez, ainsi que les factures payées par l’asbl GAL pour M. GeorgesLouis Bouchez et les versements opérés par ce dernier pour apurer le compte courant ;

– le détail du compte courant ouvert au nom du président Georges-Louis Bouchez dans la comptabilité de l’asbl GAL (entrées et sorties) ; – le détail de tous les mouvements du compte courant, libellé au nom du président Georges-Louis Bouchez, dans le bilan de l’asbl GAL, tant en débit, qu’en crédit depuis son entrée en fonction », énumèrent-ils.

Rencontrée, cette troisième demande exposerait l’ensemble des flux d’argent réformateurs au regard critique de candidats déçus, mais aussi de la presse, donc de l’opinion publique. C’est incontestablement celle qui porte la plus grosse charge explosive. Denis Ducarme et Christine Defraigne exigeaient « la transparence totale ». S’ils l’obtiennent vraiment, à tout le moins depuis juin 2019, ils auront fait sauter la banque.

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