Pierre Havaux

Et la Flandre dans tout ça? Manuel pour décoloniser malin

Pierre Havaux Journaliste au Vif

L’été fut meurtrier en Flandre pour feu Léopold II. Impossible pour le roi colonisateur de passer entre les gouttes, entre la flambée mondiale de protestation contre le racisme portée par Black Lives Matter et les commémorations liées au 60e anniversaire de l’indépendance du Congo.

Son portrait a disparu de la salle communale des fêtes à Vilvorde. Courtrai n’a plus voulu de lui pour désigner un de ses boulevards. Des pétitions ont réclamé la disparition de sa trace en rue, ses statues ont été maculées de peinture rouge, vandalisées, amputées des mains. L’été fut meurtrier en Flandre pour feu Léopold II. Impossible pour le roi colonisateur de passer entre les gouttes, entre la flambée mondiale de protestation contre le racisme portée par Black Lives Matter et les commémorations liées au 60e anniversaire de l’indépendance du Congo.

Le calme après la tempête. Léopold II a repris (provisoirement) pied sur son piédestal. Voici venu le temps de la réflexion, du regard serein dans le rétro. A la Chambre, une commission spéciale Congo entame une délicate plongée dans le passé colonial de la Belgique qu’il serait devenu de très mauvais goût d’afficher encore dans l’espace public.

Le travail s’annonce de longue haleine et ne peut exclure de nouvelles controverses sur le terrain. Bart Somers (Open VLD) est un ministre régional du vivre ensemble qui tient à faire honneur à sa compétence et à ne pas la réduire à un gadget. Sans attendre les conclusions et les recommandations des députés fédéraux, il met à la disposition des communes de Flandre un outil censé les aider à gérer sans trop de heurts ce qui évoque le temps de la colonie sur leur territoire. Une statue, une plaque de rue, un nom d’institution qui ferait polémique et jetterait soudainement dans l’embarras.

Bart Somers (Open VLD) met u0026#xE0; la disposition des communes de Flandre un outil censu0026#xE9; les aider u0026#xE0; gu0026#xE9;rer sans trop de heurts ce qui u0026#xE9;voque le temps de la colonie.

Pas question pour un ministre du vivre ensemble de jouer au deus ex machina qui livrerait des réponses clés sur porte: « Il ne s’agit pas de dire comment l’histoire doit être lue ni d’une thèse de doctorat qui fait le procès de Léopold II. » Une commune n’est pas l’autre, un contexte n’est pas l’autre, il est plus sage de laisser aux autorités locales le soin de vider d’éventuelles querelles avant toute escalade et de trancher au cas par cas. Pourvu que toute décision ait été le fruit d’un dialogue, d’échanges constructifs, d’un débat approfondi entre tous les acteurs concernés, y compris les anciens coloniaux qui doivent aussi avoir leur mot à dire.

Quinze experts, académiques et activistes de la diaspora ont cogité durant l’été pour mettre au point un petit guide à l’intention des communes. Elles y trouveront de quoi frapper aux bonnes portes, des coordonnées de personnes de contact et des références documentaires qui devraient leur permettre de se forger une opinion en meilleure connaissance de cause. Le menu offre en suggestions: laisser le symbole colonial en l’état, l’évacuer pour le mettre à l’abri des regards, le déplacer, le contextualiser par une plaquette explicative ou encore lui opposer un « contre-monument » chargé de lui donner la réplique. Cette gamme de possibilités pourra ainsi éviter ce qui peut vite paraître comme la solution de facilité, le retrait brutal d’une statue ou d’une plaque de rue sans autre forme d’explication. Aucune piste n’est plus particulièrement recommandée mais une seule est à proscrire, celle du pire: le vandalisme, l’accès de fureur iconoclaste « que personne ne veut », assure Bart Somers. S’il faut en arriver à déboulonner, que ce soit au moins sans trop de fracas.

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